DE NOTRE ENVOYE SPECIAL
DEVANT LES MEDECINS libéraux réunis à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes) pour les premières Tribunes libérales organisées par la Fédération des médecins de France (FMF), Xavier Bertrand s'est livré à son exercice favori : le « déminage » public de dossiers délicats.
Après avoir sillonné 53 départements pour expliquer la réforme aux professionnels et aux usagers, le secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, qui a acquis au fil de ses déplacements une réputation de contradicteur habile, avait une tâche ardue. Gardes, médecin traitant, dossier médical, Ccam, « carcan » conventionnel, secteur II : rarement les sujets de préoccupation des libéraux n'ont été aussi nombreux, dans un contexte de mutation annoncée de l'exercice.
Face à la FMF, Xavier Bertrand a choisi le registre de la confiance mutuelle. « Vous avez craint, il y a huit mois, que la réforme se fasse contre vous. Elle se fait avec les professionnels et vous n'aurez pas de mauvaises surprises », a-t-il promis avant de marquer sa différence avec ceux « à gauche de l'hémicycle » qui parlent de « capitation » ou de « remise en cause de la liberté d'installation ».
Les « soins répétitifs » à l'étude.
Appelant les médecins à être « les acteurs privilégiés de la maîtrise médicalisée », le technicien de la réforme s'est efforcé de « lever les ambiguïtés » sur tous les sujets. Le dossier médical personnel (DMP) ? « Il sera sûr, simple et souple », « jamais un instrument de contrôle des médecins » et présentera « toutes les garanties » d'éthique et de sécurité. Le médecin traitant ? Il n'est « en aucun cas une filière administrative ou un ticket vers la médecine spécialisée ». Des spécialistes libéraux qui « ne seront pas marginalisés » puisque l'accès direct est « maintenu » (dans la plupart des cas, le patient sera moins bien remboursé). D'autant, ajoute-t-il, que le spécialiste « cardiologue, diabétologue... » pourra être médecin traitant pour les patients qui le souhaitent et qu'une réflexion est engagée (dans le cadre conventionnel) sur les « soins répétitifs », permettant au patient de ne pas repasser par le médecin traitant.
La permanence des soins, dossier sur lequel la FMF est en pointe depuis deux ans, souvent sous l'impulsion de médecins issus des coordinations qui développent des projets originaux, méritait une attention particulière. Xavier Bertrand accepte le principe du « sur-mesure » dans un cadre général, une des revendications fortes des généralistes de la FMF. Le nouveau projet de décret en préparation (voir ci-contre) devrait ainsi permettre une organisation des gardes plus souple et modulable (en matière d'horaires notamment), selon les particularités et besoins locaux, sur la base de cahiers des charges départementaux précis. Quant aux réquisitions, une épée de Damoclès qui pèse surtout sur les médecins ruraux, Xavier Bertrand a expliqué qu'elles constituaient « un constat d'échec ». Si l'Etat ne se privera pas de ce levier ultime pour assurer l'accès aux soins, il s'agit de trouver un système qui permette de « mettre un terme » aux réquisitions.
Assurances sur la Ccam.
Il s'est montré également déterminé sur le calendrier de mise en place de la nouvelle Ccam technique (classification commune des actes médicaux). « Ce sera au 1er mars 2005 ! » a-t-il certifié, alors que la date de mise en place a déjà été successivement annoncée pour juillet, octobre et décembre 2004. Le dispositif sera « évolutif ». Surtout, Xavier Bertrand ne veut pas « remettre en cause brutalement les revenus des spécialistes ». C'est la raison pour laquelle l'impact de la nouvelle Ccam sur les pratiques individuelles sera examiné dans les mois qui viennent. Un « accompagnement » (financier) sera prévu pour « lisser » le dispositif. Il n'est pas question, promet encore le secrétaire d'Etat, que « certaines spécialités soient laissées sur le bord du chemin », ce qui impose des « corrections » et des « compensations », si nécessaire. Enfin, s'il ne veut pas s'immiscer dans les négociations conventionnelles, il est « persuadé » que la convention permettra une « forme de revalorisation d'un certain nombre de pratiques », en attendant que des marges de manœuvre financières plus importantes soient dégagées par la maîtrise médicalisée. Il est pour lui « hors de question de supprimer ou d'étrangler » le secteur à honoraires libres.
