L’encadrement strict des tarifs de l'intérim médical ne provoquera pas de « fermetures sèches » de services hospitaliers, a assuré ce lundi François Braun, affirmant avoir trouvé « des solutions pour les trois premières semaines d'avril ». Le ministre joue gros, car c’est à partir de ce lundi 3 avril que la rémunération des praticiens intérimaires est plafonnée (1 390 euros brut pour 24 heures), 16 mois après le rétropédalage d’Olivier Véran sur ce sujet.
Sous pression, François Braun a revalorisé à la dernière minute le plafond réglementaire de l'intérim de près de 20 %. Il a également annoncé un coup de pouce à la prime de solidarité territoriale (PST) ouverte aux PH en poste qui, en plus de leur travail habituel, « acceptent d’aller travailler dans un autre hôpital en difficulté ».
Pourtant, d'ores et déjà, au moins deux maternités ont suspendu depuis plusieurs jours leurs accouchements. Celle de Sarlat (Dordogne), qui fonctionnait avec 70 % d'obstétriciens en intérim, « réoriente temporairement la prise en charge » vers Bergerac, Périgueux et Brive « pour les deux premières semaines d'avril », selon l'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine. Même décision à Sedan (Ardennes), « en l'absence d'anesthésistes réanimateurs », explique l'ARS Grand Est, même si une sage-femme y reste disponible en permanence pour assister les femmes enceintes qui se présenteraient en urgence.
Charte d'engagement des fédérations
Signe que l'hôpital se retrouve sous pression, le ministre compte ouvertement sur la « solidarité territoriale » du secteur privé dans cette période de turbulences. C'est dans ce contexte que l’ensemble des fédérations hospitalières des secteurs public et privé (FHF, Fehap, Unicancer, Fnehad, FHP) ont signé une « charte d’engagement » visant à combattre les dérives tarifaires et à assurer la bonne application de la loi Rist. Celles-ci s’engagent à « se mobiliser pleinement pour assurer la continuité des prises en charge et l’accès aux soins, partout sur les territoires ». Le secteur privé en particulier sera « aux côtés de l’hôpital public, prêt à accueillir les patients qui seraient redirigés vers les cliniques », assure Lamine Gharbi, président de la FHP.
Côté tarifs, concrètement, tous les signataires de cette charte s’engagent à veiller au respect des plafonds de rémunération de l’intérim médical et à « intervenir dans les situations de mise en concurrence délétère à l’organisation des soins sur les territoires ». Il s’agira d’agir « de manière collective et solidaire » à l’échelle locale, dans le cadre d’un « dialogue constant au sein de cellules territoriales de gestion de la continuité des soins mises en place par les agences régionales de santé », poursuit la charte. Pas question donc que les établissements de santé se livrent à une nouvelle surenchère.
Les fédérations promettent d’accompagner tous les mécanismes de solidarité et d’orientation des patients afin de « préserver la continuité et la permanence des soins », notamment dans les secteurs les plus sensibles, comme les maternités. Une solidarité qui pourra se traduire par l’accueil de patients et des renforts en ressources humaines. Enfin, les signataires réclament un observatoire des rémunérations de l’intérim médical et du remplacement de courte durée. Un effort de transparence jugé indispensable pour « concrétiser l’effectivité des engagements pris ».
L'Ordre défend le tact et mesure et… l'attractivité des carrières
Dans cette période sensible, François Braun a reçu le soutien vigilant de l’Ordre des médecins. L'institution appelle d'un côté les médecins intérimaires et l’administration hospitalière à « respecter le tact et la mesure dans les rémunérations » et à « honorer leur part de service public, en respectant les engagements déjà contractualisés ». Pour l’Ordre, les pratiques excessives de rémunération « n’ont déontologiquement plus lieu d’être ». Mais d’autre part, pour éviter une nouvelle vague de départs de médecins en poste, l'Ordre exhorte les pouvoirs publics à travailler sur la « nécessaire reconquête de l’attractivité des carrières hospitalières » et notamment « l’amélioration de l’équité entre les statuts et les contrats des médecins en exercice dans les hôpitaux ».
Le ministère de la Santé semble avoir entendu le message puisqu’il vient d’annoncer l’ouverture, dès mai, de concertations pour « répondre aux enjeux d’attractivité et de fidélisation des praticiens » au sein des établissements publics. Dans un courrier adressé le 31 mars aux syndicats représentatifs des PH (APH, CMH, INPH, Jeunes Médecins, SNAM-HP), Ségur précise que ces concertations s’organiseront autour de quatre thématiques, quelques jours après le courrier adressé à Élisabeth Borne par quatre syndicats de PH.
Le ministre prévoit ainsi d’avancer sur la permanence des soins et « l’amélioration des conditions de participation, de reconnaissance et d’indemnisation des praticiens à ces sujétions ». Autres thématiques citées : l’aménagement des fins de carrière et la retraite des hospitaliers, les évolutions de carrière (formations, prise de responsabilité, statut HU…) ou encore les conditions de travail (stabilité des organisations, équilibre vie professionnelle et personnelle).
Si l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) apprécie « la main tendue du ministre », elle aurait aimé des éléments concrets sur le calendrier et l’ordre du jour des futures réunions. La restitution des quatre ans d’ancienneté, pour les PH nommés avant octobre 2020, n’est pas évoquée dans le courrier du ministre. Or, c’est la « condition sine qua non d’un bon déroulement des négociations », avance APH. L’intersyndicale exige un calendrier « resserré » : rattrapage des quatre années d’ancienneté, revalorisation de la participation à la PDS, gardes et astreintes ou encore intégration immédiate des émoluments hospitaliers des praticiens HU dans le calcul de leur retraite.
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