XAVIER BERTRAND va se pencher ce matin sur les maux de la chirurgie publique et privée, à l'occasion d'une réunion assez solennelle des représentants de cette spécialité dans l'enceinte de l'Académie de médecine. Un peu plus d'un an après les accords chirurgiens de l'été 2004 (1) - inégalement mis en application depuis -, le ministre de la Santé pourrait y annoncer quelques mesures liées au problème de la responsabilité civile professionnelle (RCP) des spécialités à risque, après avoir pris connaissance de deux nouveaux rapports consacrés à la crise de la chirurgie.
Le premier rapport a été rédigé par plusieurs membres des Académies de médecine et de chirurgie, sous la houlette du Pr Hollender (« le Quotidien » du 6 septembre), tandis que le second est le fruit des travaux du Conseil national de la chirurgie (CNC), installé le 17 juin 2004 et présidé par le député UMP de l'Hérault, Jacques Domergue. Ces textes viennent alimenter une littérature déjà abondante sur le sujet. En février 2003 déjà, le Pr Domergue et le Pr Giudicelli (auteur d'un rapport de 1995 sur le même thème) avaient déjà formulé, à l'intention de l'ex-ministre Jean-François Mattei, une série de recommandations visant, d'une part, à améliorer l'organisation et les pratiques des soins chirurgicaux, et, d'autre part, à redorer le blason de cette spécialité aux yeux des jeunes médecins en formation.
Le rapport du CNC, comme celui des académiciens, est favorable à un regroupement des plateaux techniques publics et privés, à une modernisation de la formation chirurgicale, ainsi qu'au développement de l'évaluation des pratiques professionnelles.
Le CNC préconise une restructuration des plateaux techniques, fondée sur les « complémentarités » public/privé et « un seuil minimal d'activité de 2 000 interventions par an, couvrant un bassin de population de 50 000 habitants ». Elle ne pourra s'effectuer sans grincements de dents, estime le Pr Jacques Domergue, puisque « 150 à 200 services chirurgicaux » pourraient en faire les frais dans les hôpitaux généraux.
Le député de l'Hérault s'enorgueillit d'avoir proposé « des choses avant-gardistes », comme « l'abandon du concept de chirurgie générale au profit de la reconnaissance de dix disciplines chirurgicales », ou la création d'un nouveau métier, celui de « manager de bloc, indépendant du pouvoir des médecins ». Dépendant du responsable du pôle d'activité, ce manager serait le « véritable chef d'orchestre » de l'ensemble des intervenants d'un bloc « en vue d'une efficacité harmonieuse (de son) fonctionnement ».
Le problème de la Ccam.
Contrairement au rapport des académiciens, le CNC aborde l'épineuse question de la rémunération en soulignant « les limites » des modes de paiement actuels. « La rémunération forfaitaire du secteur public sur la base d'un salaire n'est pas incitative et peut être responsable de sous-activité, écrit le CNC. La rémunération à l'acte du secteur privé peut conduire à une sur-activité, d'autant plus que les actes sont sous-payés par rapport aux barêmes européens. Le mode de rémunération idéal devrait correspondre à un mixage des deux systèmes, associant une rémunération forfaitaire fixe et une rémunération variable proportionnelle à l'activité. » Ce mode de rémunération mixte répond « aux attentes de l'époque et pas seulement aux attentes des médecins », souligne le Pr Domergue.
Quant à l'application de la deuxième version de la Classification commune des actes médicaux techniques (Ccam V2), elle devrait être « différée » pour les chirurgiens libéraux, affirme le CNC, au lieu d'être effective pour tous au 15 septembre. Le rapport Domergue suggère donc le maintien de l'ancienne nomenclature Ngap majorée de 25 % pour les actes chirurgicaux, pendant « une période transitoire d'évaluation », afin de respecter à la lettre l'accord du 24 août 2004.
Pour le Pr Guy Vallancien, qui présentera une synthèse des deux rapports à l'Académie de médecine, on a suffisamment parlé des problèmes de la chirurgie, maintenant « il faut faire ! ». Le « raout » des chirurgiens organisé aujourd'hui montre, selon lui, qu' « il y a une prise de conscience des acteurs, malgré de petites variantes ». « On a envie que les jeunes, et notamment les femmes - qui représentent 69 % des étudiants dans ma faculté - fassent ce métier. La chirurgie, ce n'est pas que pour les gros poilus que nous sommes !», résume le Pr Vallancien.
Le Pr Domergue reprend son bâton de pèlerin, à l'heure où la chirurgie poursuit « sa descente aux enfers » dans les préchoix des candidats aux épreuves classantes nationales. « En France, on est un peu long à la détente, il faut répéter, faire du matraquage pour que les choses évoluent dans le bon sens », constate-t-il avec philosophie. Le député UMP espère de Xavier Bertrand « une nouvelle écoute » et « la mise en pratique de ce que les autres n'ont pas concrétisé avant lui ». La question « par qui sera-t-on opéré demain ? » reste plus que jamais d'actualité, rappelle-t-il. Devant ce problème de santé publique, « le message le plus fort que le ministre puisse adresser », poursuit Jacques Domergue, c'est l'annonce du lancement d' « un grand plan d'explication et de promotion de la chirurgie ». A bon entendeur...
(1) Accord du 24 août 2004 pour les chirurgiens libéraux et accord du 2 septembre 2004 pour leurs confrères du secteur public.
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