Incidence
Actuellement, l'incidence de ce type de grossesse donnant lieu à une naissance est d'environ 0,60 % en France métropolitaine. Ce pourcentage diminue régulièrement depuis 1976, ce qui correspond à l'accès à la contraception anonyme et gratuite (1974) et plus encore à la législation de l'interruption volontaire de grossesse de 1975 ; de fait, entre 12 et 15 ans,
3 grossesses sur 4 aboutissent à une IVG et, entre 16 et
18 ans, 1 grossesse sur 2 sera interrompue contre 1 grossesse sur 4 à l'âge adulte. En 1997, on a enregistré 6 356 naissances chez des mères de 18 ans ou moins, dont 954 chez des moins de 16 ans. Le plus souvent considérée comme à risque, la grossesse chez l'adolescente présente certains enjeux médico-sociaux à ne pas négliger.
Profil psychologique : tout sauf un accident !
Ces grossesses sont vécues de façon différente selon le milieu socioculturel. Ainsi, dans les populations d'Afrique noire ou nord-africaine, ces grossesses sont souvent admises, voire valoriséesn alors que, dans nos sociétés, la maternité est assimilée à une transgression d'un interdit parental. Etre enceinte à cet âge est, pour certaines, une réponse à une vie difficile - personne ne m'a aimée, mon enfant m'aimera -, une manière de s'intégrer socialement, de réussir - à l'école, j'étais nulle, mais là... -, une réassurance narcissique d'être femme, fertile donc adulte, un retour à l'enfance, en réinventant son histoire de relation avec sa mère ou encore une manière de fuir le milieu familial et d'accéder à une certaine autonomie.
Quoi qu'il en soit, le climat socio-économique que connaissent ces jeunes filles est le plus souvent défavorable. Leur grossesse s'inscrit dans une situation d'échec scolaire préexistant ou favorisé par cet événement imprévu. Une étude brésilienne a montré que moins de 30 % des mères adolescentes poursuivent leurs études, contre 68 % de celles qui choisissaient l'interruption volontaire de grossesse (1). Néanmoins, lorsqu'on s'intéresse de près aux données de la littérature, on constate que ces conditions sociales précaires ne concernent pas toutes les adolescentes enceintes et qu'il faut considérer le climat culturel, parfois propice aux jeunes maternités, dans lequel survient la grossesse.
Un diagnostic souvent tardif
Le suivi de grossesse de ces jeunes filles est de moins bonne qualité que celui des mères adultes. Le nombre des consultations obligatoires n'est souvent pas respecté, les examens recommandés sont moins fréquemment réalisés et le terme de la première échographie est significativement plus tardif. A Paris, Faucher recensa
17,7 % d'adolescentes sans aucun suivi et 40,3 % consultant pour la première fois après 30 semaines d'aménorrhée (2). A Bondy,
58 % des adolescentes sont peu ou pas suivies, passant leur première consultation au troisième trimestre ou encore ne sont vues que pour l'accouchement (3). On peut assimiler ces faits au jeune âge de ces futures mères et à leur « insouciance », mais notons que, pour certains, cette carence de suivi et, par conséquent, de prise en charge semblerait corrélée au risque de prématurité.
Peu de complications...
Les adolescentes ne sont pas plus sujettes aux pathologies spécifiques de grossesse, telles que les pathologies réno-vasculaires ou le diabète gestationnel. D'ailleurs, elles présentent significativement moins de diabète en cours de grossesse que leurs aînées. On peut facilement expliquer ce dernier élément par la plus faible proportion d'obèses chez les jeunes filles. Il s'agit, en effet, de pathologies dont l'incidence augmente avec l'âge.
...mais un risque de prématurité conséquent
L'élément le plus préoccupant des grossesses adolescentes est sans aucun doute la prématurité. Le jeune âge de la mère est un facteur de risque de grande prématurité. Un grand nombre d'études concluent à une augmentation du risque de prématurité chez les adolescentes et, en particulier, chez celles de 15 ans et moins. La qualité du suivi de la grossesse semble être un facteur déterminant. Gallais rapporte un taux de prématurité de 14 % chez les adolescentes bien suivies, contre 36,4 % chez celles qui ont eu moins de
quatre consultations prénatales (5). De même, le faible niveau socio- économique augmenterait le risque de prématurité. Ce risque est également augmenté dans certaines ethnies. Les adolescentes d'origine africaine ou asiatique semblent plus exposées. En outre, notons que, pour d'autres, le jeune âge gynécologique (conception moins de deux ans après les premières règles) interviendrait dans le processus de prématurité. Il est possible que l'immaturité de la circulation utérine et un certain degré d'hypoplasie utérine favorisent la survenue d'accouchement anormalement précoce. En ce qui concerne le poids de naissance, les adolescentes de 16 ans et moins donnent naissance à des enfants de poids significativement inférieur à ceux des adultes. Ces résultats s'expliquent en partie par un plus grand nombre de grands prématurés chez ces dernières. D'autres hypothèses sont avancées. Le petit poids et la petite taille de la mère, la faible prise de poids pendant la grossesse, le niveau d'éducation et la consommation de tabac sont fréquemment incriminés. D'autres décrivent une compétition nutritionnelle entre la jeune mère, dont la croissance se poursuit, et son fœtus.
