Une circulaire
Les maladies onco-hématologiques sont de plus en plus fréquentes ; leur diagnostic fait l'objet de dépistage et de campagnes de santé publique. A partir de cette « sentence » va se mettre en route tout un dispositif de prise en charge de la maladie : chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie dans des services spécialisés. Mais, au-delà des traitements à visée curative, se développent des soins spécifiques et un accompagnement du patient tout au long de la maladie : ce sont les soins de support en oncologie.
C'est en 1990 que naît la MASCC ou Mondial Association of Supportive Care in Cancerology. Au départ, en mars 2001, en France, ce sont les centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) qui se réunissent pour discuter de l'opportunité de cette prise en charge plus particulière. Et c'est seulement le 22 février 2005 que la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) l'a définie dans une circulaire comme : «l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux patients tout au long de la maladie conjointement aux traitements onco-hématologiques spécifiques, lorsqu'il y en a».
Actuellement, des structures de soins de support voient progressivement le jour sur tout le territoire français, avec des organisations très variables selon les possibilités locales.
Le développement de ces soins de support se doit d'apporter des nouveautés dans la prise en charge du patient atteint de cancer. Ces soins sont à mettre en place dès l'annonce du diagnostic de la maladie, à poursuivre tout au long des traitements à visée onco-hématologique, mais aussi après, pour accompagner la guérison tout autant que la ou les rechutes, ou même la phase palliative.
Contrôler
Cette prise en charge s'adresse au patient comme à son entourage et tente de répondre à leurs différents besoins afin, de contrôler :
– les effets secondaires des traitements onco-hématologiques comme les nausées et les vomissements, la neutropénie, l'anémie, l'asthénie, l'alopécie, la toxicité unguéale... ;
– les douleurs liées à la tumeur, aux métastases, aux traitements, aux gestes diagnostiques ou thérapeutiques, à la chirurgie, aux pathologies préexistantes... ;
– l'anxiété et/ou la dépression en rapport avec la maladie, son pronostic, son retentissement sur la qualité de vie ;
– les troubles du sommeil ;
– l'amaigrissement dû au cancer, à ses thérapeutiques ou à ses complications ;
– les problèmes financiers, la perte d'emploi ;
– l'isolement social ou familial ; etc.
La constitution d'équipes
D'emblée, il apparaît que les soins de support sont nécessairement multidisciplinaires en raison de la variété d'éléments à prendre en charge, et personnalisés car, pour chaque patient, l'histoire de la maladie cancéreuse est différente. D'où la constitution d'équipes de soins de support dans les structures de soins du cancer faite de professionnels médicaux et paramédicaux de multiples horizons, variables d'une structure à l'autre : oncologues, radiothérapeutes, spécialistes d'organes, chirurgiens, psychiatres, algologues, médecins de soins palliatifs, infirmières, cadres de santé, kinésithérapeutes, diététiciennes, assistantes sociales, psychologues, musicothérapeutes et même coiffeurs.
Modes de fonctionnement
Selon les participants de chaque équipe, l'organisation diffère mais tient compte de certains modes de fonctionnement communs pour répondre à la réglementation en vigueur.
–La coordination entre les patients, leur famille, le médecin référent et les acteurs de soins de support est assurée dans tous les cas par un secrétariat unique avec un seul numéro de téléphone pour un hôpital comme pour un département.
–Chaque semaine est prévue une réunion de concertation pluridisciplinaire ou RCP pour discuter des nouveaux patients à prendre en charge et pour assurer un suivi de ceux qui le sont déjà.
–Toutes les décisions prises lors de ces RCP comme l'intervention de l'un quelconque des membres de l'équipe de soins de support sont colligées dans un dossier partagé afin d'assurer une traçabilité et de favoriser la transmission entre tous les participants.
