Le service des urgences de l’hôpital de Vannes est confronté à une vague de départs – définitifs ou temporaires – de médecins urgentistes au cœur de l’été. Quatre sont déjà partis, deux vont rendre leur blouse cet été et trois autres d’ici à la fin de l’année.
Même si quatre médecins sont en cours de recrutement, cela tombe mal pour cette ville située dans une zone touristique qui voit son nombre de passages aux urgences s’accroître durant l’été. Pendant l’année, la fréquentation s’établit en moyenne à 120 passages par jour mais, en période estivale, ce chiffre peut monter jusqu’à 200.
Pourquoi ces urgentistes ont-ils largué les amarres ou s’apprêtent-ils à raccrocher ? La plupart d’entre eux, entre 40 et 50 ans, sont des soignants expérimentés mais parfois démunis. Ils « en ont assez de leurs conditions de travail liées à l’afflux des patients, certes inhérentes au métier d’urgentiste et à sa pénibilité, y compris le fait de devoir travailler la nuit, de faire des gardes et ils sont aussi en manque de reconnaissance de l’État », témoigne le Dr Serge Ferracci, chef du service des urgences de l’hôpital de Vannes, qui rappelle le contexte national de pénurie d’urgentistes. « D’ici à la fin 2025, six départs, dont trois temporaires, sont prévus, et deux congés maternité, temporisait le 25 juillet la direction du CH Bretagne Atlantique (CHBA) auprès du Télégramme. Les départs dans les services d’urgences sont (…) régulièrement observés dans d’autres services d’urgences ».
Une nouvelle génération d’urgentistes qui « papillonne »
Jusqu’à cette vague de départs programmés, les plannings étaient correctement tenus avec tout de même cinq postes manquants pour 62 équivalents temps plein, chargés d’assurer 15 lignes de garde en journée et neuf la nuit, répartis sur les trois sites : Vannes (six lignes la nuit), Ploermel (deux lignes) et Auray (une ligne). Depuis 2020, « la situation s’était améliorée et nous aidions même certains autres hôpitaux », analyse le chef des urgences, qui évoque plusieurs raisons aux difficultés actuelles. Outre le manque d’attractivité et la pénibilité intrinsèque, la nouvelle génération de médecins urgentistes réfléchirait davantage à son équilibre entre vie privée et exercice professionnel et aurait plus tendance que ses aînés à « papillonner ». Ces propos ne sonnent pas comme un reproche mais comme un constat de changement d’époque pour ce chef de service passionné par son métier, qui a intégré le fait que « désormais peu d’urgentistes font toute leur carrière aux urgences ».
À Vannes, à ce stade, l’objectif n’est pas de fermer des lignes de garde. La régulation préalable et le service d’accès aux soins (SAS) ont permis de désengorger une (petite) partie des recours non urgents, mais pas suffisamment pour réduire la charge de travail des urgentistes en première ligne. Résultat, alors que le recours au 15 a fortement augmenté, le nombre de passages aux urgences est resté stable, en partie à cause de l’afflux croissant de patients âgés polypathologiques.
Renfort du paramédical spécialisé
Quelles sont les solutions ? Les CHU de Rennes et de Brest, eux aussi démunis en ressources médicales, ne sont pas en capacité d’apporter des renforts suffisants aux autres hôpitaux de la région. À Vannes, outre les reports de vacances d’urgentistes en poste (de juillet à septembre), l’hôpital fait appel à des infirmières spécialisées ayant « une spécificité de prise en charge avec des gestes ciblés », commente le chef de service. « Cette stratégie permet de compenser au mieux avec les moyens dont nous disposons », explique-t-il.
Quid du recrutement de nouveaux médecins ? Le Dr Ferracci est soutenu par la gouvernance de l’établissement (direction et CME) qui planifie une réunion hebdomadaire pour trouver des solutions, y compris via des chasseurs de têtes et le bouche-à-oreille. Mais il faudra concrétiser ces embauches. Lui-même, tout en restant urgentiste, quittera sa chefferie en septembre et sera remplacé par deux trentenaires à partir de septembre. Comme un pied de nez des nouvelles générations aux plus anciennes…
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