1- Les enjeux de la vaccination
Le pneumocoque est la première cause de pneumonie bactérienne communautaire et de méningite chez l’adulte, avec une mortalité estimée entre 10 et 30 %. Chez les enfants, la létalité est d’environ 10 % des cas de méningite à pneumocoque dans les pays industrialisés (jusqu’à 30 % dans les pays en voie de développement). Elle est un peu moins importante en cas de septicémie (5 à 10 %). De plus, les séquelles en cas de guérison sont beaucoup plus fréquentes que pour les méningites à méningocoque : jusqu'à 30 à 50 % des survivants, même avec un traitement rapide et efficace.
Malgré ce fardeau lié au pneumocoque, si la couverture vaccinale des nourrissons est globalement satisfaisante (95,7 % à l'âge de 24 mois avec au moins 3 doses de vaccin pneumococcique conjugué), celle observée chez les adultes à risque éligibles à la vaccination anti-pneumococcique, est très insuffisante. En baisse depuis l'introduction du schéma séquentiel, elle était estimée à 4,5 % de la population adulte cible en 2018.
2- Les vaccins disponibles
Depuis la vaccination généralisée des enfants en 2006 par le vaccin à 13-valent, l’incidence des infections invasives à pneumocoque (IIP) a considérablement diminué (malgré une légère hausse entre 2014 et 2019). Cependant, l’écologie des sérotypes de pneumocoques a évolué, essentiellement du fait de la pression de sélection exercée par le vaccin. En 2022, les IIP associées aux sérotypes couverts par le vaccin 13-valent avaient presque disparu, à l'exception des sérotypes 3, 19A et 19F et désormais, selon un bilan de Santé publique France de 2023, la majorité des infections sont aujourd’hui dues aux sérotypes non inclus dans le vaccin VPC13, en particulier le sérotype 24F chez les enfants et le sérotype 8 chez les adultes (en sus du sérotype 3). Cette évolution a conduit au développement et à la mise à disposition de deux nouveaux vaccins anti-pneumococciques :
• Vaxneuvance (ou VPC 15) : vaccin pneumococcique polyosidique conjugué, 15-valent, adsorbé (sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F, 22F, 23F et 33F).
Les deux sérotypes supplémentaires par rapport au VPC 13 (22F et 33F) étaient responsables, en 2022, de respectivement 2,4 % et 4,2 % des bactériémies chez les moins de 15 ans et de 5,31 % des méningites à pneumocoque dans cette même tranche d'âge. Ce vaccin permettrait ainsi de couvrir 24 % des IIP dans cette population. Son bénéfice apparaît probable en raison de l'élargissement de la couverture sérotypique, bien que les données en vie réelle restent limitées.
Le profil de tolérance du VPC15 est globalement comparable à celui du VPC13, bien qu'il entraîne davantage d'effets indésirables bénins (douleurs).
• Prevenar 20 (ou VPC20) : vaccin pneumococcique polyosidique conjugué, 20-valent, adsorbé (sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 8, 9V, 10A, 11A, 12F, 14, 15B, 18C, 19A, 19F, 22F, 23F et 33F). Ce vaccin permettrait de couvrir 63 % des IIP de la population adulte. Chez les adultes de 60 ans et plus, les données d’immunogénicité montrent que le VPC20 offre une réponse comparable à celle du VPC13 pour les 13 sérotypes communs et au VPP23 pour 6 des 7 sérotypes complémentaires. Les études reposent sur des données d’immunogénicité, mais aucune donnée d’efficacité clinique n’est encore disponible.
Ces deux vaccins ont été intégrés au calendrier vaccinal en vigueur et sont désormais pris en charge par l’Assurance-maladie.
Ils viennent s’ajouter aux deux vaccins déjà disponibles :
• Prevenar 13 (ou VPC13) : vaccin pneumococcique polyosidique conjugué, 13-valent (sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F) qui garde une place chez le nourrisson (voir point 4).
et
• Pneumovax (ou VPP23) : vaccin pneumococcique polyosidique non conjugué 23-valent (sérotypes 1, 2, 3, 4, 5, 6B, 7F, 8, 9N, 9V, 10A, 11A, 12F, 14, 15B, 17F, 18C, 19A, 19F, 20, 22F, 23F et 33F) désormais restreint à la vaccination des enfants et adolescents à risque (voir point 4).