Accouchement : moins de césariennes
En ce qui concerne l'accouchement, son issue est nettement favorable chez les adolescentes. En effet, de nombreuses séries rapportent des proportions élevées d'accouchements eutociques. Les jeunes filles paraissent également significativement moins à risque de césarienne que les adultes. L'incidence des extractions instrumentales est, quant à elle, plus partagée. De nombreuses hypothèses ont été émises pour expliquer ces phénomènes. Certains expliquent la forte proportion d'accouchements eutociques chez les adolescentes par la prématurité et le faible poids de naissance des nouveau-nés. D'autres pensent que les obstétriciens sont peu enclins à pratiquer une césarienne aux adolescentes pour des raisons d'ordre pronostique et psychologique. De la même façon, la faible incidence de diabète gestationnel, de préeclampsie et d'hémorragie du troisième trimestre pourrait réduire les indications de césarienne. Il est également possible que, comme le décrit Jolly, les adolescentes bénéficient d'une meilleure fonction myométriale et d'une plus grande élasticité des tissus facilitant les accouchements par voie basse (4).
Et le nouveau-né ?
La plupart des travaux ne rapportent pas significativement de complications néonatales précoces ni de transfert en néonatalogie chez les adolescentes. L'incidence des malformations et des anomalies chromosomiques n'est pas non plus augmentée.
Il faut, en revanche, mettre en garde contre le risque, chez des adolescentes trop vite maturées par cette naissance inopinée, d'un surrisque de maltraitance du nouveau-né. C'est dire l'importance de l'accompagnement après la naissance, de l'aide qu'il faut chercher avec l'adolescente pour la rescolarisation ou la construction d'un projet professionnel.
... et le géniteur ?
Il est âgé de 12 à 72 ans (!), mais c'est un jeune le plus souvent, écolier plus d'une fois sur deux.
Il reconnaît l'enfant dans la moitié des cas.
L'évolution du couple est très variable. On fait parfois un deuxième enfant, mais on se sépare aussi souvent vite.
Importance du suivi et d'une prise en charge pluridisciplinaire
Ne croyons surtout pas que nous pouvons faire la prévention des grossesses de l'adolescente par la contraception. Beaucoup d'autres facteurs entrent en jeu, souvent non maîtrisables. Mais ne soyons pas effrayés quant au déroulement de ces dernières et mettons l'accent sur le suivi. Le problème majeur de ce type de grossesse est sans aucun doute la prématurité et ce d'autant plus que l'adolescente est jeune. La prise en charge de la maternité adolescente ne s'envisage alors que dans sa globalité, car, comme le souligne Alvin, « le risque inhérent à ces grossesses n'est pas tant médical que social, avec des conséquences médicales éventuelles » (6). Un soutien pluridisciplinaire (obstétricien, médecin généraliste, sage-femme, psychologue, etc.) attentionné pourrait permettre de mener au mieux ce type de grossesse parfois considéré, peut-être à tort, comme à risque.
Bibliographie
(1) P.-E. Bailey, Z. V. Bruno, M. F. Bezerra et al. Adolescent Pregnancy 1 Year Later : the Effects of Abortion vs. Motherhood in Northeast Brazil. « J. Adolesc Health », 2001 ; 29 : 223-232.
(2) P. Faucher, S. Dappe, P. Madelenat. Maternité à l'adolescence : analyse obstétricale et revue de l'influence des facteurs culturels, socio-économiques et psychologiques à partir d'une étude rétrospective de 62 dossiers. « Gynecol
Obstet Fertil », 2002 ; 30 : 944-952.
(3) M. Uzan. La grossesse à l'adolescence. « Gynobs », n° 425, 19-20.
(4) M.-C. Jolly, N. Sebire, J. Harris, S. Robinson, L. Regan. Obstetric Risks of Pregnancy in Women Less than 18 Years Old. « Obstet Gynecol », 2000 ; 96 : 962-966.
(5) A. Gallais, P.-Y. Robillard , E. Nuissier, T. Cuirassier, E. Janky. Adolescence et maternité en Guadeloupe. A propos de 184 observations. « J Gynecol Obstet Biol Reprod », (Paris) 1996 ; 25 : 523-527.
(6) P. Alvin, D. Marcelli. Médecine de l'adolescent. Paris : Masson, 2000.
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