–La composition de ces équipes de soins de support privilégie l'interdisciplinarité, mais reste soumise aux possibilités de ressources locales. Les structures dépendent beaucoup des implications personnelles possibles et se rattachent à des services qui peuvent être différents. Des liens avec les comités transversaux de lutte contre la douleur (CLUD), contre les infections nosocomiales (CLIN) ou pour l'alimentation et nutrition (CLAN) sont privilégiés.
–La prise encharge des patients pour les soins de support peut se faire seulement en consultation externe, parfois avec des lits d'hospitalisation de jour ou de semaine, plus rarement avec des lits d'hospitalisation conventionnelle.
–Les soins de support se conçoivent en gardant un lien très fort avec la ville soit par l'intermédiaire du médecin traitant, soit avec l'aide d'hospitalisation à domicile, d'autant que les chimio- et radiothérapies sont de plus en plus souvent réalisées chez des patients ambulatoires.
–La formation des équipes soignantes de l'hôpital et des intervenants extérieurs en relation avec les patients atteints de cancer est également l'un des rôles attribué saux structures de soins de support.
Le rôle de l'infirmière
L'annonce du diagnostic de cancer représente la première démarche de soin de support.
Elle correspond à la mesure 40 du plan Cancer et entre maintenant dans un cadre bien réglementé. On comprend aisément que les patients se sentent dépassés à l'annonce d'un tel diagnostic ; c'est pourquoi une consultation infirmière d'annonce se met en place dans la plupart des centres de traitement du cancer. Cette consultation est proposée au patient, le plus souvent accompagné d'un proche dès la sortie de la consultation médicale d'annonce du diagnostic et de la proposition d'un projet thérapeutique, ou parfois à quelques jours de distance.
Pour l'infirmière, il s'agit d'évoquer avec le patient ce qu'il a retenu ou ce qu'il sait de sa pathologie, des traitements, de leur durée, des effets secondaires, des séquelles possibles, de décrire le mode de fonctionnement du service, le déroulement des cures, d'informer sur la chambre implantable, d'expliquer le rôle de chaque acteur susceptible d'intervenir au cours de l'évolution, d'aider dans la programmation et le déroulement des différentes étapes de la prise en charge. Pour cela, elle peut s'appuyer sur des documentations générales ou spécifiques à l'établissement, des livrets de recommandations. Elle peut aussi évaluer avec le patient le retentissement de sa maladie sur son mode de fonctionnement familial, social, psychologique.
Cette infirmière devra avoir été formée aux soins oncologiques, mais aussi à l'écoute active et à la conduite d'entretien spécifique. Cette consultation qui pourra être suivie d'entretiens téléphoniques ou de nouvelles rencontres lors des soins, doit créer un climat de confiance pour le patient et assurer un lien entre les équipes médicales et paramédicales, lien essentiel pour la coordination de ces soins tout au long de la maladie.
Programme personnalisé de soins
Le programme personnalisé de soins (PPS) est établi dès la consultation d'annonce, il permet de réunir l'ensemble des informations médicales, projets thérapeutiques, bilans envisagés, traitements en cours et les références des intervenants. Ce PPS concrétise le lien entre le patient et ses divers correspondants médicaux ou paramédicaux. Cet outil n'est pas uniformisé partout et c'est à chaque structure «d'inventer» son propre dossier, le plus souvent informatisé.
La prise en charge des effets secondaires des traitements onco-hématologiques nécessite un suivi régulier des patients, mais également une anticipation la plus fréquente possible de ces effets secondaires. Ainsi, le patient retourne au domicile avec des ordonnances préventives, lui permettant d'avoir déjà à disposition les médicaments nécessaires lorsque ces effets secondaires surviennent, y compris la nuit ou un jour férié. Ces prescriptions anticipées suivent les recommandations nationales ou internationales déjà publiées ; c'est le cas pour l'anémie, la neutropénie, les nausées et les vomissements liés aux chimiothérapies. Il est en effet important de réduire au maximum ces effets toxiques qui alourdissent très fortement la qualité de vie des patients en cours de chimio ou radiothérapie.
