Agnès Firmin Le Bodo est une habituée des assises nationales des Ehpad*. Avant d'être ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, elle y avait déjà son rond de serviette en tant que députée. Ce mardi, lors de la séance inaugurale, elle répondait au président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Arnaud Robinet, invitant l'ensemble des acteurs (secteur public, privé, mutualiste) à travailler ensemble. « Il n'y a plus de sujet sur la nécessité des Ehpad dans le parcours de prise en charge », se réjouit du moins la ministre qui met en avant les nombreux rapports (dont celui de Dominique Libault), publiés avant la crise sanitaire.
Les maux sont connus. Selon Arnaud Robinet, 80 % des Ehpad publics ont des difficultés de trésorerie. La stratégie fait également défaut. En termes de pilotage, le président de la FHF pousse l'idée d'un « service public » du grand âge et regrette que le sanitaire et le médico-social ne se trouvent pas dans le même portefeuille ministériel, ce qui faciliterait le décloisonnement entre ville, hôpital et Ehpad.
Agnès Firmin Le Bodo abonde en ce sens, souhaitant même institutionnaliser cette organisation transversale à l'échelle locale. « Je crois à l'autonomie des territoires, c'est à eux de s'organiser », dit-elle. Pas d'annonces en revanche sur le projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS) en préparation, qui « représente tout de même 600 milliards d'euros, dont 250 milliards rien que pour la santé ».
Impasse financière
Éric Chenut, président de la Mutualité française, s'interroge lui aussi sur le modèle des Ehpad, de plus en plus médicalisé. « Nos Ehpad sont-ils encore des établissements médico-sociaux ou simplement des unités de soins de longue durée sans vouloir le dire ? » Il propose d'agir sur plusieurs leviers – investir massivement sur la prévention, accélérer le partage des données ou étoffer l'approche populationnelle.
Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian, pointe carrément l'impasse financière du secteur, accélérée par la pandémie, le livre enquête Les Fossoyeurs et l'inflation. De 2019 à 2022, alors qu'un lit occupé voyait sa rémunération augmenter de 10 %, la masse salariale croissait de 25 %, le coût de l'alimentation de 20 % et l'énergie de 60 %. Dans le même temps, la dotation de soins était relevée de 3 % tandis que les coûts globaux étaient multipliés par deux, voire trois. « Il faut remettre à plat le modèle économique, avance-t-elle. Car l'analyse présentée par le rapport Libault avant la crise n'est plus valable. » Et surtout former et fidéliser davantage de blouses blanches dans ce secteur. « Nous formons deux fois moins de soignants que nos besoins. »
Redessiner la ville
Luc Carvounas, président de l'Unccas, qui fédère quelque 4 000 centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, plaide pour une politique nationale du bien vieillir et un réaménagement du territoire. « Il faut redessiner la ville autour des personnes âgées pour que les Ehpad fassent partie intégrante des quartiers », souligne-t-il.
En attendant mieux – la loi bien vieillir dans les tuyaux –, la ministre a invité les acteurs à encourager l'apprentissage et elle a souhaité un grand plan de formation sur les soins palliatifs.
* 12 et 13 septembre à Paris
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