Objectif
L'objectif de cette consultation est non seulement de dépister des comportements « à risque », mais surtout de déterminer la contraception la plus adaptée, donc la mieux suivie ultérieurement, surtout si l'on a pris le temps d'évoquer les idées reçues et les bénéfices additionnels d'une contraception hormonale. L'utilisation du préservatif en complément des méthodes hormonales est à prôner au début de toute relation sexuelle, en expliquant bien qu'il s'agit du seul et unique moyen de protection efficace contre les infections sexuellement transmissibles (IST). La vaccination anti-HPV sera également à proposer chez ces jeunes femmes débutant leur sexualité.
En France, on compte environ 2 600 000 jeunes femmes âgées de 14 à 20 ans. La prescription médicale d'un moyen contraceptif à une mineure est autorisée gratuitement et sans autorisation parentale. Près de 89 % des jeunes filles de 15-20 ans utilisent une contraception contre 96 % des femmes de 20-25 ans.
Méthodes
1) Méthodes contraceptives chez la jeune femme de moins de 20ans
Les méthodes hormonales estroprogestatives orales minidosées représentent la méthode de prédilection. Et seront prescrites en première intention. Les estroprogestatifs administrés par voie extra-orale sont le patch cutané EVRA (1 patch hebdomadaire pendant 3 semaines d'affilée) et l'anneau vaginal Nuvaring (efficace pour 3 semaines). Leur administration théoriquement plus attractive et moins contraignante améliorerait l'observance. Pour Nuvaring, une dédramatisation préalable de l'insertion vaginale est souvent nécessaire. Même si la tolérance générale des estroprogestatifs est excellente, il sera important de prévenir les patientes des possibles effets secondaires (spottings, mastodynies...), qui, non explicitées, risquent de mener à des interruptions inopinées.
Les contraceptions progestatives seront utilisées dans cette tranche d'âge surtout en cas de contre-indication ou d'intolérance à l'éthynilestradiol (EE). Quatre formes sont utilisables : les microprogestatifs oraux pris en continu (Milligynon et Microval, dont l'action est périphérique, et Cerazette, qui possède en plus une action anti-ovulatoire), l'implant sous-cutané d'étonogestrel (Implanon), les macroprogestatifs oraux (Lutenyl, Luteran) dont l'indication reste rare et enfin, les macroprogestatifs injectables discontinus (Depoprovera) qui ne devraient plus représenter qu'une contraception d'exception.
Parmi les méthodes nonhormonales, le préservatif féminin, les spermicides, les diaphragmes et les capes cervicales seront proscrits d'emblée chez les femmes jeunes car trop contraignants et nécessitant des manoeuvres endo-vaginales, souvent mal vécues à cet âge.
Malgré une efficacité contraceptive bien moins importante que les méthodes hormonales, le préservatif masculin est la méthode de première intention utilisée spontanément par les femmes jeunes lors de leurs premiers rapports sexuels. Il s'agit d'une méthode acceptable lorsqu'elle est correctement utilisée en cas de sexualité occasionnelle. Mais les « accidents de préservatif » restent fréquents dans cette tranche d'âge. Son avantage majeur réside dans son rôle de prévention contre les IST (sauf HPV). Son utilisation reste donc vivement encouragée en association avec les méthodes hormonales chez les femmes débutant leur vie sexuelle. En outre, le préservatif potentialisera l'effet contraceptif de la pilule.
Les dispositifs et systèmes intra-utérins (DIU et SIU), bien que ne devant pas constituer une modalité contraceptive de première intention chez les femmes jeunes, ne sont plus contre-indiqués chez les nullipares. Ainsi, ils pourront être utilisés chez la jeune femme qui n'est pas en mesure d'assumer une autre méthode, après avoir évalué le risque d'exposition aux IST et encouragé l'utilisation concomitante du préservatif. La tolérance des DIU au cuivre est relativement médiocre chez les femmes jeunes (ménorragies et dysménorrhées fréquentes). C'est pourquoi, si une méthode intra-utérine est envisagée chez une femme de moins de 20 ans, on préférera utiliser, si possible, le SIU au lévonorgestrel (Mirena) qui permettra au contraire une diminution significative des dysménorrhées et du volume des menstruations. Rappelons que l'insertion des DIU et SIU est souvent plus difficile chez les nullipares.
La « pilule du lendemain » (Norlevo ou Vikela : 1,5 mg de lévonorgestrel en une prise) représente la contraception d'urgence la plus adaptée dans cette tranche d'âge. Elle est à utiliser après un rapport sexuel non protégé ou un « accident de contraception ». Son taux d'efficacité dépend surtout de la rapidité de prise après le rapport sexuel « à risque »(95 % lorsque la prise a lieu dans les 24 heures et 50 % si prise dans les 72 heures). Elle est délivrée par les infirmières scolaires et disponible sans ordonnance et gratuitement pour les mineures en pharmacie. Il est important d'évoquer la possibilité de recours à ce mode de contraception, voire de la prescrire d'emblée, en rassurant sur son innocuité, mais en insistant sur le fait qu'il ne s'agit que d'une méthode de secours.
