En Italie aussi, les hôpitaux sont à deux doigts de la crise de nerfs. Depuis le début de la pandémie, de plus en plus de médecins décident de jeter leur blouse aux orties et de se reconvertir dans le privé nettement plus séduisant en termes de rétribution et d’horaires. Comme en France, la situation est particulièrement dramatique dans les Urgences relève la Société italienne de médecine d’urgence (SIMEU) qui affirme par ailleurs, que 30 % des médecins urgentistes ont décidé de démissionner d’ici au 31 décembre prochain. Alors que les « Pronto Soccorso » comme on les appelle sont déjà en sous-effectifs, ces départs ultérieurs risquent de donner le coup de grâce à un secteur qui aurait besoin de recruter au moins 4 200 médecins urgentistes à l’échelle nationale pour garantir l’accès aux soins.
Des rétributions juteuses
Selon les Ordres des Médecins régionaux qui enquêtent ponctuellement sur tout le territoire, plusieurs facteurs expliquent ces multiples départs. D’abord des horaires écrasants et des salaires insuffisants, le salaire de base dans les Urgences italiennes, étant équivalent à 2 800 euros pour un médecin et 1 500 euros pour les infirmiers. Puis, le gel des embauches entre 2005 et 2019 par manque de fonds et une programmation approximative des départs en retraite. Enfin, le manque de nouvelles vocations.
Pour éviter le scénario cauchemardesque de la fermeture d’une partie des Urgences, les agences régionales de santé (ASL) qui gèrent les hôpitaux, ont décidé de compenser la pénurie de médecins en se retournant vers les coopératives spécialisées dans l’intérim médical qui se partagent un marché de plus en plus juteux. Et surtout, très mal encadré. Une situation qui n'est pas sans rappeler l'équation française avec d'extrêmes tensions dans les Urgences.
Les praticiens intérimaires qualifiés, ici aussi, de « mercenaires » par leurs confrères, sont payés avec des jetons de présence. Le montant de chaque jeton varie de 600 à 1 200 euros et correspond à un temps de travail de 12 heures. Mais pour arrondir leurs revenus, certains intérimaires effectuent ponctuellement des dépassements d’horaires et enchaînent les remplacements courts. Les coopératives touchent une commission de 7 % à 15 %.
Pour les associations des professionnels de santé, ce nouveau business florissant et de plus en plus colossal, contribue à la destruction du réseau des Urgences hospitalières. Elles remettent notamment en cause les dépassements ponctuels du temps de travail légal des praticiens hospitaliers fixé à 48 heures hebdomadaires maximum et 12 heures et 50 minutes par jour. Une pratique, affirment ces associations, qui présente des risques pour la sécurité des patients. Les professionnels de santé soulèvent aussi les incongruités de ce système qui assèche un peu plus les caisses de la sécurité sociale, les intérimaires coûtant beaucoup plus cher au final qu’un urgentiste salarié par le service public.
Manque de compétences
Les associations évoquent aussi le manque d’expérience d’une partie des intérimaires. Car si certains praticiens viennent du secteur public et ont par conséquent une expérience relativement solide, d’autres en revanche, sont fraîchement diplômés ou ont été recalés par les écoles de spécialisation. Selon le quotidien médical Nurse Times, les coopératives sont sélectionnées par les agences de santé régionales sur la base de leurs honoraires. En clair, moins elles sont chères plus elles ont de chance de faire partie du lot relèvent les syndicats de médecins comme ANAAO, l’association italienne des médecins cadres qui réclame une remise en ordre du réseau des Urgences, avec à la clef, des recrutements et des augmentations de salaire.
Ces revendications ont été entendues par le nouveau ministre de la Santé, le Pr. Orazio Schillaci, chercheur et spécialiste de la médecine nucléaire. « Nous sommes dans une situation qui relève du paradoxe : les médecins intérimaires gagnent deux à cinq fois plus que les médecins salariés. C’est inacceptable et nous devons intervenir au plus vite » a-t-il déclaré. Intervenir, cela veut dire rehausser les salaires des urgentistes, introduire un système de prime annuel pour relancer les vocations. Enfin, obliger les régions à réinjecter les budgets destinés aux coopératives dans le recrutement. Reste à voir si ces promesses resteront lettres mortes comme celles faites par les prédécesseurs du nouveau ministre de la Santé.
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