Annoncé à l’occasion de « Mars bleu » qui mobilise autour du cancer colorectal, un essai clinique est en préparation à Gustave Roussy sur le recours aux organoïdes pour l’identification de traitements chez les patients en échec thérapeutique. « Les cancers digestifs n’ont pas vraiment bénéficié des deux révolutions thérapeutiques récentes en oncologie que sont l’immunothérapie et la médecine de précision. Certains patients se retrouvent très vite dans une impasse thérapeutique difficilement acceptable car ils sont souvent encore en état de recevoir d’autres traitements », constate le Dr David Malka, oncologue spécialiste des cancers digestifs.
Des avatars de tumeur aux caractéristiques similaires
« Un organoïde est une copie 3D de la tumeur d’un patient réalisée à partir d’un prélèvement. Cet avatar miniature de cancer reproduit ses particularités : caractéristiques biologiques, résistances aux traitements, reflet de l’histoire thérapeutique des patients…, précise Fanny Jaulin , qui co-dirige, avec le Dr David Malka, l’équipe « Invasion collective » (INSERM U1279), en charge de l’essai Organotreat-01. Bien que les organoïdes soient désormais largement utilisés en recherche fondamentale, aucun essai clinique n’en a encore évalué le bénéfice pour guider le traitement des patients atteints de cancers digestifs ».
À partir d’une biopsie tumorale réalisée chez des patients en dernière ligne de traitement pour un cancer colorectal avancé (du foie, des voies biliaires ou du pancréas), l’équipe de recherche va générer en laboratoire des cultures tridimentionnelles organotypiques. Différents médicaments seront ensuite testés sur ces organoïdes. L’analyse des résultats établira un chimiogramme sur mesure dans un délai de trois à six semaines suivant la biopsie. Il sera alors possible de savoir si le patient est sensible ou résistant aux traitements et de lui administrer la thérapie la plus efficace sur les organoïdes dérivés de sa propre tumeur. « Nous voulons aussi coupler au chimiogramme un séquençage moléculaire tumoral exhaustif afin de comprendre quelles anomalies génétiques sont éventuellement associées à la réponse aux traitements », ajoute la Dr Fanny Jaulin.
Au moins 26 thérapies évaluées chez 50 patients
L’essai Organotreat-01, de phase 1/2, débutera en janvier 2021 et inclura 50 patients en dernière ligne de traitement standard. Soutenu par un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), il permettra de tester 26 médicaments de chimiothérapie conventionnelle ou de thérapie ciblée, homologuées dans les cancers digestifs ou dans d’autres types de tumeurs. Mais l’équipe espère récolter 50 000 euros supplémentaires d’ici le début de l’essai pour passer à 39 composés testés. Cet essai a pour objectif principal d’évaluer la faisabilité de la méthode et pour objectif secondaire de tester l’efficacité de cette stratégie thérapeutique. « Si l’essai s’avère concluant, cette procédure pourrait être étendue à tous les malades pour lesquels on ne dispose plus de traitement standard », espère le Dr David Malka.
Une technique en plein développement
L’équipe du centre de recherche en cancérologie de Marseille (unité 1068 Inserm/CNRS/Institut Paoli Calmette) s’est également intéressée à la création d’organoïdes à partir de cellules tumorales du pancréas. Les chercheurs sont parvenus à reconstituer en deux semaines seulement un mini-organe in vitro à partir de cellules souches (ou légèrement différenciées) prélevées au moment du diagnostic, recréant ainsi les tumeurs de 24 patients. Par cette approche, ils ont pu dépister la suractivation de la protéine MYC (impliquée dans la progression tumorale) et tester deux médicaments anti-MYC en développement. « Nous souhaitons trouver des marqueurs prédictifs de réponse à l’ensemble des médicaments disponibles pour administrer les traitements les plus adaptés aux patients. La technique représente à ce jour le meilleur outil de progression vers la médecine personnalisée dans ce cancer », déclarait il y a quelques mois Juan Iovanna, en charge du projet.
La méthode de création des organoïdes est également à l’étude. En effet, les chercheurs de l’accélérateur de recherche Bioprint à Bordeaux ont dirigé la formation de l’organoïde par bioimpression. Si la technologie est plus onéreuse, l’impression donneraient davantage d’informations et de détails aux mini-organes.
D’après les communiqués de presse de Gustave Roussy (02/03/2020) et de l’Inserm (14/06/2019 et 29/08/2019).