Les représentants des généralistes enseignants et des internes semblent en phase sur la nécessité d’ajouter au DES de médecine générale une 4e année professionnalisante. Il n’existe en revanche pas de consensus dans la profession. Selon notre enquête exclusive menée sur legeneraliste.fr, à laquelle ont répondu 825 médecins installés ou en formation, deux tiers des répondants sont opposés à l’allongement de l’internat et seulement 28 % y sont favorables, quand 7 % n’ont pas d’avis sur la question. Les réfractaires redoutent majoritairement une année supplémentaire d’exploitation à l’hôpital. Explications.
La perspective d’allonger l’internat de médecine générale n’enchante pas les foules. Qu’il s’agisse des généralistes en exercice, des étudiants ou des internes, quels que soient le statut, le sexe ou l’âge, à la question « Êtes-vous favorable à ce que la durée du diplôme d’études spécialisées de médecine générale soit portée de 3 à 4 ans ? », le non l’emporte toujours sur le oui. Ces positions sont cependant plus ou moins nuancées selon le statut et l’âge des répondants.
Les généralistes en exercice sont en effet moins hostiles à cet allongement que leurs futurs confrères en formation. 62,5 % des omnipraticiens diplômés y sont défavorables mais cette proportion passe à 77,3 % chez les étudiants et internes. Susceptibles d’être concernés par cette mesure, près de 9 étudiants sur 10 (88 %) s’y déclarent opposés contre 7 internes sur 10 (69,3 %). La perspective de prolonger encore leurs études est perçue comme un repoussoir pour les futurs médecins. De même, les moins de 40 ans font partie des plus réfractaires à la mesure (à 69 %) juste derrière les 51-60 ans (71,5 %). En ne retenant que les généralistes de moins de 40 ans, sans les étudiants, le rejet est moins important (57 %).
Un meilleur contenu plutôt qu’un allongement
Pourquoi les étudiants voient-ils d’un mauvais œil l’allongement de leur éventuel cursus ? Les raisons exprimées par les opposants à cette réforme donnent des pistes d’explication intéressantes. La peur d’une année synonyme de remplacement déguisé ou d’exploitation de l’interne est majoritairement exprimée (53 %). On retrouve spécifiquement cette crainte chez les étudiants (72,7 %) et encore davantage chez les internes (78,5 %). Pour ces derniers, la perspective de prolonger leur internat est peu attrayante, sur le format de leurs stages actuels en tout cas. Les généralistes en exercice réfractaires à la 4e année sont moins nombreux (45,6 %) à craindre le remplacement déguisé. 36,3 % d’entre eux mettent en revanche en avant l’idée que la formation d’un médecin généraliste est déjà suffisamment longue.
Dans les commentaires qu’ils ont formulés, les médecins de famille estiment que davantage qu’un allongement du DES, c’est le contenu de la formation qu’il faut revoir. « Un meilleur contenu et une meilleure structuration de la formation initiale devraient permettre d’économiser cette 4e année », écrit l’un des répondants. « Commençons par un vrai internat en médecine générale avec au moins deux tiers en ambulatoire », complète un autre. Certains jugent en revanche qu’il serait plus pertinent de « raccourcir » les deux premiers cycles des études. Parmi les opposants à cette 4e année d’internat, très peu (9 %) redoutent les éventuelles répercussions d’un tel allongement sur l’attractivité de la médecine générale au moment du choix de spécialité par les futurs internes.
Une question de reconnaissance
Mais sans y être majoritairement favorables, tous les généralistes ne sont pas aussi hostiles à l’éventualité d’un internat aligné sur d’autres spécialités. 33,4 % des plus de 61 ans reçoivent positivement la proposition et jusqu’à 40 % de 41-50 ans. La retraite approchant, les médecins entrevoient les difficultés à trouver un successeur et semblent juger urgent de faire découvrir la médecine de ville à la jeune génération. Ainsi, parmi les raisons qui les poussent à solliciter une 4e année, les médecins de 51 à 60 ans (22 %) et de plus de 61 ans (21 %) sont les plus nombreux à citer la motivation d’ « avoir davantage de stages en cabinet de ville ». Les 41-50 ans, qui défendent le plus l’allongement du DES, sont aussi la dernière génération à ne pas avoir connu l’internat de médecine générale. Chez l’ensemble des répondants, l’accès à une formation plus complète dans cette spécialité est la justification première à une 4e année (49 %). Elle ressort encore davantage chez les quadragénaires (57,7 %). En revanche, aucun ne cite la possibilité de plus de stages ambulatoires.
Par ailleurs, le besoin de reconnaissance de la médecine générale en tant que spécialité semble être un élément important pour une partie des défenseurs de l’allongement de l’internat. Plusieurs répondants citent spontanément la nécessité de se hisser « au même niveau que les autres spécialités cliniques », option qui n’était pourtant pas soumise au choix dans l’enquête. « Soyons logiques, et arrêtons d’avoir un ego surdimensionné. On souhaite cette année supplémentaire pour être au même rang que les autres spécialités. Est-il nécessaire de demander cela ? Après tout, nous ne pouvons qu’être fiers d’exercer la médecine générale qui permet d’être les premiers interlocuteurs des patients », considère le Dr Pierre F.
Un sujet discuté au CMGF
Les résultats de notre enquête seront présentés le vendredi 5 avril à 14h30 lors d’une table ronde organisée en partenariat avec Le Généraliste lors du Congrès de la médecine générale France, au Palais des Congrès à Paris (salle 241). Prendront part au débat le Dr Paul Frappé, président du CMG, le Dr Anas Taha, président du SNEMG, le Pr Jean Sibilia, de la conférence des doyens de médecine et Lucie Garcin, présidente de l’Isnar-IMG.
Méthodologie : enquête déclarative réalisée sur legeneraliste.fr entre le 6 et le 21 mars 2019 à laquelle ont répondu 825 médecins en exercice ou en formation dont 600 généralistes, 49 spécialistes, 101 internes et 75 étudiants. Sur les 825 répondants, 260 étaient des femmes.