Zona ophtalmique : diagnostic clinique et conduite à tenir

Publié le 17/05/2001
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PRATIQUE

• Le diagnostic est clinique
Il faut savoir l'évoquer devant une éruption cutanée douloureuse, strictement unilatérale, du front, de la tempe, des paupières et/ou de la racine et de l'aile du nez.
Des douleurs aiguës, à type de brûlures superficielles lancinantes, précédent une éruption cutanée érythémateuse, puis papulo-vésiculeuse et croûteuse dans le territoire de la branche ophtalmique du nerf trijumeau (V1).
Des vésicules sur l'aile du nez, associées à une atteinte oculaire, témoignent de l'atteinte de la branche nasale du nerf ophtalmique (signe de Hutchinson).
• Facteurs de risque
- Age supérieur à 50 ans.
- Immunodépression acquise : 10 % des cas (hémopathies, greffe de moelle osseuse, SIDA, lupus, cancer viscéral, radiothérapie, chimiothérapie).
• Ne pas oublier
- La contagiosité du zona est possible mais elle est moins importante que celle de la varicelle.
- Chez le sujet jeune, l'apparition d'un zona ophtalmique doit faire rechercher une infection par le VIH.
- Un avis ophtalmologique est indispensable, car les complications oculaires sont présentes dans 50 à 70 % des cas de zona ophtalmique.
- L'efficacité du traitement antiviral est maximale dans les soixante-douze premières heures et dépend donc de la précocité du diagnostic.
- La corticothérapie par voie générale n'a qu'une seule indication ophtalmologique : la nécrose rétinienne aiguë du sujet séropositif.
- Devant un œil rouge et douloureux, les collyres cortisonés ne doivent pas être prescrits d'emblée.
• Complications oculaires
- Elles sont dues à trois phénomènes plus ou moins intriqués : réplication virale, réaction immunitaire et troubles de la trophicité cornéenne.
- L'œdème palpébral et l'hyperhémie conjonctivale sont fréquents.
- Les atteintes cornéennes :
* les kératites superficielles sont précoces, bénignes et fréquentes (50 %). Il peut s'agir de kératite ponctuée superficielle ou de kératite pseudo-dendritique ;
* les kératites stromales (antérieure ou disciforme) sont plus rares, plus tardives, et parfois associées à une uvéite antérieure ;
* les kératites neurotrophiques, conséquence de l'hypoesthésie cornéenne persistante et d'une sécheresse oculaire, sont responsables d'ulcères cornéens à répétition et de taie cornéenne cicatricielle. L'évolution vers un abcès et/ou une perforation cornéenne peut aboutir à la perte fonctionnelle de l'œil.
- L'uvéite antérieure s'observe dans 35 à 40 % des zonas ophtalmiques. Elle est due à une vascularite du stroma irien et s'accompagne fréquemment d'une hypertonie oculaire.
- Parmi les autres atteintes :
* l'épisclérite et la sclérite sont d'évolution favorable ;
* les cicatrices palpébrales rétractiles (entropion, ectropion, trichiasis) peuvent nécessiter une correction chirurgicale ;
* les paralysies oculomotrices (III, VII), plus fréquentes chez le sujet âgé, sont précoces et spontanément régressives sans séquelles ;
* les atteintes du nerf optique et de la rétine, secondaires à des vascularites, sont rares et constituent des urgences thérapeutiques. Les occlusions de la veine ou de l'artère centrale de la rétine, la neuropathie optique ischémique et la nécrose rétinienne aiguë du sujet VIH+ (avec risque de décollement de rétine ) restent de mauvais pronostic.
• Facteurs de risque des algies postzostériennes
- Complications oculaires.
- Age > 60 ans.
- Immunodépression.
- Douleurs initiales intenses.
- Eruption cutanée prolongée.
- Traitement retardé.
• Traitement antiviral
Efficace et bien toléré, il doit être systématique et précocement institué, au mieux dans les soixante-douze premières heures. L'action médicamenteuse est triple : diminuer les douleurs aiguës et postzostériennes, raccourcir la durée de la phase éruptive et réduire l'incidence des complications oculaires.
1) Traitement général
- Aciclovir (Zovirax) : per os un comprimé à 800 mg cinq fois par vingt-quatre heures pendant sept jours, à débuter dans les quarante-huit heures suivant l'éruption ; en IV chez l'immunodéprimé : 10 mg/kg/8 h.
- Valaciclovir (Zelitrex) : sa meilleure biodisponibilité par voie orale permet de diminuer le nombre de comprimés par vingt-quatre heures, soit deux comprimés à 500 mg trois fois par vingt-quatre heures pendant sept jours.
L'aciclovir et le valaciclovir ont la même efficacité sur l'incidence et la gravité des complications oculaires, avec un avantage pour le valaciclovir sur les douleurs.
- Famciclovir (Oravir) : plus récent, il agit comme une prodrogue du penciclovir.
- Antibiotiques si surinfection.
2) Traitement local
- Aciclovir( pommade) ou Virgan (gel ophtalmique) : cinq fois par vingt-quatre heures pendant sept jours s'il existe une atteinte cornéenne, éventuellement associé à un collyre antibiotique.
- Les corticoides locaux (collyres ou pommade) sont indiqués en cas de kératite immunologique et/ou d'uvéite antérieure.
3) Traitement des algies postzostériennes
Les antalgiques usuels sont souvent insuffisants sur ces douleurs de type neuropathique. Leur traitement peut être long et complexe, associant diversement antidépresseurs tricycliques, anticonvulsivants (carbamazépine, clonazépam), applications topiques (pommade à la lidocaïne), neurostimulations électriques cutanées, acupuncture, prise en charge psychologique.

Réf. : « Œil et Virus », H. Offret, rapport de la SFO (Société française d'ophtalmologie) 2000, éd. Masson.

Dr Anne TIRET Ophtalmologiste, hôpital Saint-Antoine, Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6920