Au creux des vallées picardes, un élan d’innovation saisit la médecine du travail. Pour la première fois en France, un service interentreprises s’essaye à la télé-médecine. Médisis teste depuis six mois deux chariots de télé-consultation conçus par Hopi Medical pour des examens médicaux à l’embauche de salariés affectés à des postes à risque. L’association, basée dans l’Oise, se félicite des premiers résultats.
Cela faisait un an que le directeur général de Médisis, Olivier Hardouin, évoquait la télé-médecine à son équipe de 26 médecins du travail, sans grand succès au départ. Les territoires couverts par l’association dans l’Oise comprennent des communes de 15 000 habitants environ, proches de grands axes routiers et prisées par des entreprises de logistique. Leurs hangars se greffent à l’économie locale, avec leur nombre conséquent de salariés en contrat court et affectés à des postes à risque. Ces contrats ne peuvent être commencés sans un examen médical et un avis d’aptitude.
Un moyen de pallier le désert médical
Dans les centres de Méru et de Crépy-en-Valois, les médecins du travail (1,5 équivalent temps plein pour chaque centre) n’arrivaient plus à répondre aux demandes des salariés et des employeurs. Vint alors le recrutement d’une médecin collaboratrice, le Dr Hadidja Hamadani, qui souhaitait réfléchir à la mise en place de la télé-médecine pour son mémoire. Sa tutrice, le Dr Muriel Legent et la direction de Médisis ont étudié avec elle le sujet depuis mars et choisi le matériel adéquat. Début mai, elles réalisaient les premières télé-consultations avec des intérimaires caristes.
« Plutôt que les cabines où le patient se retrouve seul, nous avons opté pour les chariots Hopi Medical car ils nécessitent la présence d’une infirmière. Cela garde le côté humain et elle peut voir le travailleur marcher et nous signaler toute anomalie », souligne Dr Legent. L’expérimentation a été menée avec deux infirmières volontaires et formées au préalable par la médecin tutrice.
En pratique, l’infirmière installe le patient devant le chariot, où une communication audio-visuelle est établie avec la médecin basée à Beauvais. Elle place ensuite les outils d’auscultation connectés au chariot, afin que le médecin puisse examiner l’employé. Une fois l’examen terminé, l’avis du médecin sort imprimé de la machine, tamponné de la signature électronique du médecin.
L’humain préservé
La télé-consultation redéfinit certains repères du praticien. Des atouts techniques remplacent la palpation : « La précision sonore de l’auscultation cardiaque est d’une qualité exceptionnelle. Nous pouvons analyser l’audiogramme sur grand écran. » Et pour Dr Legent, le rapport avec le salarié n’est pas altéré par l’écran. « Après quelques minutes, on oublie l’écran. L’infirmière nous laisse un moment seul avec le salarié afin d’avoir ce moment d’échange plus confidentiel. » Seul bémol des consultations à écran interposé : la charge mentale due aux deux écrans du médecin.
Même si les premiers essais s’avèrent efficaces, Médisis ne compte pas faire de la télé-médecine une approche totale. « Il n’a jamais été question de suivre un salarié uniquement par télé-médecine, mais de parer à une urgence, de répondre aux obligations légales et d’éviter de faire plus d’une heure de trajet », rappelle Dr Legent.
Olivier Hardouin, directeur général de Médisis, le confirme : « La télé-médecine ne nous fait pas gagner du temps mais nous permet simplement d’effectuer des premières consultations obligatoires qu’on ne pouvait plus faire, faute de médecin. » Il a été agréablement surpris par la réactivité permise par les chariots et aimerait à terme élargir leur utilisation aux salariés suivis de manière classique et en installer directement en entreprise. « Les visites de reprise restent totalement exclues, et nécessitent de voir en personne le médecin », insiste-t-il.
L’achat de chaque chariot a coûté entre 15 000 et 20 000 euros. « Le modèle économique reste à définir, nous pensons collaborer avec des mairies ou des mutuelles », réfléchit Olivier Hardouin. Poursuivant l’expérience et l’adaptation de la télé-médecine, Médisis reste plus que jamais en recherche de médecins.