PRATIQUE
Leur évolution et leur pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de l'hospitalisation dans un service de réanimation.
----/1. Le syndrome phalloïdien
Il est provoqué dans plus de 90 % des cas par l'amanite phalloïde et plus rarement par les amanites verna et vireuse, et certaines lépiotes et galérina. Le diagnostic à la phase initiale repose sur trois critères : la durée de la période d'incubation, qui varie de six à trente-six heures, en moyenne douze heures, l'intensité de la gastro-entérite qui, en quelques heures, entraîne un état de déshydratation autrefois mortel, et enfin l'atteinte hépatique qui, au minimum, se manifeste par un syndrome de cytolyse qui débute trente-six heures après le repas toxique et atteint son maximum le cinquième jour. L'évolution est liée à l'atteinte hépatique et en particulier l'existence et l'intensité de l'insuffisance hépatocellulaire exprimée par le taux du facteur V ou, de façon moins sensible, du temps de Quick permettant de distinguer trois formes :
- les formes bénignes, avec un taux supérieur à 80 %, se résument à un syndrome gastro-entéritique durant de trois à cinq jours et une cytolyse en général modérée ;
- les formes moyennes, dans lesquelles le taux est compris entre 50 et 80 %, sont caractérisées par un tableau d'hépatite aiguë parfois avec subictère ; elles évoluent vers la guérison complète en deux à trois semaines ;
- les formes graves, marquées par un taux inférieur à 50 %, associent sur le plan clinique des signes sévères d'hépatite aiguë avec hépatomégalie, état de confusion et parfois - et constamment dans les formes d'évolution mortelle - des signes d'encéphalopathie et des hémorragies digestives. Sous réanimation symptomatique, l'évolution est caractérisée par la régression progressive des signes cliniques et biologiques après le huitième ou douzième jour et la guérison complète en huit à douze semaines. Le décès, qui survient du huitième au douzième jour, est dû à une hépatite fulminante associée à une insuffisance rénale aiguë organique qui apparaît après le septième jour.
Malgré les connaissances acquises sur la nature des toxines, en particulier les amanitines et leur mécanisme d'action, il n'existe actuellement aucun traitement spécifique, en particulier antidotique. Le traitement des intoxications humaines reste l'objet de multiples essais médicamenteux et de techniques d'épuration non contrôlés sur des séries limitées, donc sans validation scientifique. La littérature permet de montrer que la précocité de la réanimation symptomatique basée sur la rééquilibration hydroélectrolytique améliore le pronostic. En cas de survenue de signes d'hépatite fulminante, la transplantation hépatique en urgence, réalisée chez plus de 50 malades, a permis la guérison dans plus de 80 % des cas.
----/2. Le syndrome cortinarien
Le syndrome cortinarien, provoqué par plusieurs espèces de cortinaires entraîne, après une incubation de trois à vingt jours, une atteinte rénale à type de néphrite tubulo-interstitielle qui, dans plus de 50 % des cas, se traduit par une insuffisance rénale aiguë. La toxine, qui se fixe au niveau des cellules tubulaires rénales, agit par un mécanisme de stress oxydatif responsable de nécroses et d'inflammation. L'évolution sous traitement symptomatique, nécessitant parfois l'hémodialyse, se fait dans 10 à 20 % des cas vers l'insuffisance rénale chronique pouvant nécessiter un programme de transplantation.
Des insuffisances rénales aiguës ont été rapportées depuis une trentaine d'années lors d'intoxications par des champignons de type amanites, d'une part, les amanites proxima dans le sud de la France et, d'autre part, Amanita smithiana en Amérique du Nord. La durée de la période d'incubation est deux à quarante-huit heures. Le tableau est celui d'une insuffisance rénale aiguë ; les lésions rénales sont à type de nécrose tubulaire focale avec infiltrat lymphocytaire modéré. L'évolution se fait vers la guérison dans un délai de un à trois mois.
----/3. Le syndrome gyromitrien
Le syndrome gyromitrien, provoqué par Gyromitra esculenta ou fausse morille, est très rare. La gyromitrine, dérivée de la méthylhydrazine, provoque des lésions de nécrose viscérale en particulier hépatique et rénale. La durée de la période d'incubation est de cinq à douze heures. La phase initiale est marquée par des signes digestifs, une asthénie et des céphalées ; l'évolution se fait en général vers la guérison en quelques jours. Certaines formes graves ont été décrites avec un tableau d'hépatite cytolytique et d'insuffisance rénale aiguë. Des cas d'hémolyse chez les sujets porteurs d'un déficit en glucose phosphate déshydrogénase ont été rapportés.
----4/:Trois nouveaux syndromes tardifs ont été récemment rapportés
Une intoxication par Hapalopilus a provoqué une encéphalopathie aiguë réversible avec anomalie électroencéphalographique et une coloration violette des urines. La période d'incubation est de douze heures. Le mécanisme d'action serait une inhibition enzymatique intramitochondriale.
Des observations d'intoxication par Lepiota inversa entraînent un tableau d'érythromélalgie avec érythrose, dème et paresthésies douloureuses des extrémités. La durée d'incubation est de vingt-quatre heures et la durée des signes est de quelques jours à plusieurs mois.
Les intoxications par tricholome équestre surviennent toujours après plusieurs repas consécutifs. Ils provoquent une rhabdomyolyse sévère ayant entraîné le décès de trois patients de la série de douze cas rapportés. Une confirmation expérimentale de l'action myolytique des extraits de champignons a été réalisée chez la souris.
----/1. Le syndrome résinoïdien
Le syndrome résinoïdien est le plus fréquent et responsable de plus de 60 % des intoxications. Il est provoqué par de très nombreuses espèces. Les toxines, parfois non identifiées, sont toujours des substances irritantes de la muqueuse intestinale.
