Branle-bas de combat dans l’organisation des tours de garde. A la veille de l’installation des agences régionales de Santé qui vont récupérer la tutelle sur la pds, des initatives se font jour et de nouvelles organisations se dessinnent. Alors que l’Aquitaine tient ce samedi, sa deuxième journée de la permanence des soins, les généralistes des Pays-de-Loire, bientôt rejoints par les Bretons, vont inaugurer un mode d’organisation inédit. Ce sont les médecins libéraux eux-mêmes, qui devraient gérer, pour trois ans, l’enveloppe financière et l’organisation de la garde.
Enfin ! Le décret encadrant les modalités de mise en œuvre des expérimentations de nouveaux modes de rémunération des médecins libéraux engagés dans la permanence des soins ambulatoires a bien été publié, comme prévu au Journal Officiel, le 1er octobre. Mais l’arrêté afférent, lui, continuait à se faire attendre par les Missions régionales de Santé qui se sont portées volontaires. A priori, plus pour longtemps, le texte devrait être officiel cette semaine. Pour le plus grand soulagement du Dr Luc Duquesnel, la cheville ouvrière du projet pour son département de Mayenne et sa région des Pays de Loire. « Globalement, toutes zones confondues, la permanence des soins représente 22 millions d’euros dans la région, sans compter la garde ambulancière dont le montant, constitué à 54% par le paiement d’astreintes, s’élève à 11,5 millions d’euros », explique le praticien, qui ne cache pas que les discussions ont été longues, avant que l’Urcam et l’ARH de la Mission régionale de santé ne consentent à laisser les médecins gérer, eux-mêmes, l’enveloppe financière.
Un mécanisme simple
Sur le papier, le mécanisme est simple. Ce mode de gestion repose sur une délégation partielle de gestion à des associations départementales d’organisation de la permanence des soins (ADOPS), qui réunissent des représentants des régulateurs et des effecteurs. Sur le terrain, l’organisation doit permettre une meilleure rémunération des praticiens tout en veillant à éviter l’inflation des actes. Concrètement, les régulateurs sont rémunérés 4C maximum (au lieu de trois dna sle droit commun), sur toutes les périodes de PDS, week-end et jours fériés compris donc, sauf en « nuit profonde où l’obtention de 5C est possible ». Mais sous deux conditions. Soit le médecin généraliste de garde est seul au centre 15. Soit ils sont deux, mais leur tour de garde est mutualisé avec celui d’un autre département.
Côté effecteurs, la formule devrait également faire recette. De vingt heures à minuit, leur rémunération atteint en effet 100 euros, et passe à 300 pour la nuit profonde. Quant aux « territoires les plus déficitaires en médecins généralistes (…), il est proposé de revaloriser les astreintes avec les plafonds de 200 euros le samedi après-midi (de 12h à 20h) et 300 euros les dimanches, jours fériés et ponts (de 8h à 20h) », indique le document de travail.
Médecins « mobiles» ou « volants»
Enfin, dernière innovation de taille, pour les généralistes assurant la nuit profonde: « Si l’ADOPS fait le constat de l’absence de volontaires sur la totalité du département, elle peut proposer que l’effection soit assurée par un médecin hors de son territoire d’exercice habituel, agissant en qualité de médecin « mobile » ou « volant ». Sous stricte régulation du centre 15, bien entendu. Si, au passage, la terminologie de « médecin volant », devrait faire plaisir au SML, grand défenseur de la formule, la rémunération proposée devrait, sur le terrain certainement séduire le praticien de garde : 600 euros. Logique, puisque ce dernier doit, dans ce cas, assurer une couverture territoriale au moins équivalente à deux secteurs de garde…
« Bien évidemment, il faudra voir si la réalité de la pratique ne bousculera pas notre montage financier », analyse le Dr Duquesnel. Car tous les départements n’ont pas évolué à la même allure. Ainsi, en Mayenne, la tête de pont du dispositif qui s’est par ailleurs dotée d’une régulation libérale en partie déportée, c’est-à-dire effectuée au domicile des médecins libéraux grâce à un logiciel spécifique, deux tiers des appels de patients donnent lieu à des conseils téléphoniques de la part du médecin et un tiers à des actes. « Une régulation très performante est génératrice d’ économies, la moyenne nationale obéissant plutôt au contraire, soit un tiers de conseils pour deux tiers d’actes », souligne le chef de file Unof en Mayenne. Tous les départements n’ont pas la même antériorité dans le dispositif. Mais -et c’est là son autre intérêt- si chaque département via son ADOPS gère son enveloppe, les fonds peuvent également être mutualisés à l’échelle régionale. Ainsi un département budgétairement déficitaire pourra bénéficier de l’excédent d’un autre.