3- Stratégie vaccinale chez l’adulte
• Chez l’adulte, les indications de la vaccination anti-pneumococcique restent inchangées, même si cela peut évoluer, (voir point 5). Elle n’est donc recommandée pour le moment qu’en présence de facteurs de risque (voir encadré).
Les sujets à risque éligibles à la vaccination
À partir de l’âge de 2 ans, la vaccination est recommandée pour les personnes à risque élevé d’infections sévères à pneumocoque, indépendamment de l’âge. Sont concernées :
• Les personnes atteintes de syndrome néphrotique ou immunodéprimées :
– aspléniques ou hypospléniques (incluant les drépanocytoses majeures) ;
– sujets atteints de déficits immunitaires héréditaires ;
– patients VIH, quel que soit le statut immunologique ;
– sujets présentant une tumeur solide ou une hémopathie maligne ;
– sujets transplantés (ou en attente de greffe d’organe solide) ou greffés de cellules souches ;
– patients sous immunosuppresseurs, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie auto-immune ou inflammatoire chronique.
• Les personnes souffrant de maladies prédisposant aux infections invasives à pneumocoque, telles que :
– maladies cardiaques, y compris l’insuffisance cardiaque ;
– insuffisance respiratoire chronique, bronchopneumopathie obstructive, emphysème, asthme sévère et mucoviscidose ;
– insuffisance rénale ;
– maladies chroniques du foie ;
– diabète ;
– brèche ostéoméningée, implant cochléaire ou candidats à une implantation cochléaire.
Chez les personnes immunodéprimées en raison d’un cancer ou du VIH, d’une maladie inflammatoire chronique et/ou d’un traitement immunosuppresseur (méthotrexate, anti-TNF, ustekinumab, etc.), quel que soit le niveau de l’immunodépression, la vaccination antipneumococcique est recommandée et indispensable.
Le risque d’IIP est multiplié par 4 en cas de pathologie chronique, comme le diabète, une maladie pulmonaire ou cardiaque. L’incidence des infections invasives à pneumocoque est plus de 6 fois supérieure chez les patients insuffisants respiratoires chroniques et plus de 20 fois plus élevée en cas de cancer broncho-pulmonaire.
• Selon les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), le vaccin VPC20 seul doit désormais être utilisé de manière préférentielle, en remplacement du schéma VPC13 – VPP23, pour la prévention des maladies invasives et des pneumonies à pneumocoque chez les personnes à risque de 18 ans et plus.
La HAS a considéré dans sa décision le fait que la couverture sérotypique du vaccin VPC20, représentait respectivement 60 % des infections à pneumocoque chez les 15-64 ans et 59 % chez les 65 ans et plus (en 2021). De plus, elle entérine la supériorité de l'immunogénicité d'un vaccin conjugué par rapport à un vaccin non conjugué.
• Depuis avril 2024, le schéma de vaccination chez les adultes à risque élevé d’IIP a donc été simplifié :
- Les personnes non antérieurement vaccinées reçoivent une injection de VPC20.
- Les personnes ayant reçu une dose unique de VPC13 ou de VPP23 doivent recevoir une dose de VPC20 si la vaccination antérieure date de plus d’un an.
- Les personnes vaccinées avec le schéma complet VPC13 – VPP23 peuvent recevoir une injection de VPC20, à condition de respecter un délai de 5 ²ans après la dernière injection.
La co-administration du VPC20 est possible avec les vaccins grippe et vaccins à ARNm contre la Covid-19.
En raison de l'immunité plus intense et plus durable induite par le vaccin conjugué, comparée à celle du VPP23, la nécessité d'une revaccination ultérieure avec une dose de VPC20 n'est pas établie à ce jour. Celle-ci pourra être envisagée ultérieurement en fonction de l’évolution de l’efficacité observée du vaccin au cours du temps.
La HAS espère que cette simplification du schéma vaccinal favorisera l'amélioration de la couverture vaccinale, encore insuffisante chez les adultes éligibles à la vaccination antipneumococcique
4- Stratégie vaccinale chez l’enfant
>Chez le nourrisson
• La vaccination contre le pneumocoque est obligatoire pour tous les nourrissons.
• Elle peut être réalisée indifféremment avec le VPC13 ou 15.
