Je suis médecin interniste tropicaliste hospitalier, presque 30 ans d'exercice outre mer, d'abord en brousse, en poste isolé à Dosso au Niger, puis assistant, enfin comme chef de service (Afrique Noire, grand Maghreb, Asie, au Vietnam, à Saïgon à l'institut médico chirurgical créé par le Pr Alain Carpentier, et DOM, TOM). Autant de pays où de nombreux malades consultent et certains dans un état qui nécessite l’hospitalisation. Les pathologies sont multiples et nombre d'entre elles, pour ne pas dire toutes, montrent des signes cliniques qui ne peuvent échapper à l'examen.
La médecine est une et indivisible, elle se pratique sur tous les continents avec des règles qui sont universelles. À mes débuts j'ai souvent travaillé dans des hôpitaux peu équipés, aussi bien au niveau du laboratoire que dans l'imagerie médicale. Dans ces conditions, le diagnostic reposait en grande partie sur l'interrogatoire et l'examen clinique complet, j'insiste, fidèle aux règles essentielles enseignées par nos maîtres à savoir : inspection, palpation, percussion, palpation. Cette pratique immuable, aidée par quelques examens de laboratoire de base et un poste de graphie simple, permettait de faire face à 80 % environ de la pathologie. Les 20 % restant, je faisais des évacuations si cela était possible.
Plus tard dans ma vie professionnelle, j'ai exercé dans des postes mieux équipés (sans scanner ni IRM) ; je n'ai jamais modifié pour autant ma façon d'interroger et d'examiner les patients. L'examen clinique bien fait, s'il ne donne pas le diagnostic, permet d'orienter vers des examens complémentaires précis et adéquats.
Trois avantages
Lorsque j'étais à Saïgon entre 1977 et 2001, j'avais proposé au Pr Alain Carpentier, qui était à ce moment-là, président de la commission de la réforme des études de médecine, d'organiser des stages pour les médecins en fin d'étude, de venir parfaire leur formation dans des hôpitaux OM (Guyane, Mayotte, la Polynésie… Vietnam, Afrique noire, dans le cadre de notre coopération). Il a reçu mon avis avec beaucoup d'intérêt mais « les penseurs décideurs de l'époque » n'ont pas retenu cette éventualité.
Il a simplement organisé des stages à Saïgon où j'ai eu le plaisir de transmettre mes connaissances à des jeunes médecins qui ont été ravis d'apprendre et de découvrir l'intérêt de l'examen clinique sous un jour différent. Il va sans dire que cette richesse clinique que je leur faisais découvrir par eux-mêmes, leur apportait une satisfaction professionnelle très profitable pour leur avenir (c'est ce que j'espérais).
Pour conclure, je retiens au moins trois avantages dans le maintien de l'examen clinique bien fait. Tout d'abord, le patient bien interrogé et bien examiné tire deux bénéfices de cette façon de faire : d'une part, il prend conscience qu'on porte un intérêt certain à sa maladie et à sa personne, (l'importance de la relation médecin-malade avec notamment une prise en charge globale et positive du patient) ; d'autre part, au bout, il y aura un diagnostic clinique ou un diagnostic clinique aidé par les examens complémentaires qui auront été bien sélectionnés.
Ensuite, le médecin qui « interroge et examine bien » ne peut qu'être passionné par cette démarche gratifiante, qui ouvre la porte au diagnostic.
Enfin, une telle pratique conduit, par voie de conséquence, à la suppression d'un certain nombre d'examens complémentaires inutiles. La sécurité sociale ne s'en trouverait que mieux.
Pour moi, en aucune façon, l'examen complémentaire ne doit se substituer à l'examen clinique ; il ne peut que le compléter. Voilà comment je conçois la bonne médecine.
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