Une année de discussion entre les différents partenaires a été nécessaire pour mettre cette formule sur pied. Elle doit être lancée au 1er janvier prochain. Elle est prévue pour courir sur trois ans, avec des rapports d’étapes semestriels. Et fait déjà des émules. La Bretagne, deuxième région pilote en matière d’expérimentation de réorganisation de la PDS, doit déposer un projet similaire sur le bureau de la ministre de la Santé. « C’est à une véritable cartographie régionale des besoins en soins de premier recours que nous nous sommes attelés », insiste le Dr Duquesnel. Une forme de Schéma Régional d’Organisation des Soins (SROS) ambulatoire avant l’heure, en somme… qui intervient avant la mise en place effective, au premier semestre 2010, des futures Agences régionales de santé. Car sur le terrain, les différents acteurs de la PDS s’avouent être plutôt circonspects quant à l’apparition de cette nouvelle entité qui pilotera l’organisation des soins hospitaliers comme libéraux. « Sans trop préjuger des orientations à venir, il est certain que nous gagnons à présenter, des Urml aux MRS, un visage uni et des projets ficelés », lache avec quelque réticence, un responsable d’URML. L’expression de la crainte récurrente « du préfet sanitaire » et de l’hostilité face aux réquisitions en cas de carence dans les tours de garde ?
« L’union fait la force »
En Aquitaine, aussi, l’adage « L’union fait la force » fait mouche. Comme en convient le trésorier adjoint de l’Urml et responsable de l’Assum (association départementale des service de soins et d’urgence médicale) de son département des Landes, le Dr Didier Simon. A cinquante et un ans, l’enfant du pays qui exerce dans un cabinet de groupe de quatre praticiens, à Mont-de-Marsan ne compte pas ses heures. Et pour lui, la chute de la démographie médicale est une réalité bien prégnante. « En 2006, nous étions 41 médecins généralistes sur le tour de garde, aujourd’hui nous ne sommes plus que 32. Ceux qui sont partis à la retraite n’ont pas trouvé de successeurs. Cela devient difficile ». D’autant plus, comme le reconnaît le praticien landais, qu’à l’échelle de la région, l’organisation de la PDS est disparate selon les départements. Il n’existe par exemple aucune maison médicale de garde dans les Landes et les praticiens du secteur qui ne peuvent s’appuyer que sur un seul hôpital local, sont en matière de régulation, toujours rémunérés sur la base de 3C de l’heure. Tandis qu’un accord conclu entre les différents partenaires en Gironde permet une rémunération de 5C pour les régulateurs. Pour autant, le Dr Simon reste confiant. « A la suite de la grande grève des gardes de 2001-2002, chacun des cinq départements s’est doté d’une Assum, ce qui est déjà un bon préalable pour la discussion ». D’ailleurs le Dr Simon le reconnaît volontiers. Tout se joue pour nous, en matière de démographie médicale dans les quatre ans qui viennent ». Et face à un risque éventuel de réquisition, que ce soit via les ARS ou les prochains contrats santé solidarité, chacun dans la région, a bien conscience, en matière de permanence des soins, qu’il a intérêt à jouer « grouper », et à proposer des solutions d’organisation pérennes . Un thème qui sera au cœur de la deuxième journée de la PDS en Aquitaine qui se tient ce samedi (voir entretien avec le président de la commission Permanence des soins et régulations de l’Union, le Dr Kamel Hamtat en page suivante).