Disparu il y a tout juste cent ans, Emile Zola observa avec un regard clinique la médecine de son temps. Les maladies dont souffrent ses personnages révèlent celles de la société tout entière, et lui permettent d'exorciser ses propres angoisses. Zola est en effet, surtout dans la première moitié de sa vie, un malade imaginaire torturé en permanence par la crainte de la mort.
Le second Empire vu par un « grand malade » bien portant
Sous-titrés « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » et rédigés de 1869 à 1893, les vingt volumes des Rougon-Macquart illustrent la décomposition d'une société malade, à laquelle la guerre de 1870 donnera le coup de grâce. Très symboliquement, Nana, fille de Gervaise et prostituée mondaine, est emportée par la variole le premier jour du conflit.
Dans cette immense fresque où la classe ouvrière s'abrutit par l'alcool pendant que les spéculateurs en Bourse perdent la raison et que les politiciens se noient dans leurs intrigues, le destin prend les traits grimaçants du crime de sang, de la phtisie et de l'apoplexie. L'hérédité et la dégénérescence tiennent la barre de ce navire en perdition, et ce n'est que vers la fin de sa vie que Zola laisse l'espoir illuminer son uvre, au moment où les progrès médicaux annoncent l'aube d'un monde meilleur.
Obèse, myope, s'exprimant avec difficulté et mal à l'aise en public, Zola combat par la plume ses propres inhibitions, souvent extériorisées par ses personnages. Tandis que des jeunes filles éthérées frémissent de leurs premières émotions, des gamines lubriques s'offrent, sur des tas de charbon, à tous les hommes qui passent. Les détracteurs de Zola y voient l'expression de ses fantasmes morbides et sexuels, et le traitent d'obscène et de pervers.
Sujet d'une étude sur la névropathie
Persuadé, à 40 ans, qu'il mourra bientôt d'une maladie de cur, il ne cesse de se tâter et de s'écouter, suscitant la moquerie de ses amis. Il s'invente les maladies les plus abominables et suit des cures pour tenter d'en guérir. Il participe en tant que « sujet » à une étude menée par un psychiatre, le Dr Toulouse, sur les « rapports entre la supériorité intellectuelle et la névropathie », qui constitue, aujourd'hui, une source précieuse sur sa psychologie.
Zola meurt à 62 ans, dans la nuit du 28 au 29 septembre 1902, asphyxié avec son épouse Alexandrine par sa cheminée défectueuse : il fut très probablement victime d'un acte de malveillance, bien qu'aucune enquête n'ait jamais pu déterminer de manière irréfutable s'il s'agissait d'un meurtre ou d'un accident*.
* Dans « Zola assassiné », qui paraît chez Flammarion, Jean Bedel développe la thèse du meurtre à partir des aveux qu'aurait fait le fumiste Henri Buronfosse au pharmacien Pierre Hacquin, lequel n'avait pas voulu que cela fût révélé avant sa mort (en 1970). Buronfosse aurait bouché intentionnellement la cheminée dans un complot commandité par des antidreyfusards. Dans le « Guide Emile Zola » (Ellipses), Alain Pages et Owen Morgan reconstituent l'existence de Buronfosse et s'interrogent sur les raisons de son acte.
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