Après le suicide d’un chef de clinique, le CHU de Montpellier a renforcé l’assistance aux médecins

Publié le 19/07/2013
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Crédit photo : DR

En 2010, le Dr Éric Delous mettait fin à ses jours après avoir commis une erreur de dosage en anesthésie, entraînant des complications sur un nourrisson opéré.

Trois ans après les faits, l’ombre du brillant chef de clinique plane toujours sur le CHRU de Montpellier. À la suite de ce décès, l’établissement a développé un programme de gestion de l’erreur médicale en direction des praticiens et des personnels soignants. Ouverte en février 2013, la commission sur les événements indésirables associés aux soins (EIAS) prend peu à peu ses marques.

Les infirmières en souffrance

Cette instance réunit 20 personnes, représentatives des différents corps de métiers et services hospitaliers, chargées d’accompagner le médecin ou le soignant en difficulté devant l’erreur médicale. Le personnel en souffrance peut composer un numéro de téléphone dédié. Au bout du fil, une secrétaire spécifiquement formée l’orientera vers le membre de la commission qui sera le plus à même de l’aider, selon la nature de sa requête.

« Depuis l’ouverture du dispositif, nous avons reçu une dizaine d’appels, soit un à deux par mois, détaille le Dr Sébastien Guillaume, psychiatre urgentiste, pilier de la commission. Six infirmières et surveillantes ont fait appel à nous, essentiellement à la suite d’une erreur de dosage sans conséquences majeures – aucun décès ou pronostic fonctionnel du patient engagé n’est à déplorer. Certaines voulaient juste parler, d’autres avaient besoin d’informations sur ce qui les attendait ou d’un contact administratif. Moins de 24 heures après l’appel,nous les orientons, les rencontrons et les suivons, que ce soit pendant 15 jours ou deux ans. »

Pour l’instant, un tiers des services du CHRU a eu connaissance de la création de cette commission. L’information circule encore. « Au vu de leur très forte demande, le dispositif a aussi été ouvert aux internes rattachés à l’hôpital », ajoute le Dr Guillaume.

Bouderie des médecins

Au départ prévu pour eux, la commission est boudée des médecins. Ce qui, pour Émilie Garrido, membre de la direction des affaires médicales et consœur du Dr Guillaume à la tête du dispositif, est quelque part une bonne chose.

« Au-delà de son fonctionnement, la commission porte un regard différent sur l’erreur médicale, explique-t-elle. Nous avons reçu un coup de fil d’un chef de pôle qui nous a parlé de l’erreur d’un jeune praticien hospitalier de son service. Avant toute action, le médecin a voulu tâter le terrain : "S’il y a un souci, a-t-il conclu, on vous appelle". Il sait que la commission existe, c’est ce qui importe ».

Selon le Dr Guillaume, le dispositif est « très bien accueilli par les praticiens, car il rassure tout le monde, même ceux qui se refuseront toujours à y faire appel ».

Les chefs de clinique réclament justice

Les chefs de clinique, particulièrement émus par le suicide de leur confrère, ont participé à l’élaboration de cette commission. « Pas mal de choses ont changé en trois ans, estime le Dr Yves-Marie Pers, président de l’association des chefs de clinique et assistants des hôpitaux de Montpellier-Nîmes (ACCHMN). Le nouveau directeur général de l’hôpital [Philippe Domy, qui a succédé en 2011 à Alain Manville, débarqué par Roselyne Bachelot, NDLR] a mis en place des outils intéressants, comme cette commission, ou la procédure de suivi des événements indésirables graves ».

Pour autant, l’association poursuit le CHRU de Montpellier devant la justice. Le 28 juin, les chefs de clinique, soutenus par leur syndicat national, l’ISNCCA, ont déposé un pourvoi devant le Conseil d’État, après le rejet de la plainte par le tribunal administratif, au motif d’absence de légitimité. « Notre action est purement symbolique, justifie le Dr Pers. Nous demandons un euro de réparation pour le préjudice moral subi par la perte de notre confrère. Rien ne protégeait le Dr Delous des mises à l’écart sans durée déterminée subies peu de temps avant son décès. Nous espérons une prise de conscience nationale sur le manque de garde-fous législatifs autour des mesures de suspension voulues par un directeur d’établissement. »

ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : lequotidiendumedecin.fr