A Paris, au Grand Palais

Vuillard, et lui-même...

Publié le 25/09/2003
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Arts

C'est au sein du groupe des nabis que Vuillard commence très jeune sa carrière de peintre. On est en 1889. Il a vingt et un ans. Jusqu'alors, il avait tâté de la peinture dans le style impressionniste. Il l'abandonne pour un style synthétique et une facture plus libre. Il se révèle rapidement comme l'un des peintres les plus doués de sa génération par des hardiesses peu communes, aussi bien par le choix des couleurs que par celui des cadrages. Dans de petits formats surprenants, il multiplie les aplats aux tonalités éclatantes, selon des cadrages très originaux. Il est le plus audacieux de ces étonnants nabis et, peu à peu, il affirme parmi eux une originalité grandissante, assimilant les apports des avant-gardes avec intelligence et intuition. Sa peinture est stylisée, parfois dans le genre japonisant. C'est la période magistrale de Vuillard, sur laquelle s'ouvre l'exposition, avec des œuvres majeures fixées sur des cimaises d'un orange étincelant.

Le parcours commence par un éblouissement. Dans les dernières années du XIXe siècle, Vuillard prend sa liberté. Curieusement, il restera toujours un témoin fidèle du contexte social de son époque. Il sera toujours un observateur contemporain de celle-ci, mais avec une merveilleuse indépendance dans le style. Sa peinture n'est qu'à lui. C'est l'époque des fameux intérieurs intimistes qui, bien que leurs couleurs soient sourdes, dégagent une charmante douceur de vivre : Misia, l'amour platonique du peintre, y joue au piano, et les ouvrières de sa mère (corsetière de métier) exécutent leurs ouvrages. C'est l'époque des superbes jardins dont l'exposition présente les plus beaux spécimens (série des « Jardins publics »). C'est l'époque des motifs décoratifs, des ornements gracieux, des papiers peints, des robes à motifs pointillistes. C'est l'époque des décors, affiches et programmes exécutés pour le théâtre - celui-ci passionnait l'artiste.
Partout, Vuillard parvient à capter les tendres oscillations de l'atmosphère, les « sursauts magiques de la lumière ». Une peinture d'une superbe élégance, poétique et intimiste, et parfois gaie et même exubérante.
Mais Vuillard semble de plus en plus dépassé par les avant-gardes de l'art. Le cubisme apparaît, l'abstraction guette, le surréalisme s'annonce. Ces courants divers semblent entraver le peintre dans ses innovations. Il résiste. A la hardiesse des premiers temps succède une forme de tradition, une « aspiration à la clarté classique ». Plus de soumission au réel. Vuillard peint alors les représentants de la haute bourgeoisie, la comtesse Marie-Blanche de Polignac, Jeanne Lanvin, etc. Il est un peintre reconnu, un portraitiste en vogue.
Cet assagissement ne signifie pas convention : il y a trop de personnalité et d'exigence de liberté chez Vuillard. Mais la passion, la poésie ont déserté. Il reste le génie à arrêter le temps. Vuillard saisit dans leur vérité la psychologie de ses modèles. Quelque chose de proustien.

Edouard Vuillard. Galeries nationales du Grand Palais, Paris 8e. Tlj, sauf mardi, de 10 h à 20 h. Tél. 01.44.13.17.17. Jusqu'au 5 janvier.
Publications : Catalogue de l'exposition, 502 pages, 59 euros.
« Vuillard, le temps détourné », Guy Cogeval, Découvertes Gallimard n° 178, 13 euros. Un intéressant supplément au magazine « Beaux-Arts », 76 p., 10 euros.

D. T.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7391