L'année 2020 n'aura pas été celle de la réforme de l'autonomie attendue mais elle en aura posé les fondations. La crise sanitaire a eu raison des promesses d'Édouard Philippe qui, en juin 2019, s'était engagé à présenter une grande loi avant la fin de l'année pour en faire un « marqueur social du quinquennat ».
Il y a pourtant urgence. Selon les projections du ministère de la Santé, la France comptera en 2050 environ 2,2 millions de personnes en perte d'autonomie contre 1,3 aujourd'hui. En 2019, un rapport qui a fait date estimait à 10 milliards d'euros par an les besoins de financement du secteur de la dépendance à partir de 2030. Son auteur, le président du Haut conseil du financement de la protection sociale, Dominique Libault, prescrivait une hausse de 25 % du taux d'encadrement en EHPAD d'ici à 2024 soit 80 000 postes supplémentaires auprès des personnes âgées. Le rapport proposait aussi un plan en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge.
La CNSA aux manettes
À la sortie de la première vague épidémique, particulièrement meurtrière dans les EHPAD, le gouvernement a néanmoins voulu avancer sur le dossier du grand âge.
Le premier acte est posé au cœur de l'été. En juillet 2020, l'Assemblée nationale adopte les projets de loi sur la dette sociale (l'un organique, l'autre ordinaire) qui actent le principe de la création d'une nouvelle branche de la Sécu consacrée à la perte d'autonomie. La question de son financement n'est pas tranchée, alimentant les critiques de l'opposition sur cette coquille vide. Mi-septembre, le rapport ad hoc de Laurent Vachey, inspecteur général des finances, ne lève pas les doutes en proposant de supprimer des « niches fiscales et sociales » et de créer de nouveaux « prélèvements obligatoires ».
C'est donc le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, voté fin novembre, qui consacre la mise en place de la nouvelle branche autonomie. Elle est intégrée au régime général, gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et financée par une fraction de CSG (1,93 point), en plus du produit de la CASA (contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie) de la CSA (contribution solidarité autonomie). Dans l'immédiat, 2,5 milliards d'euros supplémentaires y sont affectés (par rapport aux financements préexistants). Des crédits permettant de financer les revalorisations des personnels en EHPAD issues du Ségur (1,4 milliard) mais aussi la création de places dans le secteur médico-social. La nouvelle branche consacrera en tout 31,6 milliards d'euros au soutien à l'autonomie des personnes âgées ou handicapées l'an prochain.
Autre preuve du volontarisme de l'exécutif, une ministre déléguée auprès d'Olivier Véran, chargée de l'autonomie, a été nommée dès juillet dans le gouvernement de Jean Castex. Brigitte Bourguignon, auparavant présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, aura la lourde tâche de présenter la prochaine loi sur le grand âge et l'autonomie. L'ex-députée du Pas-de-Calais est attendue au tournant par les professionnels du secteur.
Il était prévu à l'automne 2020 un « Laroque de l'autonomie » sur le modèle du Ségur de la santé mais l'épidémie en a voulu autrement. Au gouvernement on promet désormais un texte au premier trimestre 2021. Sauf si le Covid-19 vient s'en mêler. Cette réforme « doit être et sera la grande réforme sociale de ce quinquennat », a tenté de rassurer Olivier Véran en septembre, paraphrasant son ancien premier ministre. Pour 2021 ?