EN ADRESSANT cette semaine un courrier d’explication et de clarification à l’ensemble des syndicats (représentatifs ou non) , le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, s’efforce de mettre un terme à la vive querelle sur «la représentativité et le droit d’opposition». La polémique dure depuis plusieurs semaines, divise le monde médical, attise le malaise de la profession et ralentit le train conventionnel.
Premier message du ministre : la justification, au nom d’une «logique forte», de l’amendement du sénateur UMP Alain Vasselle qui prive les syndicats non déclarés représentatifs de l’exercice du droit d’opposition majoritaire aux décisions conventionnelles. Une mesure qui interdit de facto l’exercice de ce droit dans la configuration actuelle. «La négociation conventionnelle ne peut être menée que par des organisations représentatives, l’opposition à un accord ne peut être le fait que d’organisations également représentatives», tranche Xavier Bertrand. Même si la loi du 13 août 2004, modifiée en la circonstance, ne disait pas cela, puisqu’elle autorisait tous les syndicats médicaux (représentatifs ou pas) à faire jouer le droit d’opposition dès lors qu’ils avaient recueilli la majorité absolue des exprimés. Ce qui – quoi qu’on en pense – était le cas pour le « front » des quatre opposants (MG-France, FMF, Espace Généraliste et l’Uccmsf) autoproclamé «intersyndicale majoritaire». Le ministre se réfère plutôt à la loi de 4 mai 2004 relative au dialogue social. «Dans ce cadre, en effet, seuls les syndicats représentatifs peuvent s’opposer.»
Légitimité démocratique.
Le litige sur le droit d’opposition étant ainsi tranché, Xavier Bertrand estime que «la question de fond» est désormais celle de la représentativité syndicale.
Dans sa lettre, le ministre précise les nouvelles règles du jeu. Premier élément : oui, les résultats aux élections professionnelles (Urml) seront désormais un critère sérieux pour définir la représentativité. C’est même un «indice important» dont il faudra tenir compte , ainsi que le reconnaît un article du Plfss adopté in extremis. Mais l’audience électorale ne saurait être le «seul» critère. Et Xavier Bertrand de citer la présence syndicale sur une «partie significative» du territoire (certaines organisations ont une implantation en « peau de léopard ») ; des effectifs cotisants suffisants «qui attestent l’existence d’une organisation structurée, apte notamment à mettre en oeuvre localement les engagements conventionnels»; ou encore une ancienneté minimale, «gage de cohérence et de continuité de l’action syndicale dans le temps» (Espace Généraliste s’est imposé en moins d’un an et a réalisé des scores flatteurs dans les dix régions où il présentait des candidats). Quels syndicats seraient représentatifs à l’aune de ces indicateurs ? La FMF-Généraliste, assurément, dans le collège concerné. Espace Généraliste aurait sa chance, mais plus difficilement. L’actuel syndicat signataire Alliance risquerait fort, en revanche, de perdre sa représentativité.
Au-delà des plans sur la comète syndicale, le message du ministre est clair : aux opposants qui estiment avoir gagné dans les urnes une «légitimité démocratique» majoritaire et une représentativité justifiant la renégociation immédiate de la convention, Xavier Bertrand adresse en réalité une fin de non-recevoir. Ce n’est pas parce qu’un mécontentement s’est exprimé en 2006, fût-il spectaculaire (60 % des suffrages généralistes pour les opposants), qu’une convention négociée et signée au début de 2005 doit mécaniquement être remise en cause. Ce qui rejoint l’analyse défendue par la Csmf et le SML, principaux signataires, selon laquelle les élections (régionales) aux Urml n’étaient pas juridiquement un «référendum» pour ou contre la convention. Même si les sondages montrent que la thématique conventionnelle a pesé lourd dans les résultats électoraux.
Conforter les conventions.
Pour le ministre, le calendrier idéal des enquêtes de représentativité découle de cette analyse. Faut-il déclencher systématiquement une enquête dans la foulée des élections aux Urml (cela n’avait pas été le cas en 2000) ? «Non», répond Xavier Bertrand, car ce serait redistribuer les cartes syndicales au gré de chaque élection, parfois des surenchères, et risquer de fragiliser le système conventionnel en donnant une prime aux contestataires. Les enquêtes de représentativité, précise-t-il, «doivent avoir lieu au moment où va se négocier la convention, c’est-à-dire au moment de son échéance et à nul autre moment». En revanche, concède Xavier Bertrand, le droit devra garantir qu’il y ait «régulièrement» des enquêtes de représentativité, ce qui ne va plus de soi. Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005, toute nouvelle convention « écrase » en effet la précédente, réputée caduque, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une enquête de représentativité. Les échéances des enquêtes risquent donc d’être systématiquement repoussées. Xavier Bertrand pense qu’ «il y a là matière à évolution du droit». Sur tous ces sujets, le ministre souhaite recueillir l’avis des syndicats et leurs suggestions . Fer de lance des opposants, MG-France ne décèle «aucune avancée». «Vingt-neuf mille médecins libéraux ont voté pour que ça change, martèle le président Pierre Costes. En excluant toute ouverture immédiate, en fermant la porte à une renégociation avec tous les syndicats, Xavier Bertrand casse l’espoir de la majorité des médecins et prend le risque d’un conflit à six mois de l’élection présidentielle.»
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