Le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, a annoncé ce matin une évolution très attendue des conditions d'accès au don du sang. L'ajournement du don de sang après la dernière relation sexuelle entre un donneur masculin et un autre homme est désormais de 4 mois au lieu de 12. Cette mesure, qui prendra effet le 1er février 2020, rapproche un peu plus les donneurs homosexuels masculins des conditions d'accès du reste de la population générale.
Cette décision s'appuie sur plusieurs travaux menés par Santé publique France. En premier lieu, ils ont mesuré l'impact sur le risque résiduel de contamination de l'ajournement de 12 mois. Ce dernier avait été introduit par la loi de modernisation de notre système de santé, et est appliqué depuis juillet 2016. Avant cette date, l'exclusion des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) était totale, et ce depuis 1983, en raison des risques de transmission du VIH.
Pas de risque supplémentaire
« L'ouverture du don du sang n'a pas eu d'impact sur le risque résiduel de contamination et n'a pas modifié le nombre de donneurs chez qui on a découvert une séropositivité », résume Florence Lot, responsable de l'unité VIH/sida, hépatites B et C, IST à Santé publique France. Les chercheurs ont comparé 2 périodes de 18 mois, avant et après la mise en place de l'ajournement de 12 mois.
Au cours des 2 périodes étudiées, plus de 8,8 millions de dons ont été réalisés. Le nombre de dons dépistés VIH+ étaient de respectivement 34 (dont 12 HSH) et 30 (dont 13 HSH) avant et après l'ouverture du don aux HSH. Les taux de séropositivité étaient de respectivement 0,08 et 0,07 pour 100 000 dons. Le risque d'infection était donc de 1 infection tous les 4,35 millions de dons avant l'ouverture du don, et de 1 tous les 6,38 millions de dons, un risque jugé très faible.
Les 2 scénarios de SPF
Le 2e travail mené par SPF était une évaluation de l'évolution du risque selon 2 scénarios possibles : ouverture aux hommes n'ayant pas eu de rapports sexuels entre hommes dans les 4 mois avant le don (scénario 1) ou application des mêmes critères qu'aux autres donneurs : un seul partenaire au cours des 4 mois avant le don. Selon leurs simulations, le risque résiduel de contamination serait de 1 pour 6,3 millions de dons selon le scénario 1 (identique à la situation actuelle) et de 1 pour 4,3 millions selon le scénario 2 (risque doublé). Cette dernière donnée justifie le choix d'appliquer le premier scénario, du moins temporairement.
L'ajournement de 4 mois est en effet une première étape avant un possible alignement complet des conditions d'accès des HSH sur celles des autres donneurs. SPF mènera une nouvelle évaluation de 18 mois à partir de février 2020. « Si l'analyse est positive, on demandera aux donneurs, à partir de 2022, de détailler leurs prises de risque individuelles sans demander le sexe du partenaire », prédit François Toujas, président du conseil d'administration de l'EFS.
Pas d'afflux de donneurs
L'ouverture du don du sang aux HSH a, selon Florence Lot, généré 3 000 donneurs supplémentaires par an, et la nouvelle modification à venir devrait amener 700 personnes supplémentaires à donner leur sang. Des chiffres presque symboliques, en comparaison au 1,7 million de donneurs annuels en France. « Le but n'est pas d'augmenter le nombre de donneurs, reconnaît François Toujas, mais d'adapter nos dispositifs aux risques réels. »
La période d'ajournement de 4 mois excède largement la fenêtre silencieuse de 9 jours. En effet, les tests de détection des anticorps et du génome viral sont maintenant très sensibles « Cette période de 4 mois permet cependant d'avoir un peu de recul sur les prises de risques, y compris vis-à-vis d'autre virus », explique François Toujas.