La HAS considère en effet que l’ajout des sérotypes 22F et 33F offre des bénéfices supplémentaires justifiant l’utilisation du VPC15 (Vaxneuvance) comme alternative au VPC13, sans pour autant privilégier l’un des deux. Cependant, on peut imaginer, comme le suggère le Collège de la médecine générale, que la plus large couverture sérotypique du VPC15 apporte un bénéfice supplémentaire.
• Le schéma vaccinal reste inchangé :
- Pour les nourrissons (vaccin obligatoire) : deux doses administrées à 2 et 4 mois, suivies d’un rappel à 11 mois (par voie intramusculaire).
-Pour les nourrissons prématurés ou à risque élevé d’infections invasives à pneumocoque : trois doses administrées à 2, 3, et 4 mois, avec un rappel à 11 mois.
>Chez l’enfant de plus de 2 ans à risque
• Dans cette population, un schéma séquentiel reste recommandé :
- Pour les enfants de 2 à 5 ans, une vaccination par deux doses de VPC13 ou VPC15 à 2 mois d’intervalle, suivie d’une dose de VPP23 au moins 2 mois après (une dose de VPP23 seule en cas de vaccination antérieure par VPC avant l’âge de 24 mois).
- Pour les 5-17 ans, une dose de VPC13 ou VPC15 suivie d'une dose de VPP23 au moins 2 mois après (en cas de vaccination antérieure par la séquence VPC13 ou VPC15-VPP23, une nouvelle dose de VPP23 est administrée après un délai de 5 ans).
Pour les nourrissons et les enfants ayant débuté leur vaccination avec le VPC13 : possibilité de passer au VPC15 à tout moment du schéma vaccinal.
Le VPC15 peut être co-administrés avec les vaccins hexavalents, ROR, rotavirus, hépatite A, varicelle et grippe.
5- Les évolutions potentielles pour 2025
Le VPC 20 est autorisé dans les pays de l’Union européenne pour les enfants dès l'âge de 6 semaines.
A l’avenir il pourrait remplacer les VPC 13 et VPC 15 chez les grands enfants à risque (à partir de l’âge de 2 ans). Cependant, les autorités de santé françaises n'ont pas encore émis de recommandations spécifiques concernant son utilisation chez les enfants et il est nécessaire d’attendre l’avis de la HAS, qui n’a pas encore été publié.
Chez le nourrisson, la situation est plus complexe. Contrairement au schéma 2+1 utilisé avec les vaccins à 13 ou 15 valences, le VPC 20 nécessiterait un schéma 3+1. Cette différence s’explique par une réponse immunitaire légèrement inférieure avec le VPC 20, rendant nécessaire l’ajout d’une dose supplémentaire.
Lors de ses différentes communications au CTV, la HAS a par ailleurs exprimé son intention de simplifier le calendrier vaccinal en prévoyant une vaccination systématique contre le pneumocoque pour toutes les personnes âgées de 65 ans et plus.
Liens d’intérêts : Le Pr Jean-Louis Koeck est partie prenante dans le développement de systèmes d’aide à la décision vaccinale fondés sur les recommandations vaccinales publiées par les autorités de santé.
Bibliographie :
- Mesvaccins.net
- Santé publique France, infections à pneumocoque (mis à jour le 4 mars, consulté le 13 décembre 2024).
- Centre National de Référence Pneumocoques, rapport annuel d’activité 2024, exercice 2023.
- Santé publique France. Infections invasives à pneumocoques et impact de la vaccination par le vaccin pneumococcique conjugué 13-valent (VPC13). Bilan 2021. Publié le 7 septembre 2023.
- Calendrier Vaccinal 2024. https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier-vaccinal
- Fiches Vidal Vaxneuvance (consultée le 13/12/24).
- Santé publique France. Données de couverture vaccinale pneumocoque par groupe d'âge Mis à jour le 22 avril 2024.
- HAS. Stratégie de vaccination contre les infections à pneumocoque.
- Place du vaccin pneumococcique polyosidique conjugué (20-valent, adsorbé) chez l'adulte/ Validé par le Collège le 27 juillet 2023.
Etude et pratique
Mesure de la PA, la position du patient est importante
Cas clinique
Le papillome intracanalaire
Recommandations
Prise en charge des pneumonies aiguës communautaires
Mise au point
Neuropathie diabétique (2/2) : prise en charge