Éditorial

Covid et pauvreté : un double défi

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Publié le 11/06/2021

Macron l'a attrapé ; et avant lui Trump et Johnson. On pourrait en conclure un peu vite que le Covid-19 frappe indistinctement tout ce qui bouge, sans se soucier des catégories sociales. Pourtant, à bien y regarder, c'est un virus qui n’aime pas les pauvres. Il l’a montré dès le début de la pandémie, en s’invitant de préférence en habitat densifié, dans les transports en commun et les logements exigus. Et il l'a confirmé ensuite en frappant plus fort les personnes en situation de précarité, plus sujettes aux facteurs de risque de Covid grave, comme le diabète ou l’obésité ; le taux d’hospitalisation et le risque de décès en étant subséquemment accrus dans les milieux défavorisés. La crise sanitaire a causé d’autres méfaits encore dans les quartiers populaires où les effets pervers des restrictions d'aller et venir ont été si durement ressentis. Violences familiales, déscolarisation, perte d’emploi, addictions, dépressions ont plus touché les publics fragiles… C'est aussi ça la marque dévastatrice du Covid avec des confinements vécus plus douloureusement en HLM que dans les résidences secondaires ! Et c'est pour ne rien dire des dégâts faits par le fléau dans les pays les moins favorisés. Le drame indien s'expliquant autant par la situation épidémiologique du sous-continent que par la faiblesse de ses infrastructures sanitaires.

Dans ce contexte, maintenant qu’il s’agit de mener la bataille de la vaccination, toute la question est de savoir comment atteindre et convaincre les plus éloignés de l’offre de soins de droit commun qui sont aussi les moins réceptifs d’ordinaire aux programmes sanitaires. Cela renvoie à une dimension financière, mais pas seulement. La situation des SDF est, de ce point de vue, emblématique de l’effort à fournir et de l’imagination à déployer. Certaines associations s’y attellent depuis quelques semaines non sans panache, mais le challenge est immense à relever. Car les personnes à la rue ont un rapport à leur corps, à leur santé et à leur emploi du temps qui n’est pas celui du citoyen de base. Et pour cette catégorie de population, il n’y a pas de vaccinodromes qui tiennent. Comme le montre le reportage du « Quotidien » cette semaine, seule la stratégie de « l’aller vers », alliée à une solide persévérance et une bonne dose de pragmatisme pourront lever les résistances et les réticences. Il s’agit à la fois de protéger ces publics exposés et de parvenir, ce faisant, à l’immunité collective derrière laquelle on court toujours. Un double défi, éthique et de santé publique. De ce point de vue aussi, la crise actuelle pourrait être riche d’enseignements pour la suite. Car le SARS-CoV-2 n’est ni la première ni la dernière menace sanitaire à s’attaquer en priorité aux nécessiteux.

Exergue :  Il s’agit à la fois de protéger ces publics exposés et de parvenir à l’immunité collective derrière laquelle on court toujours.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin