« Hypocrisie incroyable, humiliation, coup de poignard dans le dos… » : les mots ne sont pas assez durs de la part de l’ensemble des syndicats de praticiens hospitaliers* qui ont dégainé un communiqué commun pour fustiger le tour de vis envisagé par l’exécutif sur les absences de courte durée des agents publics pour raisons de santé.
En cause, un projet de décret « sans aucune discussion préalable » visant à mettre en place, à compter du 1er janvier 2025, une réduction de « 100 % à 90 % » de la rémunération de tous les agents publics – dont les PH - lors d’un arrêt maladie tout en allongeant à trois jours le délai de carence. Tous les statuts de praticiens médicaux à l’hôpital seraient concernés.
Le pavé dans la mare avait été lancé fin octobre par Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, qui avait annoncé au Figaro vouloir faire « passer le nombre de jours de carence des fonctionnaires d’un à trois, comme dans le privé » tout en réduisant le remboursement des arrêts pour les trois premiers mois d’un congé maladie ordinaire, avec l’objectif de réaliser jusqu’à 1,2 milliard d’euros d’économies. La mesure semble donc faire son chemin dans les tuyaux ministériels.
« Nous sommes tombés des nues.
Dr Rachel Bocher, présidente de l’INPH
Au-delà de l’effet de « brutalité » ressenti par cette « double peine » (jour de carence et rémunération), les représentants des syndicats de PH ont été très surpris par une décision jugée à la fois « inique et indigne » dans sa construction comme dans ses justifications. « Nous sommes tombés des nues, lâche carrément la Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens d’exercice hospitalier et hospitalo-universitaire (INPH). À l’heure d’une situation cataclysmique due à la pénurie médicale à l’hôpital, sortir ce décret n’est vraiment pas judicieux. C’est une mauvaise politique » Même réaction de la part de la Dr Anne Wernet, secrétaire générale de l'union syndicale Action Praticiens Hôpital (APH) : « C’est un sujet dont nous n’avions jamais parlé. On nous pénalise alors que les PH manquent déjà de transposition de droit des fonctionnaires quand il s’agit des avantages. »
Les syndicats se sentent d’autant plus « humiliés » que nombre de dossiers sont en berne depuis des mois, y compris la revalorisation des astreintes pourtant programmée pour juillet dernier. Alors qu’ils espéraient entrer en négociation sur les carrières ou le temps de travail, les PH se retrouvent « sans concertation ni consultation » avec cette nouvelle mesure perçue comme punitive.
Il ne faut pas punir les vrais malades!
Dr Anne Wernet (APH)
Sur le papier, les syndicats de PH ne s’opposent pas, par principe, à la lutte contre l’absentéisme médicalement injustifié. Mais ils souhaitent aller au bout des dispositifs existants, comme la possibilité donnée aux employeurs ou aux caisses primaires de contrôler les arrêts maladie des agents publics. La Dr Anne Wernet appelle en revanche à « ne pas punir les vrais malades », obligés de s’absenter parfois un ou deux jours pour des examens médicaux « un peu invasifs », ou une semaine pour subir une opération chirurgicale.
Pour les syndicats, un tel projet, s’il se concrétise, aboutirait de fait à sanctionner les professionnels véritablement en souffrance, « ceux qui n’ont, par exemple, pas compté leurs heures ou prêté attention à leurs soucis de santé pour prendre en charge nos concitoyens pendant la crise Covid ».
Préavis de grève pour le 5 décembre
Le 29 novembre se tiendra une réunion au Conseil supérieur des professions médicales (CSPM), l’instance nationale de dialogue social pour les personnels médicaux, où tous les syndicats se prononceront contre ce projet de décret. Un préavis de grève a été déposé par APH pour le 5 décembre. L’INPH y réfléchit. Sans se désolidariser, Jeunes Médecins a indiqué au Quotidien ne pas en avoir été informé à ce stade.
* Action Praticiens Hôpital, Confédération des praticiens des hôpitaux, Avenir hospitalier, Association des médecins urgentistes de France, Intersyndicat national des praticiens hospitaliers, Snam-HP, Coordination médicale hospitalière, Jeunes Médecins, Syncass-CFDT.
Le décret de sécurité de l’anesthésie fête ses 30 ans, le Snphare appelle à sanctuariser les ressources humaines
Carence sur les arrêts maladie : les syndicats de PH remontés, mais divisés sur la grève
L’Assemblée valide la création d’un CHU en Corse à l’horizon 2030
Plafonnement de l’intérim médical : le gouvernement doit revoir sa copie, maigre victoire pour les remplaçants