Est-ce trop tôt ou est-ce un exercice inutile ? En tout cas, on affecte d'ignorer les sondages, lesquels montrent pourtant que la cote de popularité du président sortant, Emmanuel Macron, est supérieure à celle de tous ses prédécesseurs à un an de la date du premier tour. Pour récuser les sondages -et, surtout, ne pas désespérer Billancourt- on dit qu'ils sont prématurés. Le mot est inexact et doit être remplacé par « désespérants ». Tant qu'il n'est pas question des chances de la gauche, de la droite ou du Rassemblement national, le débat serait donc stérile. On répète à l'envi, avec des trémolos qui soulignent le découragement, qu'il est impératif d'empêcher la répétition du second tour de 2007. C'est le chef de l'État lui-même qui, selon « le Monde » du week-end dernier, répond que Marine Le Pen est bel et bien là et qu'il faut faire avec.
Le plus drôle est l'absence de logique. Pour échapper au scénario funeste de la présidentielle, il faut taper sur Macron, manie qui devient pathologique et irrépressible. On a fait un scandale à Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, parce qu'elle a dénoncé publiquement l'existence d'un courant islamo-gauchiste au sein des universités et qu'elle a ordonné une enquête au CNRS pour savoir ce qu'il en était. Yannick Jadot a demandé sa démission, comme si une ministre n'avait pas le droit de dire ce qu'elle pense ; une flopée d'intellectuels et d'universitaires ont sonné le hallali dans une tribune publiée par « le Monde » ; la gauche, l'extrême gauche (il est vrai visée par Mme Vidal) et les Verts se sont jetés sur elle comme des lions affamés, mais heureusement la droite a gardé son calme.
Une lutte contre la violence
Pour une très bonne raison : la connivence de certains enseignants et chercheurs avec les thèses des indigénistes, des racisés et de tous ceux qui continuent à combattre la France au nom des invasions coloniales auxquelles elle s'est livrée, n'est plus à démontrer. Tout le monde a le droit de se voir en victime, y compris ceux qui occupent les meilleurs postes de la République grâce aux enseignements qu'elle leur a prodigués. Curieuse façon de remercier l'universalisme français. Mais nous n'en sommes plus aux conversations de salon, nous sommes passés à l'ère du terrorisme. Il ne s'agit pas de publier des pamphlets mais de lutter contre la violence. Et, comme chacun sait, nous nous battons à la fois à l'intérieur de nos frontières et à l'étranger.
Certes le courant islamo-gauchiste n'est ni développé ni puissant. Mais les idées qu'il véhicule risquent de séduire les jeunes et tous ceux que tentent la révolte ou la révolution. Si M. Jadot n'était pas candidat à la présidence, il n'exigerait pas la démission de Mme Vidal. Il est vrai néanmoins que l'approche des élections, régionales et départementales, puis présidentielles et législatives, radicalise propos et discours. Comme si nous avions besoin de cette loghorrée supplémentaire ! Il est vrai aussi que, face à la tension entretenue par les partis d'opposition, le pouvoir tend à se droitiser, sans doute parce qu'il pense que la France va voter à droite plus qu'à gauche, ce qui ne serait pas nouveau, compte tenu du poids du Rassemblement national depuis quelques années.
Emmanuel Macron voudrait-il récupérer l'électorat du RN ? Le dire de la sorte serait quelque peu facile ou sommaire. En réalité, il se présentera comme celui qui peut garantir le respect des valeurs républicaines et démocratiques. Par nature et parce que son projet lui a réussi en 2017, il marchera sur toutes les plates-bandes, picorera dans tous les rateliers, boira à tous les abreuvoirs. Depuis le début de son mandat, il court comme un dératé pour gérer les crises, il se moque de qui vote ou ne vote pas pour lui. Il va à cette élection nu comme un ver, sans troupes et sur la seule base de ce qu'il aura fait entretemps.