La pandémie constitue un terreau favorable à la hausse rapide des dérives sectaires, notamment dans le domaine de la santé. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a d'ailleurs constaté dès la fin du premier confinement en 2020 « une recrudescence de propositions trompeuses et dangereuses ». À preuve : au cours de cette même année, elle a enregistré 3 008 signalements dont 38 % concernaient le domaine de la santé et du bien-être.
Chargée d’observer et d’analyser tous les phénomènes de dérives sectaires, la Miviludes cible à ce titre les médecines alternatives qui se développent « à côté du secteur réglementé de la santé » dont les personnes en détresse ou isolées sont les premières victimes. Au premier rang, on retrouve des méthodes thérapeutiques parallèles telles que les régimes alimentaires extrêmes ou le crudivorisme [1] pouvant avoir des conséquences graves sur l’individu et sa santé.
De ce rôle d’observateur découle son activité de coordination, de sensibilisation et de formation des pouvoirs publics et des professionnels de santé confrontés à ce type de dérives. La Miviludes communique ainsi régulièrement avec les ordres professionnels comme celui des médecins et les ARS afin de transmettre ses informations. Elle est par ailleurs active auprès d’instances publiques. Au sein de la Direction générale de la Cohésion sociale, elle participe par exemple aux travaux du Haut conseil de l’âge notamment dans le cadre de la lutte contre l’isolement.
Composition
Au regard des défis auxquels elle doit faire face, la Miviludes semble avoir été délaissée. Entre 2018 et 2020, elle a en effet été privée de président ; le Dr Serge Blisko, ancien président de la Mission entre 2012 et 2018, n’ayant pas été remplacé après son départ à la retraite.
Dans le même temps, la Mission a vu ses effectifs se réduire régulièrement. Fin 2020, elle ne comptait en effet que 8 agents pour assurer ses missions alors qu’il y en avait 15 en 2018. De nouveaux recrutements devraient toutefois « stabiliser les effectifs autour de 10 agents ».
Rattachée au ministère de l’Intérieur et placé sous le contrôle du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation en 2020, la Miviludes connaît une phase de reconstruction. En 2021, Marlène Schiappa, la ministre chargée de la citoyenneté a lancé ce vaste chantier afin de lutter plus efficacement contre les dérives sectaires, prévoyant notamment la mise en place d’un nouveau conseil d’orientation composé d’experts sur ces questions.
Financement
Mais pour l'heure, à la faiblesse de ses effectifs, s’ajoute une diminution de son enveloppe de crédits de fonctionnement. En 2011, elle disposait de 133 640 € pour assumer ses missions. Ces crédits s’élevaient à 85 500 € en 2019. Toutefois, dans le cadre de sa restructuration, la Miviludes se voit doter d’une enveloppe d’un million d’euros sous la forme d’un appel à projets national grâce auquel elle pourra financer les actions favorisant la connaissance des pratiques sectaires et accompagner « les associations et initiatives de terrain ».
Ces moyens sont encore jugés trop faibles par des associations telles que la Ligue des droits de l’homme qui, dans un communiqué, estimait récemment que « les moyens humains et financiers directement affectés à la Miviludes sont très insuffisants pour corriger les sous-effectifs actuels, renforcer ses services et permettre un meilleur fonctionnement ». Et d'appeler le Gouvernement à aller encore plus loin.
Prises de position
Dès 2012, les agents de la Miviludes alertaient sur les dérives sectaires possibles liées à la santé. Dans le guide « Santé et dérives sectaires », le président d’alors, Georges Fenech rappelait que « les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au cœur des pratiques à risque de dérives sectaire ». Les méthodes les plus répandues y étaient mentionnées ainsi que les situations à risque afin d’aider les professionnels de santé à les repérer mais aussi à agir efficacement contre ces dérives. La Miviludes a ensuite noué plusieurs partenariats avec l’ordre des médecins ou l’ARS Île-de-France pour lutter contre les médecines non conventionnelles.
En septembre 2021, Marlène Schiappa a commandé un rapport à la Miviludes sur la pratique des « thérapies de conversion ». Ses auteurs ont reconnu dans ces pratiques des éléments de la dérive sectaire comme la déstabilisation mentale, le discours anti-social ou encore l’embrigadement des enfants. Ils y rappellent également l’obligation de lutter contre, notamment au plan pénal. Certaines des recommandations faites par la Miviludes ont ainsi contribué à toute la réflexion autour de la loi interdisant ces stages déposée au Sénat en octobre 2021. Une manière de rappeler l’expertise et l’importance de la Miviludes dans ce contexte de développement des dérives sectaires.
[1] : pratique alimentaire consistant à se nourrir exclusivement d’aliments crus.