La douleur
L'accès à une prise en charge de la douleur par des médecins qualifiés fait également partie intégrante des soins de support (70 % des patients atteints de cancer peuvent développer une douleur modérée à sévère au cours de leur maladie). L'anticipation de prescriptions d'antalgiques doit être proposée surtout pour éviter les douleurs induites au cours de gestes (biopsies, pansements, pose de cathéter...). L'adaptation des doses de morphiniques, l'ajustement des interdoses, la connaissance des effets secondaires de ces traitements sont souvent à revoir lors de consultations infirmières pour s'assurer de leur utilisation optimale et sans arrière- pensée. La crainte de devenir toxicomane ou le désir « d'économiser » des opioïdes pour les grosses douleurs restent encore trop fréquents chez de nombreux patients toujours algiques. De plus, des douleurs peuvent survenir même à distance des traitements, voire après la guérison du cancer, comme des douleurs neurogènes liées à la radiothérapie. Elles sont souvent très préoccupantes pour le patient qui pensait en avoir fini avec cette maladie et se retrouve handicapé par ces douleurs.
Soutien psychologique
Le soutien psychologique est également un volet majeur des soins de support. Dès l'annonce du diagnostic de cancer, la grande majorité des patients développent des signes d'anxiété face au pronostic, à l'évolution, aux séquelles, aux conséquences familiales ou au travail. Souvent s'y associent des troubles du sommeil qui majorent encore cette anxiété. A plus long terme, en fonction de l'évolution, de la tolérance des traitements, des résultats des bilans, la dépression peut s'installer et entacher là encore la qualité de vie pour le patient et son entourage. L'intervention d'un psychiatre est parfois nécessaire en cas de décompensation psychiatrique, de troubles antérieurs ou qui se révèlent pendant l'évolution de la maladie. L'emploi de corticoïdes à fortes doses au cours de certaines chimiothérapies peuvent aussi être un facteur favorisant de ces décompensations. La possibilité pour le patient de bénéficier d'un suivi tant psychologique que psychiatrique lorsque c'est nécessaire est primordial au cours du suivi de la maladie cancéreuse à toutes les étapes.
Suivi nutritionnel
Vingt pour cent des patients atteints de cancer sont dénutris de façon importante. Il est donc indispensable d'assurer un suivi nutritionnel en surveillant le poids, l'albuminémie et la prise d'ingestats. L'apport calorique journalier doit être étroitement surveillé pour un certain nombre de patients et la discussion de mise en place d'une nutrition entérale sur sonde ou parentérale sur cathéter doit faire partie du suivi habituel d'un patient en chimiothérapie ou durant la phase palliative.
Les soins physiques pratiqués par les kinésithérapeutes se développent progressivement et participent à la qualité de vie, au maintien de l'autonomie, au bien-être du patient durant toute l'évolution. Ces pratiques se multiplient autant en ville qu'à l'hôpital où le maintien d'une activité physique permet d'éviter l'amyotrophie et ses séquelles. Certaines études montrent même qu'une activité physique régulière au cours de la chimiothérapie améliore la survie des patients.
Prise en charge sociale
La prise en charge sociale débutée elle aussi dès la consultation d'annonce encadre les difficultés qui peuvent apparaître au décours de la maladie. Le mode de vie, les ressources, la présence d'enfants mineurs au domicile, la perte d'autonomie, la survenue d'un handicap sont autant de paramètres à prendre en considération du diagnostic jusqu'à la guérison ou la phase palliative. Ce suivi social évite souvent de se confronter à des situations de crise où des moyens auraient pu le plus souvent être anticipés.
Les soins de support mis en place grâce à une équipe pluridisciplinaire faisant appel à de nombreuses compétences et aussi à une connaissance de chaque sujet avec son histoire propre répondent à une approche plus globale du patient répondant aux différents besoins apparaissant tout au long de l'évolution du cancer.
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