LES AGENCES régionales de santé (ARS) seront-elles «la plus grande réforme administrative depuis vingt-cinq ans» ? Dans nos colonnes, le 15 février, la ministre de la Santé l'a affirmé haut et fort. Yves Bur, qui a présidé les travaux de la mission d'information ARS à l'Assemblée nationale (voir notre édition du 7 février), se montre quant à lui plus circonspect. «Attendons de voir», a déclaré prudemment le député UMP du Bas-Rhin lors d'une rencontre Lipp, organisée par le mensuel « Décision Santé » en partenariat avec « le Quotidien ». A priori, Yves Bur ne voit pas dans les ARS «le remède miracle» aux maux du système de santé français et, en l'occurrence, il «ne croit pas au grand soir».
Les ARS feront l'objet d'un chapitre dans le futur projet de loi sur l'accès aux soins, que le Parlement pourrait examiner à l'automne, selon le président Sarkozy. Reste à savoir quels seront exactement leurs contours et leurs prérogatives. Le rapport de la mission d'information rédigé sous la houlette d'Yves Bur préconise des ARS dotées d'un «périmètre large», incluant médecine de ville, hospitalisation, médico-social et prévention. L'autre rapport sur les ARS – que le préfet honoraire Philippe Ritter a remis fin janvier à la ministre Roselyne Bachelot –, est, de ce point de vue, sur la même longueur d'onde.
«Le rapport Ritter, commente Yves Bur, est très précis dans l'organisation –c'est normal, compte tenu de son expérience de préfet. Mais il n'a pas consacré une seule page à la gestion du risque! (...) Je me méfie d'un système administré. On ne peut pas considérer que l'administration de la santé soit la réponse absolue.»
Pour le député du Bas-Rhin, la «question centrale» du débat est celle-ci : «Comment, au niveau régional, on va organiser l'assurance-maladie et l'ARS?»
La mission d'information ARS de l'Assemblée nationale n'a finalement pas tranché dans son rapport entre deux scénarii bien distincts : l'un intègre la régulation des dépenses de santé au champ de compétences des ARS, et l'autre laisse ces nouvelles agences organiser seulement l'offre de soins (la régulation des dépenses étant confiée à une direction régionale de l'assurance-maladie externe à l'ARS).
En revanche, le rapporteur Yves Bur préfère nettement pour sa part la seconde voie.
Assurer l'harmonisation nationale.
A cet égard, il a fait valoir plusieurs arguments face aux acteurs du monde de la santé réunis à l'occasion des Rencontres Lipp. Tout d'abord, donner trop de pouvoirs aux ARS peut rendre plus difficile l'harmonisation des politiques au niveau national, d'autant que la ministre Roselyne Bachelot a exclu l'idée d'une agence nationale de santé (ANS) pour coordonner l'ensemble des ARS. Or, rappelle Yves Bur, «il faut un pilotage national très cohérent. Dès lors qu'on ne met pas en place d'ANS, il faut se poser la question du pilotage national».
Le député UMP est partisan d'une «mise sous tension (du système) plus active», laquelle résulterait justement de la séparation entre le régulateur du système effectuant les remboursements, et l'organisateur de l'offre de soins, chargé de la planification de cette offre et de la gestion du secteur public hospitalier.
Il y a par ailleurs, selon Yves Bur, «un antagonisme entre la culture administrative et l'assurance-maladie et l'on ne peut marier deux cultures uniquement par décret». Comment l'assurance-maladie et l'administration travailleront ensemble ? «A ce niveau, nous en sommes à une approche très floue, chacun essayant de garder son pré carré», a répondu Yves Bur.
Le « défi redoutable » des déficits.
Le régime général de l'assurance-maladie devra en tout cas «se réformer encore profondément sur le plan territorial», estime l'élu alsacien (au moyen de restructurations, comme celles opérées déjà par la Mutualité sociale agricole et le Régime social des indépendants).
Quoi qu'il en soit,a-t-il ajouté, «il faudraque l'assurance-maladie soit responsabilisée vis-à-vis du Parlement» par rapport au respect de l'ONDAM (Objectif national de dépenses). Faut-il des objectifs régionaux ou ORDAM affectés aux ARS ? Yves Bur envisage la mise en place d' «objectifs régionaux de dépenses au moins virtuels, indicatifs». S'ils devenaient «contraignants», il faudrait «donner (aux régions) les moyens de les respecter». Aux yeux d'Yves Bur, l'évaluation des ARS devra «être précise sur des objectifs clairs», sachant que les bons éléments devront «être encouragés, récompensés».
Enfin, «l'organisation des ARS ne doit pas donner l'occasion de lâcher la bride» en matière de réduction des déficits. «On devrait s'approcher de l'équilibre en 2010 et arriver à l'équilibre en 2012», souligne-t-il. C'est un «défi redoutable», même s'il considère aussi qu'il existe «encore un large potentiel d'optimisation des dépenses» en médecine de ville comme à l'hôpital.
Un député en butte aux corporatismes
A peine la mission d'information ARS a-t-elle rendu son rapport début février que le député UMP du Bas-Rhin s'est vu confier une nouvelle mission sur les fameuses « niches sociales » qui échappent aux cotisations et donc au financement de la Sécurité sociale. Parmi ces « niches », qui représentent une perte d'assiette pour la Sécurité sociale estimée à 41 milliards d'euros, on trouve notamment : la participation, l'intéressement des salariés, les plans d'épargne d'entreprise, les stock-options (avant leur taxation dans le PLFSS 2008), les titres restaurant, les chèques vacances, les avantages des comités d'entreprise, la prévoyance complémentaire et les retraites supplémentaires, les indemnités de licenciement... «Il faudra trouver des recettes supplémentaires, relève Yves Bur. Mais, dans chaque niche, il y a un chien qui garde le nonos!», a ironisé le rapporteur du budget de la Sécu pour les équilibres financiers.
De même, le député UMP du Bas-Rhin déplore que le PLFSS soit «devenu l'expression de tous les corporatismes» et aboutisse ainsi à un «mélange de l'intérêt général avec les intérêts particuliers».
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