En chirurgie cardiaque, la survie des patients après remplacement valvulaire aortique biologique peut être influencée par la détérioration de la bioprothèse, souvent nommée SVD, acronyme anglo-saxon pour Structural Valve Deterioration. Avec plus de 40 ans de recul d'implantation chirurgicale, la détérioration des bioprothèses est un phénomène bien connu et concerne également les valves mises en place par voie percutanée. Cette technique concerne des patients de plus en plus jeunes.
Un groupe d’experts internationaux a publié un consensus sur une définition standardisée de cette dégénérescence des bioprothèses, en position aortique (1). Cela permet d’améliorer la qualité du suivi des patients et autorise les comparaisons de durabilité entre les prothèses implantées par voie chirurgicale et celles qui ont été mises en place par voie percutanée.
La réintervention en question ?
La grande majorité des études portant sur le remplacement valvulaire aortique chirurgical définit la détérioration structurelle comme la survenue d’une réintervention pour dysfonction structurelle de la bioprothèse. Cependant, cette méthode d’évaluation basée sur ce critère unique de réintervention sous-estime, de façon importante, l’incidence de la détérioration des bioprothèses.
En effet, la réintervention peut être motivée par une autre cause que la détérioration. De plus, certaines détériorations restent asymptomatiques et ne nécessitent pas d’acte chirurgical. Enfin, ce dernier peut être récusé chez certains patients âgés. En effet, les réinterventions en chirurgie cardiaque restent difficiles et sont grevées d’une augmentation significative de la mortalité et de la morbidité périopératoires. L’indication opératoire a ainsi souvent été retardée, en particulier en pathologie valvulaire, ce qui contribue d’autant plus à majorer le risque opératoire. L’ensemble de ces éléments, auxquels il faut ajouter le refus de la réintervention par le patient, conduit à surestimer la durabilité des valves.
C’est pour toutes ces raisons que deux groupes d'experts internationaux ont proposé un consensus sur la définition de la détérioration valvulaire, l’un européen, l’autre outre-Atlantique (2, 3).
Quatre stades de dégénérescence
La définition européenne est fondée sur des critères échographiques exhaustifs, que ce soit pour la sténose ou la fuite valvulaire. Elle permet de préciser la dégénérescence subdivisée en quatre stades, chacun correspondant à une conduite à tenir.
Si le stade 0 est l'absence de détérioration, le stade 1 correspond à la mise en évidence, par échographie ou scanner, d'anomalies des feuillets, sans retentissement hémodynamique. Le stade 2 est celui de la détérioration modérée, avec une sténose ou une fuite. Enfin, le stade 3 se définit par une détérioration sévère. Pour chaque stade, le consensus d'experts propose une conduite à tenir en termes de surveillance et le cas échéant de thérapeutique. Grâce à cette définition standardisée, il devrait être plus facile de comparer la durabilité des bioprothèses entre elles et selon la procédure d’implantation.
Des paramètres hémodynamiques essentiels
Les déterminants de la détérioration tiennent au patient (âge, fonction rénale, immunité, diabète). D’autres dépendent de la prothèse elle-même (tissu valvulaire, traitement par glutaraldéhyde ou anticalcaire). Enfin, les paramètres hémodynamiques sont essentiels : influence de la position de la valve, du modèle, de la taille de la prothèse, du gradient valvulaire, contraintes en pression.
Enfin, qu’il s’agisse d’un remplacement valvulaire chirurgical ou percutané, les bioprothèses sont conçues par les mêmes entreprises, avec les mêmes tissus et les mêmes traitements. Cela permet de penser que la durabilité devrait être comparable quel que soit le mode d’implantation. La nécessité de réaliser des études comparatives fondées sur des critères standardisés apparaît ainsi impérative.
D'après la communication du Dr Thierry Bourguignon (Tours) lors du Printemps de la cardiologie (29-30 octobre 2020)
(1) Dvir D, Bourguignon T, Otto CM, et al. Circulation 2018;137:388-399.
(2) Capodanno D, Petronio AS, Prendergast B, et al. Eur J Cardiothorac Surg 2017;52:408-417.
(3) Salaun E, Mahjoub H, Dahou A, et al. J Am Coll Cardiol 2018;72:241-251.