LE QUOTIDIEN – La FEHAP se réunit en congrès sur la question « Investir le territoire ». Pourquoi avoir choisi ce thème ?
YVES-JEAN DUPUIS – Pour deux raisons. D’abord parce que nous avons depuis trois ans une réflexion sur les projets stratégiques régionaux. Nous avons demandé à un organisme – la Nouvelle fabrique des territoires – de travailler avec nous sur l’évolution démographique des territoires. La seconde raison tient à l’actualité : la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires, NDLR] introduit une approche territorialisée de l’offre sanitaire et médico-sociale. Il nous faut dans ce cadre réfléchir à la position de nos établissements.
La création des communautés hospitalières de territoire (CHT) pose-t-elle des problèmes particuliers aux ESPIC (établissements de santé privés d’intérêt collectif) ?
Juridiquement, nous ne pouvons pas y adhérer. Par contre, nous avons réussi à faire inscrire dans la loi un « droit d’association » qui permet à nos établissements de raccrocher une CHT. Pour le reste, en matière de coopération avec l’hôpital public, nous n’avons qu’une solution : le groupement de coopération. Mais au-delà du modèle, l’ensemble de la réflexion nous intéresse. Il s’agit de déterminer le type de complémentarité que nous pouvons mettre en œuvre avec d’autres établissements. Nous ne sommes pas – même si, localement, cela peut se produire, dans de grandes agglomérations, par exemple – dans une position de concurrence faciale.
Les hôpitaux publics ont du mal à recruter des médecins, les jeunes libéraux rechignent à s’installer, quelle est la situation dans vos établissements adhérents ?
Nous avons les mêmes difficultés que l’hôpital public. Avec une grande hétérogénéité des situations (parfois fonctions des zones géographiques, parfois fonctions des spécialités médicales). Les résultats d’une étude menée sur ce sujet sont présentés aujourd’hui à notre congrès [voir encadré]. Ils nous donnent un début de réponse quant aux problèmes qui se posent à nos structures qui se retrouvent à devoir s’adapter à la fois aux besoins de la population et à la présence ou non de personnels médicaux – qui conditionne celle des professionnels paramédicaux qui « suivent » le médecin prescripteurs.
Enquêter sur ce point vous donne-t-il des solutions pour pallier les trous de la démographie médicale ?
La Fédération n’a pas pour objectif d’imposer des actions à ses adhérents. Il s’agit d’ouvrir des pistes. Les cartes nous montrent ainsi que des complémentarités peuvent se mettre en place entre adhérents voisins. Dans le Nord, par exemple, nous avons plusieurs établissements importants – la Catho de Lille, le groupe Opale, l’AHNAC – qui se sont aperçus que la population des malades chroniques était mal couverte ; ils ont mis en place un réseau spécifique de prise en charge, y compris avec la médecine de ville. Nous sommes là en zone urbaine ou péri-urbaine mais le même type de réflexion peut être mené ailleurs. En Pays-de-la-Loire, nous avons des établissements qui ont été créés il y a une cinquantaine d’années pour satisfaire un besoin qui, depuis, s’est déplacé. Peut-être pourrait-on déplacer ces activités ? Il faut l’envisager entre nous et avec d’autres acteurs.
Comment s’est déroulé l’exercice budgétaire 2010 dans les ESPIC – au printemps, vous estimiez être les « grands perdants » de la campagne ?
Sur les neuf premiers mois de l’année, les statistiques nous montrent que nous sommes effectivement perdants de 1,5 % en moyenne – à l’échelle de chaque établissement, c’est très contrasté : certains sont à l’équilibre ou même légèrement excédentaires, d’autres sont dans le rouge.
Les grandes lignes du PLFSS vous donnent une idée de ce que sera l’exercice 2011. Ce sera mieux ?
Non puisque le taux de l’ONDAM [Objectif national des dépenses d’assurance-maladie] est inférieur à ce qu’il était pour l’année en cours et puisque la politique de convergence tarifaire ciblée va se poursuivre – sans d’ailleurs qu’on ait évalué les conséquences de la convergence 2010 ni qu’on se soit posé de questions sur cette course un peu hasardeuse. Mais avec une T2A (tarification à l’activité) qui étrangle certains établissements, le seul moyen de s’en sortir, c’est ce que j’appelle « la fuite en avant » : une augmentation de l’activité. Pour augmenter la productivité, quand une population se présente, on la prend en charge : on engrange de l’activité. Mais en faisant cela, on demande de plus en plus au personnel et on arrive à la limite de la rupture.
La réforme du 5e risque se profile. Qu’en attendez-vous ?
Cela nous inquiète. Notre position est la suivante : si on n’a pas les moyens financiers de mener cette réforme du 5e risque – et il nous semble que l’on est plutôt actuellement dans une logique de réduction drastique des crédits –, essayons de stabiliser ce qui existe, améliorons l’APA [allocation personnalisée d’autonomie], qui est aujourd’hui en difficulté. Nous sommes donc plutôt frileux. Nous attendons le texte. La FEHAP a critiqué les préconisations du rapport parlementaire de Valérie Rosso-Debord. Pour nous, le reste à charge des résidents doit être le plus faible possible. Nous ne pourrons que combattre tout ce qui serait de nature à l’accroître.
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