On prend les mêmes et on recommence un peu plus haut et un peu plus fort. Dans son dernier rapport sur l’activité libérale à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la commission médicale d’établissement (CME) du paquebot francilien aux 38 hôpitaux constate que cette pratique rencontre toujours son succès auprès des médecins autorisés qui en font effectivement usage.
Ils sont exactement 366 médecins en 2023 (un de moins qu’en 2022) à avoir coché toutes les cases pour pratiquer des dépassements d’honoraires à l’hôpital public. Pour mémoire, les praticiens concernés ne doivent pas réaliser à titre libéral plus d’actes et consultations qu’ils n’en réalisent à titre public. Jusqu’en 2022, l’activité libérale était mesurée uniquement en temps (20 % maximum) et non en volume. Les médecins peuvent être PU-PH, MCU-PH, hospitalo-universitaires temporaires (CCA, AHU et PHU) ou PH exerçant au moins à 80 %.

En 2023, parmi ces 366 praticiens ayant reçu le « go » de leur employeur, seuls 323 ont effectivement déclaré des honoraires privés en sus de leur salaire pour leur activité publique. 62 % des titulaires d’un contrat sont des PU-PH et 34 % PH. « La proportion de praticiens titulaires autorisés à une activité libérale est très limitée au regard du vivier des titulaires potentiels, notamment PH ou CCA, et plutôt atypique comparativement aux autres CHU », note le rapport. Ainsi, insiste la CME, seuls 6 % de l’ensemble des praticiens éligibles à cette activité privée (6 093 médecins sur les quelque 12 000 qui exercent à l’AP-HP) ont effectivement un contrat d’activité libérale en bonne et due forme (soit 18 % des PU-PH, 2,7 % des MCU-PH et seulement 4 % des PH).
Une appétence à Henri-Mondor et en Seine-Saint-Denis
Le gros des troupes pratiquant ce secteur privé est situé dans les sept hôpitaux du groupement Centre Université Paris-Cité (122 contrats, 33 % de l’ensemble), où l’on trouve notamment les CHU d’excellence Cochin-Port Royal, l’Hôpital européen Georges-Pompidou et Necker-Enfants malades. En proportion des contrats actifs, c’est toutefois dans les groupements Henri-Mondor (cinq établissements dans le Val-de-Marne et en Essonne) et Paris Seine-Saint-Denis (trois hôpitaux au nord de la capitale) que la part des praticiens est la plus importante, dépassant même 40 % des titulaires, note le rapport.
Tous hôpitaux confondus, 45 % des titulaires exercent toujours dans une discipline médicale (165 contrats) et 55 % dans une discipline chirurgicale (201 contrats). La cardiologie demeure la discipline médicale comptant le plus de praticiens engagés dans l’activité libérale (44 médecins) tandis que la gynécologie-obstétrique (30 contrats) est la plus représentée parmi les chirurgiens.
Plus de 750 000 euros pour quatre médecins
Au total, 57,4 millions d’honoraires ont été perçus en 2023, un montant global en augmentation de 5,1 % par rapport à 2022 (54,6 millions) mais qui bondit de 25 % à iso-périmètre (si l’on s’attache aux seuls praticiens titulaires d’un contrat les deux années).
En moyenne, un praticien a perçu près de 156 800 euros en 2023, un chiffre stable par rapport à 2022 si on prend en compte les 43 praticiens autorisés à la pratique des honoraires privés mais qui n’ont rien déclaré pour cette année. On passe en revanche à 177 650 euros (+ 13 %) si on écarte du calcul ces praticiens sans activité effective libérale.
Tout en haut de la pyramide, quatre médecins sur 366 ont perçu plus de 750 000 euros et sept autres entre 500 000 et 750 000 euros. En bas de la pyramide, 22 confrères ont gagné moins de 25 000 euros. Un médecin sur cinq (21,3 %) a perçu plus de 300 000 euros, précise la CME. À noter que la part des praticiens percevant entre 200 000 et 300 000 euros a progressé de 36 % entre 2022 et 2023.

Mieux vaut être médecin que chirurgien
Discipline par discipline, les médecins spécialistes de cancérologie/radiothérapie ont perçu 721 500 euros en moyenne, largement devant les autres spécialités : 323 800 euros en gynécologie médicale/reproduction, 233 500 euros en médecine nucléaire, 217 900 euros en cardiologie, etc. Dans les spécialités de plateaux techniques lourds, les chirurgiens plasticiens se situent sur le haut du podium (243 250 euros d’honoraires moyens), devant les chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires (175 000 euros), les urologues (195 500 euros) et les ophtalmologues (160 800 euros).
La moyenne des honoraires est ainsi plus élevée dans les spécialités médicales (+ 31 000 euros), tirée fortement par la radiothérapie. Comme en 2022 d’ailleurs, les analyses ont été menées en isolant l’activité de radiothérapie qui, compte tenu de son « atypie persistante » et du volume d’actes en jeu (40 % des actes toutes spécialités) « écras[e] les tendances d’évolution constatées dans les autres disciplines », lit-on.
Dans son bilan global, la CME relève une augmentation de 23 % des consultations en libéral et de 16 % des actes sur un an (soit +19 % d’activité libérale en volume). Les dynamiques sont variables : toujours en volume, le libéral a particulièrement augmenté en anesthésie (+234 %, activité portée par trois praticiens uniquement) et en pédiatrie (+109% du fait de cinq médecins) mais s’est replié en dermatologie (-16 %). Reste que « la dynamique de l’activité est plus marquée pour les disciplines chirurgicales, traduisant probablement un meilleur accès au bloc opératoire dans un contexte de reprise de l’activité post-pandémique ».
Redevance : 16,6 millions pour l’AP-HP
Élément intéressant dans un contexte déficitaire : le CHU francilien devait empocher 16,6 millions de redevances sur l’activité libérale 2023 (+11 %). Les médecins concernés s’en sont acquittés dans l’immense majorité (98 %), sauf 14 praticiens retardataires qui ont hérité d’une mise en recouvrement exécutoire par le Trésor public.
À noter enfin que 29 médecins ont été rattrapés par la patrouille sur leur ratio dédié à l’activité libérale, supérieur aux 50 % autorisés en volume des actes. Le ratio global d’activité (secteur libéral /activité publique) s’établit à 27 % en moyenne pour les praticiens concernés.
Enfin, un écart entre la déclaration d’honoraires et la réalité a été constaté pour 81 praticiens. Onze médecins ayant empoché plus de 300 000 euros ont été rappelés à l’ordre pour le tact et la mesure dont ils sont censés faire preuve.
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