La démission soudaine du directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), Jean-Jacques Romatet, a résonné comme un coup de tonnerre dans un contexte local tendu de fronde médicale et sociale contre le plan d’économies. Pour « le Quotidien », l’ex-directeur du troisième CHU de France revient sans langue de bois sur les raisons de son départ.
LE QUOTIDIEN - Vous avez pris une décision très rapidement. Pour quelles raisons ?
JEAN-JACQUES ROMATET - Des décisions rapides sont parfois mûries. Cette démission peut être utile. J’ai voulu transmettre deux messages. En interne, j’ai voulu rappeler à chacun le sens des responsabilités, surtout dans la crise que nous traversons, sans vouloir mettre tout le poids des responsabilités sur les autres. Et puis j’ai voulu faire passer un message aux pouvoirs publics. On ne peut pas demander l’impossible sans accompagner le changement, avec bienveillance. Nous avons besoin d’une exigence bienveillante pour faire évoluer les organisations. On doit aussi tenir compte d’une histoire, des habitudes de fonctionnement. Tout cela prend du temps ! Cette maison a fait des efforts mais on ne transforme pas une flotte en deux jours, en tout cas, on ne change pas un cap en deux jours. C’est un message à deux niveaux.
On vous sent très affecté ?
Cette décision ne me réjouit pas mais je l’ai prise en espérant vraiment être utile. Tout le monde doit avoir envie que l’AP-HM réussisse. Il y a trop de talents ici pour envisager la politique du pire. Quand on retarde les décisions, on en arrive à penser que le chemin qui reste à parcourir est inaccessible. Avec cette décision, j’espère rendre le chemin faisable, dans un accompagnement bienveillant et exigeant.
Marisol Touraine a-t-elle exigé votre démission après la motion de défiance votée par les médecins contre le contrat de retour à l’équilibre ?
Personne ne m’a rien demandé, elle a accepté ma décision. Si j’avais eu le sentiment d’être davantage soutenu, je n’aurais peut-être pas démissionné... J’ai essayé de faire passer des messages mais on ne peut pas passer de situation difficile à formidable en quelques minutes.
J’ai beaucoup travaillé à recréer des fondations à l’AP-HM mais d’autres domaines sont à reconstruire, comme les ressources humaines, la politique logistique, le lien entre le pole médical et le management. Quand on soigne, on peut gérer aussi. Vouloir séparer ces deux missions, ça n’a pas de sens.
L’AP-HM est-elle en crise ?
Je m’en vais pour faciliter le dénouement de cette crise. Le contrat de retour à l’équilibre est absolument nécessaire. Mais il faut lever un certain nombre de peurs. Il faut prendre conscience du chemin qui reste à parcourir.
Je suis sûr que ma collègue [Catherine Geindre, directrice générale du CHU d’Amiens, lui succédera à compter du 6 avril] saura créer les conditions pour que ce contrat soit signé et rétablir ainsi une situation porteuse d’espoir. J’essaie de faire en sorte de ne plus être « la sardine qui bouche le Vieux-Port » ! Je suis dans une course de relais, j’ai fait le virage, je passe le témoin à celui qui franchira la ligne d’arrivée. Sans conflit inutile, il faut rassurer.
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