Le fameux « printemps arabe » n'a chassé la dictature que de la seule Tunisie qui, hélas, ne s'est pas relevée indemne de sa transition démocratique, où le parti dominant est Ennhada, formation islamiste, et où le président incarne le conservatisme. En Russie, i'incroyable défi, lancé par Alexei Navalny à Vladimir Poutine, a abouti, comme on s'y attendait, à son enfermement dans un camp de travail forcé pour plus de deux ans, sous le prétexte qu'il ne s'est pas présenté à un contrôle de policie au moment précis où il était dans le coma dans un hôpital allemand à la suite d'un empoisonnement par le FSB (services secrets russes).
Poutine continue de nier le rôle qu'il a joué dans la tentative d'assassinat contre Navalny. Ceux qui manifestent en faveur du dissident le plus célèbre de la terre sont réprimés sans ménagements. L'effort des Russes acquis à la cause de l'émancipation est à la fois admirable et dérisoire : assis sur une fortune mal acquise, doté de pouvoirs extravagants, exaspéré par la moindre contestation, engagé dans un rapport de forces qui le conduit à humilier l'Occident, le potentat russe n'essaie même plus de feindre l'innocence. Sa défense est un sommet de cynisme : si le FSB avait voulu la peau de Navalny, explique-t-il, il l'aurait eue.
Dans cette affaire, on mesure l'absence de cohésion des Européens. L'Allemagne ne veut pas entrer en conflit, fût-il purement verbal, avec Moscou. Elle préfère que soit achevé le deuxième gazoduc qui transporte le gaz russe jusqu'au territoire allemand. Angela Merkel a fait un choix draconien lorsqu'elle a décidé de fermer ses centrales nucléaires. Elle s'est jetée sur le charbon, ce qui a prolongé le réchauffement climatique en Europe et maintenant elle compte sur un gaz importé qui la rendra dépendante des caprices du Kremlin. Il n'y a rien dans cette configuration commerciale qui puisse rassurer sur les intentions de Poutine à l'égard de Navalny. Des moscovites peuvent bien commémorer l'assassinat du dissident Boris Nemtsov, il y a dix ans, sur un pont, à deux pas du Kremlin, ce n'est pas ce qui va changer le destin des Russes.
L'ordre règne à Hongkong
On ne parle plus de Hongkong, dont la jeunesse a été réprimée avec une violence inouïe et où règne l'ordre du Parti communiste chinois. Le président Xi Jinping aura eu le dernier mot. Loin de céder aux pressions occidentales, il menace maintenant Taïwan. Il continue à installer des bases aéronavales sur des ilots du Pacifique, contrôlant tout le sud-est asiatique, les Philippines et même l'Australie. La transition démocratique aux États-Unis s'est traduite par un durcissement des dictatures russe et chinoise. Il s'agit d'un retour à la guerre froide. Le président Joe Biden aurait préféré remplacer la tension internationale par le dialogue. Il en sera pour ses frais et se voit contraint de tenir un langage ferme à Moscou et à Pékin.
Il ne voit pas non plus que son offre de retour au statu quo ante dans les relations entre les États-Unis et l'Iran soit accueillie favorablement par le gouvernement des ayatollahs. Des élections vont bientôt avoir lieu en Iran, elles annoncent le départ du président actuel, Hassan Rohani, et son remplacement par un « dur ». C'est la volonté du Guide suprême, l'ayatollah Khamenei, de ne céder ni sur l'enrichissement de l'uranium, ni sur les missiles capables un jour de transporter des bombes atomiques. La volonté de puissance et la menace sont souvent la marque des régimes dont le fanatisme ruine l'économie de leur pays.
De la même manière, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, trahit ses engagements avec l'OTAN, martyrise les Kurdes de Syrie, arrête les élus kurdes de Turquie, et place les Arméniens sous la coupe militaire de l'Azerbaidjan. Même Poutine se méfie d'Erdogan, dont il craint l'influence en Syrie et en Libye.
Ce tableau modeste est celui d'une formidable régression du monde, déclenchée en partie par le mandat de Donald Trump aux États-Unis, qui a affaibli les structures de son propre pays et a tourné en ridicule ses institutions. La démocratie parlementaire n'est plus un modèle pour personne, elle est contestée jusque en Europe.