CLASSIQUE
« Trois Surs », premier opéra du compositeur hongrois Peter Eötvös, a, depuis sa création à l'Opéra de Lyon en 1998, déjà été joué dans neuf théâtres ou festivals et poursuivra sa carrière à Bruxelles et Vienne après cette création très acclamée au Théâtre du Châtelet au cours de sa saison hongroise Magyart (voir « le Quotidien du Médecin » du 29 octobre).
Curieuse impression que celle de voguer entre l'ambiance étouffante et pesante d'ennui de l'univers bourgeois tchekhovien et celui esthétiquement totalement dépouillé du théâtre japonais kabuki ! C'est cependant le parti pris du metteur en scène Ushio Amagatsu et de la décoratrice Natsuyuki Nakanishi, qui situent l'action sur une scène vide seulement meublée par trois panneaux aux dessins pointillistes japonais et trois balances suspendues amputées d'un de leur plateaux. Le miracle est que l'atmosphère est parfaitement rendue : on compatit sans vraiment y adhérer au carcan de cette société provinciale russe du XIXe siècle et aux entraves de ces trois surs que le chant étrange et éthéré de trois contre-ténors (quatre avec leur belle-sur Natacha) grimés en geishas très Shiseido, tressé en une trame sonore très sophistiquée et jamais outrée, maintient à une distance très respectable de toute action vraiment théâtrale. Même distance avec des costumes décalés qui ajoutent beaucoup à l'ironie des acteurs de la société qui les entourent dont les déplacements sont réglés de façon quasi chorégraphique.
C'est en fait dans la magnifique partition uniquement instrumentale de Peter Eötvös, aux sonorités riches et contrastées, qu'il faut chercher les clés du drame et les éléments théâtraux et en cela la très perceptible influence d'Alban Berg ne peut être qu'un atout majeur.
Jouée par un petit orchestre dans la fosse et un grand orchestre au fond de la scène (l'Orchestre philharmonique de Radio-France) respectivement dirigés par Kent Nagano et le compositeur, qui se fondent au point que l'on discerne difficilement l'origine du flux orchestral, elle est d'une formidable veine lyrique, constamment explicite et narrative et donne une véritable structure aux trois parties de l'opéra. Tous les interprètes sont parfaits, principalement les quatre contre-ténors Gary Boyce, Alain Aubin, Bejun Metha et Oleg Riabets, mais aussi le Soliony de la basse russe Denis Sedov et le Docteur Tcheboutykine du ténor britannique Peter Hall.
Un spectacle au timing très étudié dont on ressort enrichi et convaincu que la réussite d'un opéra tient à l'amour des voix que lui porte son compositeur.
Châtelet (01.40.28.28.40). Site Internet : www.chatelet-theatre.com. Prochain spectacle lyrique : « L'Amour de loin », de Kaija Saariano (création française) du 26 novembre au 2 décembre.
La revue « L'Avant-Scène Opéra » vient de consacrer son numéro n° 204 aux « Trois Surs », publiant livret, analyses, commentaires musicaux et littéraires, iconographie, véritable mine de renseignement sur cette uvre qui a été enregistrée en public à sa création et publiée en 2 CD par Deutsche Grammophon/Universal.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature