SECOUÉ CES DERNIERS MOIS par le tourbillon de mauvaises nouvelles dans le domaine de la santé publique (grippe aviaire, épidémie du chikungunya), Xavier Bertrand veut croire à une éclaircie sur le front des comptes de la Sécu, un autre dossier à risques dont il a la charge.
De fait, par rapport aux dernières prévisions de septembre, les résultats (définitifs cette fois) pour l’année 2005 incitent le ministre de la Santé à l’optimisme. Le déficit du régime général a atteint 11,6 milliards d’euros l’année dernière, soit 300 millions de moins que les estimations de la commission des comptes à l’automne. Même si ce léger mieux, si l’on peut dire, s’explique principalement par la diminution du déficit de la branche maladie (8 milliards d’euros contre 8,3 attendus), grâce au rendement accéléré des droits tabac, donc de «meilleures recettes», confirme le ministre de la Santé. Pour autant, a-t-il martelé, le déficit 2005 de l’assurance-maladie aurait atteint... 16 milliards d’euros «sans la réforme » . Le fait que l’impasse financière ait été diminuée de moitié est la preuve que « la réforme est en marche et [qu’] elle marche ». «Il y a une vie après la loi. La réalité, c’est que les engagements sont tenus, que les résultats se confirment mois après mois»,a expliqué Xavier Bertrand, avant d’égrener les principaux indicateurs de la réforme (voir ci-dessous).
Un Ondam respecté.
Pour la première fois depuis 1997, l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) voté par les parlementaires, fixé à 3,8 % en 2005, a été respecté. Le ministre estime que «tous les acteurs ont joué le jeu, patients, médecins, industrie du médicament et assurance-maladie». Pour 2006, Xavier Bertrand affiche «face aux Cassandre» la même sérénité. «Les chiffres des derniers mois rendent crédibles notre objectif de ramener le déficit de la branche maladie à 6,1milliards d’euros». Mais un tel résultat signifierait une baisse de 25 % du passif de la branche en 2006, ce qui, dans un contexte de croissance faible, suppose une diminution drastique des dépenses. C’est tout le sens de l’Ondam 2006 extrêmement rigoureux voté par les parlementaires (+ 2,5 %) que nombre d’experts jugent intenable. Xavier Bertrand veut croire qu’il s’est donné les moyens de tenir son cap .
Le gouvernement craint-il le déclenchement du comité d’alerte sur les dépenses en cas de risque de dérapage ? «Nous sommes vigilants, mais l’année 2005 montre que nous sommes capables de tenir les engagements.»
Xavier Bertrand refuse pour autant d’endosser le costume de père Fouettard des comptes sociaux. «Nous ne luttons pas contre le déficit pour le plaisir...» Il insiste sur la prise en charge de traitements innovants coûteux «pour 1 milliard d’euros par an», sur le remboursement de «nouveaux actes de prévention» (bucco-dentaire, ostéoporose), sur la volonté du gouvernement de mieux rémunérer les professionnels qui s’installent dans les zones sous-médicalisées ou de financer des places supplémentaires dans les établissements médico-sociaux. Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, résume cette politique d’une formule : «Les Français font des efforts, mais ils commencent à être payés de retour.»
Les indicateurs à la loupe
•Médecin traitant
Plus de 38 millions de formulaires (tous régimes) ont été envoyés aux caisses primaires à la fin du mois de février ; 99,6 % des médecins généralistes sont entrés dans le dispositif (pour un patient au moins).
•Complémentaire
Fin février, 470 000 attestations ouvrant droit à l’aide à la complémentaire santé ont été délivrées par l’assurance-maladie même si le ministère ne sait pas combien d’assurés ont effectivement bénéficié de cette aide. Deux millions de personnes sont potentiellement concernées.
•IJ
Après des pics d’augmentation (+ 10,9 % en 2002, + 6,7 % en 2003), l’évolution des dépenses d’IJ est négative depuis deux ans : – 1 % en 2004 et – 1,8 % en 2005. Le retournement de tendance a commencé avant la réforme, mais le ministère estime que la politique de contrôles accrus des arrêts de travail (750 000 en 2005 contre 600 000 en 2004) « a permis d’aller plus loin » . Résultat : 15 % des arrêts étaient médicalement injustifiés.
•Lutte contre les abus
Plus de 4 100 contrôles de « gros consommants » (consommation médicamenteuse au moins cinq fois supérieure à la moyenne) ont été réalisés en 2005.
•Génériques
Les économies liées aux génériques ont atteint 590 millions d’euros en 2005. Le taux de pénétration du générique dans le répertoire était de 61 % fin 2005.
•Qualité
Xavier Bertrand promet la publication des décrets FMC « avant la fin du mois » . Sur l’EPP (évaluation des pratiques professionnelles), il confirme l’objectif : 200 000 médecins évalués sur cinq ans.
Il annonce pour 2006 neuf référentiels sur les ALD élaborés par la Haute Autorité. A l’hôpital, après l’accord sur le bon usage des antibiotiques (janvier 2006), deux autres contrats sont en préparation sur les statines et les génériques.
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