La pénurie médicale n’est plus une projection, c’est une réalité vécue chaque jour par les praticiens. Selon la Drees, près de six millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes (2023). Dans certains départements, obtenir un rendez-vous peut prendre plusieurs mois, les services d’urgence restent saturés et les SAMU débordés.
Cette situation est en partie héritée du numerus clausus, longtemps sous-calibré : tombé à environ 3 500 places en 1993, il n’a été relevé que tardivement pour atteindre environ 7 500 en 2020. Entre-temps, des milliers de jeunes Français recalés ont choisi d’aller se former dans l’Union européenne, notamment en Roumanie, Espagne, Belgique ou Bulgarie.
Ces étudiants ont fait preuve de courage et de ténacité : partir loin, étudier parfois dans une autre langue, affronter un environnement académique exigeant. Beaucoup souhaitent revenir exercer en France. Pourtant, leur intégration se heurte encore à de lourdes résistances.
Le paradoxe est frappant : près de 30 % des médecins recrutés dans les hôpitaux publics sont diplômés hors de France, dont une part importante hors Union européenne, souvent avec des contrats précaires. Mais dans le même temps, les étudiants français formés selon les standards européens peinent à voir reconnaître leur parcours.
Il ne s’agit pas d’opposer les étudiants formés en France à ceux qui ont dû partir
Plusieurs institutions freinent ce mouvement. L’Ordre des médecins, fidèle à une posture conservatrice, s’oppose régulièrement aux évolutions qui pourraient modifier les équilibres établis. Les doyens, de leur côté, voient dans les nouvelles modalités de sélection (PASS, LAS, oraux) un moyen de reprendre la main sur les admissions, au prix parfois d’une sélection plus sociale qu’académique. Ces blocages institutionnels retardent des solutions qui, pourtant, répondraient directement aux besoins des patients.
Il ne s’agit pas d’opposer les étudiants formés en France à ceux qui ont dû partir. La demande est telle que l’intégration des seconds ne menace en rien l’avenir professionnel des premiers. Au contraire, elle permettrait de renforcer l’offre médicale et de réduire les inégalités territoriales.
Réintégrer les étudiants français formés en Europe n’est pas une facilité, c’est une nécessité. Face à l’ampleur de la crise, il est temps de dépasser les corporatismes et de privilégier enfin l’intérêt des patients.
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