L’EXCEPTIONNELLE virulence de Yersinia pestis vient peut-être de révéler son secret à l’équipe d’Elisabeth Carniel (Institut Pasteur, Paris) : une infection voici quelques milliers d’années par un bactériophage. Cette découverte a été rendue possible grâce aux travaux antérieurs réalisés par les mêmes chercheurs. En 2004, ils publiaient une comparaison des génomes de Y.pestis et de son ancêtre Y.pseudotuberculosis, peu pathogène. C’est ainsi que plusieurs régions spécifiques de l’agent de la peste ont été reconnues.
La seconde étape, celle qui vient d’être publiée dans « Molecular Microbiology », a porté sur l’étude de ces régions. C’est ainsi qu’a été découvert un secteur codant pour un virus filamenteux ou phage. Puisque ce type de bactériophage est connu pour être responsable de la virulence d’autres bactéries, par exemple le bacille cholérique, l’équipe a accordé toute son attention à ce virus filamenteux, Ypf phi ( Y.pestis filamentous phage).
Voici plus de 7 500 ans.
Tout d’abord, la production de longs filaments phagiques par le bacille pesteux a été observée en microscopie électronique. Ils sont capables d’infecter d’autres bactéries qui en sont indemnes. En second lieu, l’équipe a pu dater l’époque à laquelle Y.pestis a été infectée par le phage : voici plus de 7 500 ans. La persistance de cet élément mobile dans son génome a conféré à la bactérie des avantages sélectifs.
Des expériences ont été menées sur des puces. La présence de Ypf phi ne joue pas de rôle dans la transmission du bacille. A l’inverse, l’absence du phage fait perdre à Y.pestis une partie de sa virulence.
Cette découverte, plutôt que de répondre clairement aux questions, apporte de nouvelles interrogations sur lesquelles l’équipe devra se pencher. Comment l’infection par ce phage a-t-elle majoré la pathogénicité du bacille pesteux ? Puisque ce phage peut être sécrété par son hôte et infecter d’autres bactéries, il a le potentiel d’être transféré horizontalement ; cette aptitude peut-elle conduire à l’émergence de nouveaux pathogènes ?
La réponse à ces questions devrait permettre de mieux comprendre la pathogénicité de Y.pestis et, peut-être, la mise au point de nouvelles voies thérapeutiques vis-à-vis d’une infection en réémergence.
Anne Derbise et coll. « Molecular Microbiology », février 2007.
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