Consultation
2) La consultation «contraception» chez la femme jeune de moins de 20ans
La demande de contraception est souvent l'occasion de la première consultation en gynécologie chez la femme de moins de 20 ans. On ne peut donc se contenter d'un interrogatoire médical ciblé. Il faut s‘efforcer d'être également chaleureux, empathique, à l'écoute et sans jugements. La jeune femme doit être rassurée de la confidentialité de la consultation et sera idéalement reçue sans ses parents, l'entretien comportant des questions sur sa vie sexuelle. Sur le plan des antécédents, il sera nécessaire de rechercher au niveau familial et personnel, des antécédents de thrombophilie et d'anomalies métaboliques afin de planifier un éventuel bilan avant la prescription. Les traitements médicamenteux (antiépileptiques...) doivent être notés pour identifier des risques d'interactions médicamenteuses. Les antécédents gynéco-obstétricaux (premières règles, troubles du cycle, IVG...) feront l'objet d'une attention particulière. La consommation de tabac et les autres conduites toxicomaniaques seront systématiquement recherchées. L'examen clinique comprend un examen général avec détermination de l'indice de masse corporelle (IMC). Ce dernier est important car un IMC élevé peut compromettre l'efficacité de certaines méthodes contraceptives hormonales (patch Evra, Implanon), augmenter les risques thromboemboliques et permettre d'appréhender un éventuel trouble du comportement alimentaire. La prise de la tension artérielle et l'examen des seins sont recommandés. En ce qui concerne l'examen gynécologique pelvien à proprement parler, souvent très redouté par la femme jeune, il n'est pas indispensable dès la première consultation, sauf en cas de signes d'appels particuliers ou si l'adolescente souhaite être rassurée sur sa « normalité ». Les modalités de surveillance biologique de la contraception estroprogestative chez la femme jeune ne sont pas différentes de celles des femmes de plus de 20 ans.
Concernant la prescription de la méthode contraceptive, le plus souvent, en l'absence de contre-indications, c'est une pilule monophasique minidosée, qui sera prescrite en première intention. La première plaquette est souvent débutée entre le premier et le cinquième jour des règles, sans avoir besoin en théorie d'utiliser une contraception barrière. En l'absence de risque de grossesse débutante, le Quick Start peut être utilisé pour améliorer l'observance en diminuant la période d'attente entre la première consultation et le début des estroprogestatifs, mais il nécessite l'utilisation d'une méthode barrière pendant la première semaine. Les conseils en cas d'oubli doivent être donnés lors de toute prescription de pilule (arbre décisionnel ou plaquette informative). Il est important d'inviter l'adolescente à exposer ses interrogations et ses craintes (poids, cancer, stérilité...), ce qui permettra de la rassurer. Une seconde consultation est programmée de trois à six mois après.
Craintes
3) Craintes concernant l'utilisation des contraceptions hormonales chez les femmes de moins de 20ans
a) Acquisition de la masse osseuse et contraception hormonale
Les estrogènes interviennent dans le processus d'acquisition de la masse osseuse. L'essentiel de ce processus a lieu entre 12 et 14 ans et, à 16 ans, plus de 95 % de la masse osseuse est acquise chez la femme. Quel est donc l'impact des contraceptions hormonales sur la maturation osseuse, lorsque celles-ci sont utilisées chez les femmes jeunes ? Globalement, les différentes études sont rassurantes et il semble que les effets délétères sur l'acquisition de la masse osseuse définitive soient négligeables lorsque le traitement hormonal est débuté après l'âge de 14 ans. Seule l'apparition du pic physiologique d'acquisition de masse osseuse semble alors être un peu retardée.
b) Risque de cancer du sein et contraception hormonale
Les estrogènes et les progestatifs font l'objet de controverses quant à leur innocuité mammaire lorsqu'ils sont administrés chez les femmes de moins de 20 ans. En 1996, la métaanalyse d'Oxford a mis en évidence une discrète augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes ayant débuté la pilule estroprogestative avant 17 ans (RR = 1,56). Néanmoins, plus récemment, Marchbanks et coll. n'ont pas retrouvé de sur-risque de cancer du sein, quel que soit l'âge de début. Cette étude, certes de moins grande envergure que la métaanalyse d'Oxford, est en revanche plus représentative des pilules actuellement prescrites. Ainsi, en pratique, même s'il est licite de se poser des questions sur l'impact mammaire d'un apport prolongé de stéroïdes sexuelles, la balance bénéfices/risques reste largement en faveur de la contraception hormonale dans cette tranche d'âge.
Conclusion
4) Conclusion: les enjeux de la contraception chez les femmes de moins de 20 ans
Ils sont bien entendu représentés d'une part, par la prévention des grossesses non désirées et de l'IVG, et, d'autre part, par un dépistage des situations dites « à risque » (IST, tabagisme et autres drogues, sévices sexuels, troubles du comportement alimentaire...).
Concernant les IST, pour celles qui n'ont pas encore commencé leur vie sexuelle ou qui l'ont entamée récemment (moins d'un an), il est important de proposer une vaccination anti-HPV (« JO » du 11 juillet 2007). Pour les jeunes femmes sexuellement actives, un dépistage systématique du portage de Chlamydia trachomatis par PCR (sur premier jet d'urines et prélèvement endo-cervical) est à proposer, car il permettrait d'appréhender près de 70 % des chlamydioses génitales.
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