« Renforcer le parcours éducatif de santé » et « prendre en charge la souffrance psychique des élèves ». Tels sont les objectifs fixés en matière de santé à l'école par le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, dans sa feuille de route de rentrée.
Mais sur les médecins et infirmiers scolaires, pas un mot… « Un silence assourdissant » que regrette le Dr Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'Éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT). « Rien n'a été dit sur nos missions et sur la place des médecins et infirmiers de santé scolaire, déplore le Dr Colson. En comme nous sommes de moins en moins nombreux… »
C'est là que le bât blesse : le nombre de médecins scolaires titulaires est en chute libre, depuis plusieurs années. Dans son rapport 2016 (publié en juin dernier), le médiateur de l'Éducation nationale constate « un effondrement des effectifs de l'ordre de 20 % depuis 2008 » qui aboutit à « un manque récurrent » de médecins scolaires.
La barre symbolique des 1 000 praticiens a été franchie… mais dans le mauvais sens ! Le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA, majoritaire), autre organisation représentative, recense même 896 médecins scolaires en équivalent temps plein en mai 2017 pour 12,4 millions d'élèves, soit une moyenne d'un médecin pour plus de 12 000 élèves. « Nous attendons toujours que des mesures soient prises pour sauver la médecine scolaire, par exemple en recrutant des contractuels », souligne le Dr Marianne Barré, secrétaire générale du SNMSU-UNSA.
2 000 euros en début de carrière
Avant de recruter des aspirants à la médecine scolaire, il faudrait redorer sensiblement le blason de la profession. Le médiateur de l'Éducation nationale préconise à cet égard de « renforcer l’attractivité des fonctions de médecins notamment en intervenant auprès des étudiants » mais aussi de « poursuivre la réflexion sur le niveau de leur rémunération ».
Actuellement, un médecin de l'Éducation nationale en début de carrière émarge à 1 700 euros net par mois en seconde classe et finit à 2 900 euros net mensuels. Seuls ceux qui terminent en première classe peuvent franchir la barre des 3 500 euros net. À ces salaires dits « indiciaires », peu attractifs, s'ajoutent des indemnités annuelles qui varient selon les académies et les rectorats. Selon le SNMSU, seules quatre académies sur trente versent des indemnités de plus de 10 000 euros brut annuels, les autres restant au plafond réglementaire des 8 000 euros.
Résultat : les candidats au concours de médecin de l'Éducation nationale ne se bousculent pas au portillon. « Pour le cru 2017, alors que 80 places étaient proposées au concours, seuls 22 candidats ont été reçus, se désole le Dr Barré. En espérant que certains n'aient pas renoncé durant l'été. »
Difficile, avec des effectifs qui se réduisent comme peau de chagrin, d'assurer les missions exigées (lire ci-dessous l'illustration en Seine-Saint-Denis). « Il est clair que dans ces conditions, on ne peut plus assurer toutes les visites médicales, notamment celles à l'âge de six ans, indispensables pour détecter les troubles de l'apprentissage », explique le Dr Patricia Colson.
Coopération
Selon le SNAMSPEN, seulement 15 % de ces visites médicales sont effectuées dans certains départements car il est impossible d'être sur tous les fronts. « Il faut faire face aux demandes d'adaptation aux troubles de l'apprentissage, au handicap et aux visites médicales obligatoires en lycées professionnels, que les médecins se répartissent… Des enfants passent à travers les mailles du filet », souligne la secrétaire générale.
Malgré ces conditions d'exercice délicates, la profession veut croire à des jours meilleurs. La semaine dernière, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a promis une coopération avec les services de l'Éducation nationale « autour de la médecine scolaire et de la formation à une alimentation et des modes de vie sains ». « Nous avons hâte de voir les incidences de cette coopération, assure le Dr Colson. Et la mise en place du futur service sanitaire pour les étudiants en santé (voir ci-dessous) peut aussi être excellente pour les vocations. » Reçu au ministère avant l'été, le SNMSU se félicite lui aussi du travail collégial avec « des interlocuteurs qui connaissent bien leurs dossiers ».
Le chiffre : 896
C'est, en équivalent temps plein travaillé, le nombre de médecins de l'Education nationale titulaires recensés en mai 2017 par le Syndicat des médecins scolaires et universitaires (SNMSU).
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