C’est un coup dur pour une partie des structures libérales assurant les soins non programmés aux heures de la permanence des soins ambulatoire (PDSA). La nouvelle convention médicale a acté une modification de l’utilisation des majorations F, MN et MM (respectivement 19,06 euros, 35 euros et 40 euros) pour les actes non régulés (hors gardes) pendant les horaires de PDSA*. À compter du 22 décembre, ces majorations ne pourront plus être facturées que pour les consultations adressées par le centre 15 ou en cas d’urgence vitale du patient. En dehors de ces situations, les médecins devront utiliser une nouvelle majoration de 5 euros seulement pour les actes non régulés.
Concrètement, une consultation qui a lieu un dimanche ou un jour férie (cotée F) est facturée 45,56 euros (26,50 + 19,06). Avec la réforme, la même consultation sera facturée 35 euros (30 + 5). Cela représente donc une perte de rémunération de 10,56 euros par acte. Le manque à gagner est encore plus important dans les deux autres situations : 31,50 euros en moins en cas de cotation MM (actes de minuit à 6 h) et 26,50 euros en moins pour une cotation MN (actes de 20 h à minuit et de 6 à 8 h).
Coup d’arrêt aux activités déviantes
Si la volonté de la Cnam est de mettre un coup d’arrêt aux « activités déviantes » des centres de soins non programmés qui fonctionnent aux heures de la permanence des soins, utilisant les majorations généreuses de la PDSA, certaines organisations historiques estiment être des victimes collatérales de cette chasse à l’activité non régulée. C’est le cas des maisons médicales de garde (MMG), où exercent des médecins généralistes inscrits ou non sur une liste de garde.
Travailler le soir, le samedi et le dimanche pour 5 euros de majoration, clairement, on n’aura plus assez de confrères pour remplir le tableau de garde
Dr Mathieu Prix, généraliste à Paris
Le Dr Mathieu Prix est le premier à avoir sonné le tocsin. Pour sauver les cinq MMG de la capitale, le généraliste installé dans le XXe arrondissement a lancé le 3 octobre une pétition qui a récolté près de 60 000 signatures. « Travailler le soir, le samedi et le dimanche pour 5 euros de majoration, clairement, on n’aura plus assez de confrères pour remplir le tableau de garde », relève le praticien, qui a déjà fait ses estimations. Sa MMG accueille 7 500 patients par an, un chiffre sensiblement équivalent à celui des autres maisons de garde parisiennes. À l’arrivée, ce sont donc 37 500 patients qui, potentiellement, pourraient se rabattre sur les urgences hospitalières s’ils trouvaient porte close à leur maison médicale habituelle.
Président de la Fédération des maisons médicales de garde, le Dr Simon Filippi confirme cette crainte qui gagne les MMG, dont « près de 90 % d’entre elles » sont adossées à des hôpitaux avec un accès direct. « Personne ne voudra venir pour 5 euros le dimanche et les jours fériés. Nous avons déjà du mal à trouver des volontaires pour assurer les gardes. Avec cette modification conventionnelle, nous en aurons encore moins. Les médecins qui perdent leurs revenus ne vont pas avoir envie d’y aller. Certains disent déjà qu’ils vont arrêter, au détriment des patients », avertit le généraliste de Gap.
Pour un moratoire conventionnel
Une inquiétude partagée par l’association Médecins de montagne, qui estime que l’activité en hiver ne peut pas être assimilée à celle des centres de soins non programmés. « Les cabinets en station sont labellisés et les ARS le savent ! Nous payons plus cher nos secrétaires le week-end et nous voulons travailler dans de bonnes conditions pour les patients », martèle le Dr Jean-Baptiste Delay, président de l’association.
Selon le généraliste installé à Arâches-la-Frasse (Haute-Savoie), l’application de ces nouvelles règles tarifaires moins avantageuses risque de décourager les quelque 300 médecins de montagne (répartis sur 80 sites), moins enclins à assurer les créneaux du week-end et des jours fériés. « Les patients vont emboliser les services d’urgence des hôpitaux et cela mettra la pression sur nos collègues urgentistes », avertit le Dr Delay. Chaque année, les praticiens de montagne prennent en charge 120 000 à 140 000 accidents pour les huit millions d’usagers des pistes.
Alerté de la situation, le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel, dit comprendre « l’émotion » de ces médecins qui voient arriver à grands pas une « baisse » de leur rémunération. Pour éviter « le chaos » à l’approche des fêtes, le syndicaliste va proposer à la Cnam de mettre en place « un moratoire conventionnel » sur l’application de cette mesure lors de la prochaine commission paritaire nationale du 12 décembre. « Nous devons nous donner six mois pour tout mettre à plat sur tout ce qui relève des soins non programmés aux heures de la PDSA », conclut le généraliste de Mayenne.
* De 20 h à minuit en semaine, de 12 h à minuit les samedis et de 8 h à minuit les dimanches et jours fériés