Au premier abord, cela peut paraître loin : 2031 c’est presque dans vingt ans. Et pourtant, les médecins auraient bien lieu de s’inquiéter, selon MG France, qui, sur la foi des dernières projections de la CARMF, s’alarme du risque de cessation de paiement du régime complémentaire des médecins libéraux avec un épuisement des réserves prévu pour 2031. Ces prévisions ont été présentées lors du dernier Conseil d’administration de la CARMF, qui a eu lieu samedi 28 avril et qui portait sur le régime complémentaire et les placements. Un régime qui représente tout de même 42 % des retraites des médecins libéraux (contre 39 % pour l’allocation supplémentaire vieillesse (ASV) et 19 % pour le régime de base). Les cotisations sont d’ailleurs entièrement payées par les médecins et entièrement gérées par la CARMF.
Un sauvetage qui a coûté cher
À l’annonce de cette nouvelle, Claude Leicher est resté bouche bée : « On pensait avoir réglé le problème des retraites. Si on ne fait rien, on n’aura plus d’argent et on se retrouvera dans la même situation qu’avec l’ASV ! » Pour le président du syndicat de généralistes, « anticiper » cette cessation de paiement en agissant dès aujourd’hui, est indispensable pour sauver la retraite complémentaire des médecins de façon « moins douloureuse » qu’avec la réforme de l’ASV, l’an passé. Le sauvetage de ce régime déficitaire, intervenu in extremis, a en effet coûté cher aux médecins : hausses de cotisations et baisses de pensions ont été le prix à payer pour que les médecins libéraux le conservent.
Interpellé par MG France, jeudi dernier, par voie de communiqué, le président de la CARMF a réagi dès vendredi. Gérard Maudrux garde son sang-froid et relativise le problème : « Nous, ce sera dans vingt ans. Regardez ce qui se passe ailleurs ! » Dans un communiqué, la CARMF cite le régime général des salariés, histoire de montrer qu’il sera confronté dans sept ans à l’épuisement de ses réserves contre 19 ans de répit pour le régime complémentaire. En même temps, la CARMF rappelle aussi que, en dépit du sauvetage, le couperet tombera de nouveau dans huit ans pour l’ASV et dans un an, seulement, pour le régime de base des médecins et autres professions libérales (celui-ci n’étant pas géré par la CARMF, mais par la Caisse nationale d’assurance des professions libérales (CNAVPL).
Mauvais placements, grosses pertes...
Rassurant ? Pas tout à fait aux yeux de MG France. Dans son communiqué, le syndicat met en cause, à mots couverts, la gestion de la CARMF et, surtout, la pertinence de ses placements. Interrogé par Le Généraliste, Claude Leicher s’en est expliqué : selon lui, à deux reprises, en 2008 et en 2011, la CARMF aurait enregistré des grosses pertes à cause de mauvais placements. La CARMF défend, de son côté, la performance de sa gestion, évoquant des résultats de placements « supérieurs aux indices ». Et ce malgré la crise financière, malgré la crise de la démographie médicale, malgré « la dégradation de la valeur des actes » et malgré la montée du salariat chez les médecins.
Claude Leicher pousse la critique encore plus loin, se demandant si Gérard Maudrux, qui a toujours prôné la fermeture pure et simple du régime déficitaire ASV, ne voudrait pas, maintenant, « fermer le régime complémentaire ? » « C’est complètement ridicule ! », riposte, définitif, le patron de la CARMF, tout en répétant que « la situation du régime complémentaire des médecins est une des moins inquiétantes de France ».
A MG France, on fait état aussi d’une inquiétude particulière sur l’allocation supplémentaire vieillesse, évoquant le fait que la CARMF a déposé un recours contre le décret de réforme de l’ASV pour le faire annuler. Rapide calcul : selon Claude Leicher, sans ASV ni régime complémentaire ce serait alors plus de 80 % de la retraite des médecins qui serait menacée! Ou, même, 100% vu que le régime de base paraît lui aussi mal en point. Là encore, Gérard Maudrux rectifie : son recours n’attaque pas « l’ensemble du texte » mais seulement la partie qui concerne « la rétroactivité pour la baisse des retraites ». Cette polémique témoigne une nouvelle fois, d’un contexte tendu entre MG France et le président de la CARMF alors même que celle-ci se trouve en plein processus de renouvellement de ses délégués.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature