Première en France, le centre hospitalier du Mans a piloté une expérimentation permettant la pose par des infirmiers de moniteurs cardiaques implantables. Jusqu’ici, seuls les médecins étaient habilités pour cet acte. Le Dr Mathieu Amelot, cardiologue initiateur du projet, explique les enjeux de ce protocole qui permet de libérer du temps des médecins.
LE QUOTIDIEN : Au CH du Mans, deux infirmiers ont implanté pour la première fois un moniteur cardiaque en sous-cutané à des patients. Quelle est la genèse de ce dispositif ?
Dr MATHIEU AMELOT : Cela fait deux ans qu’on travaille sur ce dispositif mais c'est seulement depuis la semaine dernière que les infirmiers touchent leurs premiers patients. Pour les former, ils ont reçu des cours théoriques sur les techniques d’implantation. Puis des cours pratiques pour apprendre à réaliser des sutures sur des fausses peaux, des pieds de porc par exemple. Pour améliorer la technique d’insertion, des kits leur permettent d’insérer et de retirer autant de fois qu’ils le veulent.
Combien d'infirmiers sont-ils concernés ?
À ce stade, seulement deux infirmiers ont été formés. À chaque fois qu’un nouveau soignant veut entrer dans le protocole, ce dernier doit être modifié pour déclarer le nouvel entrant dans le dispositif à l’agence régionale de santé. Au préalable, il faut que l’infirmier qui l’intègre ait reçu le protocole de formation.
Pourquoi la mise en place du dispositif a-t-elle duré deux ans ?
Il a fallu du temps pour rédiger ce protocole, avec des allers et retours avec l’administration au cahier des charges des protocoles de coopération. La particularité ici est que ce protocole est local et applicable uniquement au périmètre de l’établissement qui seul en a la responsabilité. Sur l'année qui vient, nous devons transmettre à l’ARS des indicateurs de qualité, d’efficacité, de sécurité de l’intervention. Si cela se passe mal sur le terrain, le protocole peut être stoppé. Si une amélioration du service rendu est constatée en termes de qualité de prise en charge, l’ARS peut faire remonter le protocole à la HAS [Haute Autorité de santé] qui ensuite se charge de le diffuser sur le plan national.
Normalement, cette diffusion aura lieu d’ici un an ou deux. Bien évidemment, ce geste ne peut être appris aux infirmiers en formation initiale. Toutefois, la formation peut aller assez vite, car il s’agit d’un geste technique assez simple. Dans les cours pratiques, quinze procédures sont réalisées avec les infirmiers qui restent assistés par les médecins. Après cette phase, ils sont en capacité de travailler en autonomie. Cependant, les médecins restent toujours présents en consultation à côté et sont disponibles en cas de pépin. Après validation du protocole en interne, sa mise en place effective sur le terrain prend deux mois.
Pourquoi votre établissement, un CH, est-il pionnier, et pas un CHU ?
Notre initiative n’est pas isolée : l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) travaille sur le même protocole qui sera supervisé par le Pr Eloi Marijon. Mais ce dernier sortira seulement en septembre ou octobre pour être étendu à l’ensemble des établissements de l’AP-HP. Nous avons collaboré au niveau des deux établissements, mais l’AP-HP reste une plus grosse structure avec des procédures en interne un peu plus ralenties.
Quel est le profil des infirmiers intégrés à ce dispositif ?
Les infirmiers qui sont dans le protocole de coopération travaillent déjà avec nous au quotidien dans les salles de cardiologie interventionnelle. Ils connaissent la rythmologie interventionnelle. L'objectif était de faire évoluer leur métier et d’explorer de nouveaux horizons. Ce ne sont pas des infirmiers en pratique avancée, on est là dans le cadre de la coopération interprofessionnelle et de la délégation de tâches.
Quel est l'intérêt pour les médecins cardiologues ?
Cela nous permet de libérer du temps médical pour nous consacrer à des tâches plus complexes. Cet acte est très chronophage, que ce soit la pose ou le suivi du holter.
L’accueil des autres confrères cardiologues est plutôt bon. Ils seraient même plutôt partants pour l’appliquer dans leurs centres assez rapidement. Je ne sais pas pour autant si cela va convaincre tous nos confrères ! Nous avons choisi de déléguer cet acte précisément, car il y a des risques mineurs d’infection sous-cutanée, d’hématomes liés au mauvais positionnement du dispositif.
Bref, nous ne faisons courir aucun risque vital au patient. Pour des gestes plus complexes avec une morbidité plus élevée, cela resterait également concevable. Mais alors la formation devrait être sécurisée : il faudra sans doute arriver à un processus où l’on peut certifier les professionnels qui auront acquis ces nouvelles compétences.
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