En raison du risque de complications, l’utilisation des bandelettes sous-urétrales est régulièrement questionnée. Quelle est aujourd’hui la position de l’AFU et du CNP d’urologie ?
Avec près de 90 % des patientes guéries et sans complication, les bandelettes sous-urétrales constituent aujourd’hui le traitement le plus efficace de l'incontinence urinaire à l'effort par hypermobilité urétrale chez la femme. Nous rejoignons donc totalement la position du NICE anglais qui estime que la pose de bandelettes sous-urétrales par voie rétropubienne ou TVT (Tension-free Vaginal Tape) fait partie des options pour traiter l'incontinence urinaire à l'effort chez la femme mais préconise en revanche la voie transobturatrice (TOT), plus à risque de complications sévères, uniquement dans des cas où d'autres options ne sont pas possibles ou dans le cadre d'études cliniques. Les mini-bandelettes quant à elles ne sont plus dans la course.
À mon avis, cette approche est la meilleure. C’est d’ailleurs celle de la HAS.
Une étude a rapporté en 2022 un taux moyen de reprises allant jusqu’à 12,7 %, soit davantage que les 3 % de complications graves généralement avancés. Qu’en est-il exactement ?
Cette discordance entre les chiffres provient des problèmes de codage des différents traitements de complications des bandelettes, ce qui complexifie le calcul précis des taux de complications.
Le taux de 3 % de complications graves provient des études de suivi à long terme (jusqu'à vingt ans) des patientes traitées par bandelettes synthétiques. Ce chiffre représente les complications nécessitant des réinterventions importantes, telles que des douleurs sévères, l’obstruction urinaire, l’érosion vésicale, etc. En revanche, le taux global de réinterventions, incluant les échecs des bandelettes primaires et secondaires, dont une récidive de l'incontinence, est d'environ 10 %.
Peut-on espérer faire mieux en n’implantant en priorité des TVT ?
Les TOT étant pourvoyeuses d’un nombre plus important de complications graves, on pourrait espérer descendre à 1,5 % de complications graves en n’implantant plus que des TVT, hors contre-indications.
Les recommandations HAS de 2023 soulignent aussi l'importance de sélectionner rigoureusement les patientes, en identifiant les pathologies pouvant être associées [à l’échec de ?] ce type d'intervention, telles que les douleurs chroniques dont la fibromyalgie, les migraines, etc. Cette sélection plus rigoureuse permettrait de réduire les risques de complications post-opératoires.
Par ailleurs, si ces interventions par bandelettes synthétiques sont déjà de mieux en mieux gérées, pour limiter encore le risque, leur réalisation doit désormais être confiée à des chirurgiens expérimentés et maintenant leur niveau de formation.
Alors que les autorités sanitaires françaises devraient prochainement se prononcer sur le sujet, quelles sont vos craintes pour l’avenir ?
Si rien ne bouge, il ne sera bientôt plus possible de proposer en France ce traitement, dont l’efficacité est pourtant supérieure à toutes les autres options. En effet, les décrets actuels imposent une révision des bandelettes en nom de marque avant la fin 2024. Les industriels doivent fournir des données démontrant l'efficacité et surtout l'innocuité de chaque bandelette. Cela devrait en conduire plusieurs, notamment américains, à se retirer du marché européen. Cette situation risque de créer une inégalité dans la qualité des soins entre la France et d'autres pays.
Pour débloquer la situation, les CNP d'urologie et de gynécologie, l'AFU et le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) mettent conjointement en avant la nécessité d'une meilleure identification des complications liées aux bandelettes sous-urétrales (via notamment l’extension du registre Vigi-Mesh à l’ensemble de la communauté médicale, avec l’obligation d’y inclure toutes les patientes ayant subi l'implantation d'une bandelette) et des solutions pour les traiter.
Nous venons de soumettre des propositions d'amendements en ce sens et de modifications des arrêtés de 2020 et 2021 à la DGOS et à la DGS. Il est également proposé d'établir un cahier des charges pour définir des centres de référence spécialisés dans le traitement des complications graves liées aux bandelettes. Car l'errance médicale et les difficultés à trouver un centre expert dans le traitement des complications aggravent la situation.
De plus, l’AFU prône le développement de la recherche sur l'incontinence urinaire d'effort, qu'elle soit médicamenteuse ou qu'elle implique des dispositifs médicaux, pour trouver des alternatives aux bandelettes synthétiques.