Les débats actuels à l’Assemblée nationale sur la fin de vie, surtout autour de la mort médicalement provoquée (euthanasie, suicide assisté), appelée dans ce texte « aide active à mourir », interpelle bon nombre de soignants. En tant que les professeurs des universités, chargés d’enseigner la médecine, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de cette loi et l’obligation qui est déjà prévue d’enseigner la façon dont cela sera pratiqué. En effet, une formation à « l’aide à mourir », c’est-à-dire à provoquer la mort, a été ajoutée par amendement dans la loi sur les soins palliatifs, alors même que la proposition de loi relative à la fin de vie n’avait pas été encore examinée par la Commission ! Cela laisse pantois… Est-ce le rôle des professeurs de médecine d’assurer une formation « à l’aide à mourir » alors même que nos jeunes collègues, le jour où ils deviennent docteurs en médecine, prêtent solennellement le serment d’Hippocrate devant leurs pairs, qui affirme : « je ne donnerai jamais la mort délibérément » ?
Donner la mort est-il un soin ? Assurément non. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les soins sont « l’ensemble des services dispensés aux individus ou aux populations pour promouvoir, maintenir, surveiller ou rétablir la santé ». En d’autres termes, soigner c’est promouvoir la vie, et non y mettre fin délibérément.
Nous, professeurs de médecine, devons enseigner le soin et l’accompagnement, qui vont parfois jusqu’à la sédation profonde, comme le prévoit la Loi Léonetti. Cette sédation profonde qui permet de soulager une personne en phase terminale dont la souffrance est réfractaire aux traitements n’a rien à voir avec l’aide à mourir. Elle doit être enseignée afin d’honorer un autre engagement du serment d’Hippocrate qui affirme « je ne prolongerai pas abusivement les agonies ». Elle permet l’accompagnement des patients dans un cadre rigoureux et transparent qui respecte la dignité humaine.
Ce qui se joue ici est aussi le respect de l’objection de conscience ; a-t-elle encore un sens dans notre démocratie ? Peut-on être objecteur de conscience pour un acte et se retrouver malgré tout obliger de former d’autres personnes à le pratiquer ?
Non, donner la mort n’est pas un soin, et l’enseigner ne fait pas partie de notre mission. Nous souhaitons que nos jeunes confrères puissent encore prononcer le Serment d’Hippocrate sans hypocrisie, en toute responsabilité, comme l’ont fait tant de générations de médecins avant nous.
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