Presque six mois plus tard, le projet fait toujours l’unanimité. Ce mardi 26 novembre, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi (PPL) visant à la création d’un CHU en Corse, à l’initiative du député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud Paul-André Colombani, également médecin généraliste.
Fait notable, c’est la deuxième fois que la commission donne un feu vert unanime à ce texte qui n’a, jusqu’ici, pas encore franchi l’étape de la séance publique dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Son parcours législatif avait en effet été bloqué par la dissolution de l’Assemblée par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, à la suite des élections européennes.
Sans attendre la niche parlementaire du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) prévue en mai 2025, ce texte a donc été retenu, grâce au soutien transpartisan des élus, dans une liste de propositions de lois dites « consensuelles », débattues à l’Assemblée en séance plénière à partir du 3 décembre.
Le généraliste de Porto-Vecchio a donc une nouvelle fois, dans son exposé des motifs, posé le diagnostic de la désertification médicale sur l’île de beauté. « La Corse souffre d’un manque manifeste de médecins sur l’ensemble de son territoire, avec une densité médicale de 258,8 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants ». Pire, la Corse est à ce jour « la seule région à n’être dotée d’aucun centre hospitalier régional (CHR), ni d’aucun centre hospitalier régional universitaire (CHRU) ».
Avoir un CHU demain, c’est permettre à des jeunes de vivre et travailler au pays !
Philippe Vigier, député démocrate(Eure-et-Loir)
Résultat, les étudiants en médecine de l’université de Corte sont contraints de faire leur internat sur le continent, les possibilités de stages étant limitées sur l’île. « La situation insulaire est telle que, lorsque vous formez un étudiant corse sur le continent, il ne revient pas », a appuyé ce mardi le Pr Philippe Juvin, député LR, lors des débats en commission. « Nous avons mis plus de 20 ans pour qu’Orléans ait un CHU (…) Il faut aller vite, ne pas attendre 2030 et monter un premier cycle, a souhaité le député démocrate d’Eure-et-Loir Philippe Vigier. Avoir un CHU demain, c’est permettre à des jeunes de vivre et travailler au pays !»
26 000 transferts médicaux entre la Corse et le continent chaque année
Or, avec un total de 1 949 lits hospitaliers et un ratio de 18 lits de réanimation pour 100 000 habitants, la Corse reste en difficulté pour répondre à la demande de soins de la population qui, comme le rappelle l’exposé des motifs du texte, « comptera potentiellement 21 000 seniors dépendants à l’horizon 2 030 ».
Et c’est sans compter la fréquentation touristique, « vectrice d’agents pathogènes extérieurs et d’une augmentation du nombre d’accidents », avec plus de trois millions de visiteurs de mai à septembre. Conséquence, 26 000 transferts médicaux entre la Corse et le continent sont enregistrés chaque année, « ce qui représente pour la Sécurité sociale un budget de plus de 30 millions d’euros », ont souligné, en commission, Paul-André Colombani et d’autres députés de tous bords.
L’auteur de la proposition de loi s’est attaqué au passage à la décision du gouvernement de surtaxer les billets d’avion. Celle-ci est « non seulement vécue comme une profonde injustice mais elle vient aggraver les problèmes que je viens de vous présenter », a-t-il plaidé. « 33 CHRU répartis sur l’ensemble du territoire national, zéro en Corse. Les distances, les temps de déplacements, l’épuisement que cela génère (…) Nous sommes nombreux aussi à penser que les Corses doivent bénéficier d’un traitement égalitaire », soutient aussi le député Horizons Laurent Marcangeli.
Reste à savoir si la proposition de loi recevra le même accueil favorable en séance publique. Chose a priori gagnée si l’on se fie à la cinquantaine de signatures qu’elle a reçue, dont celle de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, pour qu’elle puisse être examinée aussi tôt. Toutefois, la menace d’une censure du gouvernement, qui plane dans le contexte de l’étude des budgets de l’État et de la Sécurité sociale, pourrait, à nouveau, bloquer le processus législatif du texte.
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