L'assassinat d'une fonctionnaire de police, mère de deux enfants, au commissariat de Rambouillet, a endeuillé les Yvelines pour la troisième fois en rappelant aux Français que leurs efforts pour terrassser le virus ne devaient pas leur faire oublier l'autre danger, qui n'est ni secondaire ni vraiment contenu. Jamel, l'assassin de la fonctionnaire, semble bien avoir agi seul et de son plein gré, au terme d'une radicalisation fulgurante que personne n'a vu venir. Il s'est donc embarqué dans une démarche suicidaire que les dispositions sécuritaires les plus efficaces n'auraient pas empêchée. Il n'est pas difficile de comprendre que des centaines de jeunes gens déprimés ou relevant généralement de la pyschiatrie sont autant de bombes à retardement.
Au-delà du deuil et du chagrin national, est-il encore possible de dire que l'attribution des responsabilités de ces crimes imparables à nos dirigeants ou à la majorité constitue un exercice oiseux ? Depuis 2013, plus de soixantaine d'attentats ont été déjoués en France. D'autres, hélas, ont réussi. Personne n'oserait prétendre que le risque zéro existe. Dans ces conditions, comme pour la pandémie, ce qui compte c'est que le pays fasse front, pas qu'il se divise ni qu'il tombe chaque jour dans la querelle inutile et négative qui sert davantage des intérêts électoraux que l'intérêt bien compris de la nation.
La stratégie de la critique systématique a d'ailleurs ses limites. Si elle influençait une large fraction de l'opinion et durablement, elle se traduirait par des courbes de popularité désastreuses pour l'exécutif, ce qui n'est pas le cas. De toute façon, attaquer le gouvernement quand il est primordial de partager le deuil d'une famille, de désigner clairement l'acte et la monstruosité de l'auteur, cela ressemble à créer un petit chaos intellectuel entre personnes qui savent manier le français là où se produit une catastrophe. Cette attitude n'a aucune force de persuasion, elle renvoie l'opinion à son désespoir, elle fait remonter de minables sentiments du fond d'un océan de violences.
Réfléchir avant de juger
Fallait-il rédiger, sous la pression et dans la hâte, une nouvelle loi alors que nous en avons tant ? Celle qui a été présentée mercredi dernier en conseil des ministres remonte à 2017. Le texte dormait dans les tiroirs, l'occasion était toute trouvée de les en faire sortir et d'apporter aux forces de l'ordre la sécurité dont elles ont tant besoin. Il n'est pas excessif de croire que l'attentat de Rambouillet accentue en France une prise de conscience salutaire. Il s'y déroule en permanence un débat sur les violences policières. Les victimes de la police sont organisées en lobby qui les attaque systématiquement par tous les moyens du droit, au nom d'injustices certes réelles mais qui résultent de désordres auxquels participent des forces nihilistes.
Nous aimons tellement nos policiers que nous les pleurons quand ils périssent sous des coups portés par des lâches. Ils ne constituent pas une corporation-épouvantail, ils accomplissent un travail dangereux et nous avons besoin d'eux. Il est certes logique de s'indigner face aux violences qu'ils commettent, notamment dans un contexte où la nationalité du fléau est plus américaine que française. S'il est bon que le phénomène pro-féministe metoo s'étende au monde entier, il n'est pas sain de calquer, en toute occasion, la conjoncture française sur l'américaine.
Rien n'est simple et il faut que chacun d'entre nous sache distinguer le bon grain de l'ivraie, sache dire par exemple que le verdict sur l'affaire de Viry-Châtillon (deux voitures de police incendiées, deux policiers très grièvement blessés) est indulgent, que la brutalité policière, lorsqu'elle s'exprime, est insupportable, mais que notre police, dans son ensemble n'est ni raciste ni malveillante. Réfléchir avant de juger, n'est-ce pas ?