Le Covid-19 a un impact sur la santé bien plus large que la simple propagation du virus au Royaume-Uni. Selon une étude menée dans la ville de Salford, dans la banlieue de Manchester, le nombre de diagnostics précoces a diminué de façon très significative du fait des baisses de consultations quand l’épidémie a touché le pays.
Réalisée par le Greater Manchester Patient Safety Translational Research Centre (GM PSTRC), l’enquête a comparé les données enregistrées du 1er mars au 31 mai 2020 aux modèles statistiques établis sur une période de 10 ans à partir des consultations de ville.
Santé mentale, diabète, maladies cardiovasculaires
Parmi les résultats, l’étude a révélé que 1 073 premiers diagnostics de problèmes mentaux communs ont été reportés durant cette période contre une moyenne de 2 147, soit une baisse de 50 %. Le dépistage de diabète de type 2 était également en baisse de 49 %. Pour les maladies cardiovasculaires telles que les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les insuffisances cardiaques et les maladies coronariennes, les premiers dépistages ont diminué de 43 %.
Ce constat s’explique de plusieurs façons. La peur d’attraper le virus a découragé certains patients de se rendre en consultation. D’autres ont pu croire que les consultations étaient réservées uniquement aux patients malades du coronavirus. Dans la ville de Salford, considérée comme une zone défavorisée, le manque d’accès aux ordinateurs par la population la plus pauvre, empêchant ainsi les rendez-vous en ligne, a également été avancé.
Pour Richard Williams, auteur principal de cette recherche, la baisse des diagnostics précoces pourrait concerner l’ensemble du pays. « La baisse de traitement pour le cancer se vérifie au Royaume-Uni et celle qui concerne l’infection du myocarde s’observe à l’échelle mondiale », ajoute-t-il.
Mammographies manquées
La désertion du dépistage va retarder la prise en charge des malades qui n’ont pas été identifiés. « Un large nombre de patients ne sont ni diagnostiqués, ni traités alors que le temps passe, poursuit-il. Ces maladies risquent d’être dépistées beaucoup trop tard. »
Selon l’association de lutte contre le cancer du sein Breast Cancer Now, près d’un million de femmes au Royaume-Uni aurait manqué une mammographie à cause de la crise sanitaire. Le nombre de femmes ayant un cancer du sein et qui auraient dû être dépistées lors d’un contrôle de routine s’élèverait à 8 600. NHS Digital, le partenaire du service national de santé (NHS) en charge du traitement des données, observe de son côté une baisse des consultations en face-à-face de 30 % entre les sept premiers jours de mars et les sept derniers jours.
Si cette baisse a été sans doute compensée en partie par une hausse des consultations par téléphone, par vidéos et en ligne, le phénomène est difficile à quantifier, faute d'enregistrement systématisé, notamment dans le cas du recours aux systèmes de triage ou encore des lignes spécifiques au coronavirus.
Une situation qui perdure
Autre inquiétude, cette baisse de dépistage n’est sûrement pas finie, comme le suggère une enquête réalisée de juin à août. « Tout reste bas, indique le chercheur. Au mois d’août, le dépistage de diabète semblait revenir à la normale mais entre mars et août, nous observons une baisse globale de 50 %. » Et alors que la baisse du dépistage de cancer entre mars et mai n’était pas significative d’un point de vue statistique (- 16 %), le nombre a chuté de 40 à 50 % de mai à juillet. Un chiffre d'autant plus surprenant que les Britanniques sont très attachés à la prévention : près de 74 % des femmes de 50 à 70 ans se font dépister pour le cancer du sein en temps habituel au Royaume-Uni d’après l’organisation Cancer Research, quand, en comparaison, le taux stagne à 50 % en France.
Avec la deuxième vague outre-manche, de nouveaux confinements locaux s’organisent. « Il est vraiment important que les gens comprennent que ce n’est pas risqué d’aller voir son médecin et qu’il ne faut pas attendre plusieurs mois avant de consulter », rappelle Richard Williams.