ON PEUT FAIRE des reproches à l'infini aux spéculateurs boursiers et aux irresponsables qui sont en train de ruiner l'Amérique et l'Europe. Mais quand la politique s'en mêle, c'est pire. Que faut-il pour que le calme revienne ? Que des décisions spectaculaires rassurent les épargnants et tous ceux qui ont un compte en banque. On a toutes les raisons d'enrager contre les responsables de cette crise presque aussi grave que celle de 1929. Et, pour notre part, nous ne nous sommes pas privés de le faire. Mais le suicide collectif ne semble pas la meilleure réponse au mal qu'ont fait les spéculateurs.
Égoïsme électoral.
Les dirigeants américains, le secrétaire au Trésor, le président de la Banque fédérale des réserves et d'autres ont réagi à la crise avec autorité et intelligence. Même M. Bush, pour une fois, n'a pas été au-dessous de ce que l'on attendait de lui. Les députés américains qui ont rejeté le plan Bush n'ont obéi qu'à leur égoïsme. Ils savent que leurs électeurs, qui vont se prononcer le 4 novembre dans le cadre des élections générales, risquent de leur tenir rigueur d'une décision qui, bien qu'elle soit indispensable, revient à faire payer par le contribuable les quelque 1 000 à 2 000 milliards de dollars pour l'assainissement des finances américaines (on parle de 2 000 dollars par foyer, mais les sommes engagées seront en réalité ajoutées à la dette publique).
Tout cela est vrai, mais quand on entend des experts vanter, à cette occasion, l'insurrection des hommes libres que sont les Américains, on a envie d'appeler au secours. S'il n'y a pas de plan, en effet, qui va payer la casse ? Si ce n'est pas le contribuable, c'est l'épargnant, c'est celui qui a un compte courant ou une assurance-vie. N'est-ce pas le même homme ? Et en quoi la résistance du Congrès protège-t-elle les citoyens des États-Unis ? Elle les envoie plutôt dans le précipice.
D'autant que les parlementaires américains finiront pas adopter, quoi qu'ils en disent, un plan qui coûtera très cher de toute façon. Leur rébellion sert seulement à donner le change, à faire croire aux électeurs qu'ils se sont bien battus contre le pouvoir, sinon contre la fatalité. Et nous, Français ou Européens, sommes logés à la même enseigne. Si les gouvernements français et belge n'avaient pas sauvé Dexia de la faillite, la Bourse n'aurait pas repris des couleurs mardi. Ce qui compte, ce n'est pas que les actionnaires soient sauvés, ni que telle banque survive. C'est que la crise ne fasse pas boule de neige. Interventionniste comme à l'ordinaire, Nicolas Sarkozy s'est indubitablement beaucoup agité, notamment en convoquant, mardi, une réunion à 5 heures du matin.
ON ESPERE QU'A LA FOLIE DU CREDIT NE S'AJOUTE PAS LA FOLIE POLITIQUE>
L'opposition, socialistes et bayrouistes confondus triomphe tout en faisant des mines éplorées. ça va très mal, et tout est la faute de Sarkozy. Dans un entretien avec France Info, mardi, François Bayrou a salué la défaite du reaganisme et du thatchérisme, idéologies auxquelles Nicolas Sarkozy aurait soumis la France. Jamais les idées de l'ancien président et de l'ancienne Premier ministre n'ont gagné l'Europe continentale. Jamais elles n'ont été appliquées ici. Jamais non plus, Reagan ou Thatcher n'ont proposé aux banques de vendre des maisons à des gens insolvables. Jamais ils ne leur ont suggéré de fabriquer des saucisses de crédits « pourris » à découper en tranches pour qu'elles soient vendues aux banques européennes.
En revanche, nous avons attendu vingt ans pour commencer les réformes qui ont été accomplies aux États-Unis et en Grande-Bretagne dans les années quatre-vingt. On peut accabler d'injures les spéculateurs, mais on doit aussi se rappeler que le crédit à tout-va a nourri la croissance américaine de ces dernières années. Cette croissance a permis aux pays émergents de bénéficier d'une expansion sans précédent. Aujourd'hui, on verse des larmes, et on oublie les fastes et l'opulence d'une progression de 8 à 12 % du PIB en Inde, en Chine et au Brésil.
Tout le monde, en France, a le droit de détester le président. On ne peut pas, pour autant, lui faire porter tous les chapeaux. Si les socialistes étaient au pouvoir, ils n'auraient pas été mieux armés contre cette crise qui traverse les frontières à la vitesse de l'éclair. Un exemple : Dexia est une affaire parfaitement saine. La rumeur a couru qu'elle était atteinte à son tour par la crise ; le cours de son action a perdu 27 % en un jour, créant un besoin énorme de recapitalisation, qui aura coûté 6 milliards d'euros à la France et à la Belgique. Qu'est-ce que cela a à voir avec le bouclier fiscal, avec la politique économique et sociale du gouvernement français, avec le prétendu « libéralisme » de Sarkozy, qui n'est rien d'autre qu'un pragmatiste ? Bertrand Delanoë n'a-t-il pas déclaré récemment qu'il était socialiste et libéral ? N'a-t-il pas, ce jour-là, perdu une occasion de se taire ? Voulez-vous me dire par quel phénomène M. Sarkozy, qui ne manque pas une occasion de souligner les aberrations du capitalisme, serait responsable de la faillite de Lehman Brothers et de AIG ?
Calomniez, calomniez…
Mardi, la chancelière allemande, Angela Merkel, a rappelé aux Américains leurs responsabilités. C'est l' hubris d'outre-Atlantique qui a créé ce maelström. C'est à Washington de faire ce qu'il faut pour qu'un terme soit mis à la crise. Il appartient donc aux parlementaires américains de trouver la voie de la sagesse. On veut croire qu'à la folie du crédit ne s'ajoute pas maintenant la folie politique. Autrement, il peut y avoir pire que ce que nous avons eu jusqu'à présent.
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