La convention « prison ».
Malgré ces propos apaisants, il n'est pas certain que le secrétaire d'Etat aura emporté les suffrages des libéraux de la FMF, qui jugeront sur pièces. « C'était Noël avant l'heure dans le discours », analyse un généraliste. Beaucoup dénoncent la convention « prison » depuis la fermeture du secteur II. Ils réclament la suppression du « tarif d'autorité », ce montant dérisoire de remboursement des patients qui consultent un praticien non conventionné, privant les médecins de la liberté de choix d'adhérer ou pas à la convention. Ils exigent également le « secteur unique à tarifs modulables » pour tous, présenté comme la seule solution tarifaire équitable. Dans un autre registre, la FMF n'a toujours pas « digéré » sa non-représentativité syndicale pour les généralistes, refusée lors de la dernière enquête malgré le renfort de centaines de « coordonnés ». Figure emblématique de ces bouillants médecins qui avaient rejoint la FMF à l'été 2002, le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart (92), a remis sur le tapis la question de la non-représentativité généraliste « traînée comme un boulet ». Certains voudraient également des garanties sur la Ccam clinique (réforme des consultations), égarée dans un brouillard méthodologique. Les psychiatres, en particulier, ne veulent pas être oubliés : à Juan-les-Pins, trois syndicats ont élaboré une plate-forme commune pour avancer dans le cadre conventionnel, notamment sur la question de l'accès direct et des tarifs. Plusieurs médecins enfin ont raconté le « traumatisme » des réquisitions et le refus des « képis dans les cabinets », selon l'expression du Dr Antoine Leveneur, un des vice-présidents de la FMF.
Xavier Bertrand, du moins, est venu s'expliquer une nouvelle fois, ce qui sera porté à son crédit. Mais il faudra d'autres tribunes libérales pour emporter l'adhésion du corps médical.
Les psychiatres font des propositions communes
Le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), Frédéric van Roekeghem, s'est vu remettre lundi soir un texte de propositions communes signé à Juan-les-Pins par trois organisations syndicales représentant la majorité des psychiatres libéraux (FMF, Snpp et SPF). « Compte tenu du retard pris par la Ccam clinique » (refonte des consultations), la FMF, le Snpp et le SPF demandent une revalorisation de la consultation psychiatrique à « 3xC » (soit 60 euros), contre 37 euros aujourd'hui (Cnpsy à 34,30 euros, majoré de 2,70 depuis septembre 2003). Les psychiatres demandent l'application de ce tarif pour « toute première consultation », que celle-ci soit à l'initiative du patient ou fasse suite au « passage préalable par le médecin traitant ». Concernant les CMU et les personnes prises en charge d'une affection de longue durée (ALD) psychiatrique, les trois syndicats « demandent impérativement que leurs actes de suivi soient fixés à un tarif opposable de 3C ».
Pour les autres patients, la FMF, le Snpp et le SPF prévoient deux cas de figure. Si le patient désire un suivi coordonné après la première consultation, le tarif des consultations suivantes devrait être aussi au tarif opposable de 3C. A défaut de pouvoir obtenir un tel tarif, « les psychiatres demandent une possibilité de pratiquer avec " tact et mesure " un dépassement pouvant aboutir à un acte plafonné à 3C (60 euros) ».
Si, au contraire, le patient « fait le choix d'une non coordination des soins », les psychiatres libéraux « exigent de pouvoir pratiquer avec " tact et mesure " un dépassement libre non plafonné ».
> A.B.
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