Elles entraînent un syndrome gastro-entéritique apparaissant après une incubation de quinze minutes à six heures. Selon l'intensité et la durée des signes, on distingue les syndromes bénins, caractérisés par des signes modérés régressant spontanément après trois à six heures. Les syndromes modérés peuvent être provoqués en particulier par le tricholome tigré et le clitocybe de l'olivier. La période d'incubation est de une à trois heures et la gastro-entérite d'intensité moyenne a une durée de six à vingt-quatre heures. Elle peut entraîner, chez les enfants ou les personnes âgées, un syndrome de déshydratation nécessitant l'hospitalisation et la réhydratation par voie veineuse.
La forme grave ou syndrome lividien est caractérisée par une période de latence de trois à six heures et par une gastro-entérite intense pouvant poser le diagnostic différentiel avec le syndrome phalloïdien. Ces malades doivent, comme dans les suspicions d'intoxication phalloïdienne, être hospitalisés le plus rapidement possible dans un service de réanimation et ce n'est que devant l'absence de cytolyse d'hépatite nette après la 36e heure que le diagnostic pourra être affirmé.
----/2. Le syndrome sudorien ou muscarien
Le syndrome sudorien ou muscarien est provoqué par de nombreuses espèces, en particulier de clitocybes et inocybes. Il provoque une gastro-entérite associée à des signes parasympathiques dus à l'action toxique de la muscarine qui provoque des effets analogues à l'acétylcholine. Il s'agit de myosis, de bradycardie, d'hypersécrétion des glandes exocrines, d'hypersudation. L'évolution est le plus souvent spontanément favorable, mais dans les formes massives ou chez des enfants des cas mortels ont été rapportés. Outre la réhydratation lorsqu'elle est nécessaire, le traitement des formes graves fait appel à l'atropine en injection sous-cutanée ou intraveineuse.
----/3. Le syndrome coprinien
Le syndrome coprinien provoqué par les coprins noirs d'encre est un syndrome antabuse dont la toxine, la coprine, a un mécanisme d'action différent de celui du disulfirame. Ce syndrome antabuse typique apparaît quelques minutes après l'absorption d'alcool, soit en même temps que les champignons, soit dans les soixante-douze heures suivantes. Les manifestations cliniques à type de malaise, de flash, de nausées, de tachycardie régressent en principe en quelques heures, mais des formes sévères avec hypotension pouvant nécessiter un remplissage vasculaire ont été rapportés.
---/4. Le syndrome paxillien
Le syndrome paxillien, provoqué par l'espèce Paxille enroulé, est rare et ne survient que chez certains sujets qui ont déjà antérieurement consommés cette espèce de champignons classés comme comestibles. Les signes cliniques apparaissent de une à deux heures après le repas et associent des troubles digestifs et des signes graves à type de collapsus cardio-vasculaire, hémolyse intravasculaire aiguë et parfois insuffisance rénale aiguë, secondaire à une hémolyse aiguë intravasculaire et parfois une coagulation intravasculaire disséminée.
----/5. Les syndromes hallucinogènes
Il faut actuellement insister sur le syndrome mycoatropinique et le syndrome psilocybien, provoqués par des champignons dits hallucinogènes, et dont les intoxications sont souvent volontaires chez des sujets jeunes dans le cadre de conduites d'abus.
Les amanites tue-mouches ou panthères sont responsables du syndrome mycoatropinique. Les toxines sont des dérivés isoxazoles, qui agissent sur les récepteurs de la glutamine avec un effet excitateur et les récepteurs du GABA avec un effet dépresseur. Les manifestations cliniques, qui surviennent après un délai de trente minutes à quatre heures, sont dominées par les signes neuropsychiques avec état ébrieux, agitation psychomotrice, délire onirique, illusions sensorielles et rarement des convulsions ; elles persistent pendant une durée de dix à douze heures et sont suivies par une phase d'épuisement de douze à quinze heures.
En France et en Europe occidentale, on constate depuis une dizaine d'années une augmentation de la consommation de champignons hallucinogènes dont l'espèce la plus répandue est le Psilocybe lanceata. La toxine, la psilocybine, qui a fait l'objet d'études cliniques, provoque une psychose artificielle de symptomatologie complexe associant des manifestations de type euphorique, une désinhibition et une subexcitation associée à des hallucinations auditives et visuelles à luminosité intense vécue par le sujet. Des convulsions et des décès ont été rapportés. Les troubles somatognosiques à type d'impression d'altération des formes, de légèreté ou de dislocation d'une partie corporelle sont fréquentes. Il existe des analogies structurales et effet pharmacologique entre la psilocybine et les autres substances hallucinogènes à noyau indole telles que le LSD et l'armaline.
Des récurrences des effets neuropsychiques peuvent survenir dans les mois suivant l'ingestion. Ces intoxications sont de plus en plus fréquentes chez les jeunes au cours des soirées festives.
Le traitement de choix de ces deux syndromes repose sur les benzodiazépines en évitant les neuroleptiques incisifs.
En conclusion, les intoxications par champignons restent fréquentes à la période estivo-automnale et doivent être évoquées devant tout syndrome de gastro-entérite aiguë avec le risque de syndrome phalloïdien et, de plus en plus, devant tout état délirant aigu avec illusions et hallucinations apparaissant chez des sujets jeunes.
Répartition des cas d'intoxication selon le syndrome
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Syndromes majeurs
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- Phalloïdien :2,6
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- Gyromitrien :0,7
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- Cortinarien :0,0
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Syndromes mineurs
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- Résinoïdien :53,3
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- Sudorien :16,1
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- Mycoatropinien :2,2
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- Hallucinogène :1,4
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- Coprinien antabuse :0,9
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