O N attribue à Yersinia pestis trois pandémies majeures : la « peste justinienne » (750-540 av. Jésus-Christ), la « peste noire » (XIV-XVIe siècles), qui a tué 30 % de la population européenne, et la « troisième pandémie », du XIXe siècle. Mais qui prouve que Yersinia pestis était bien responsable de ces pandémies ? En tous cas, dans leur ouvrage, « Biology of Plagues », Susan Scott et Christopher Duncan (1) affirment que la « peste noire » n'était pas due à cette bactérie. A cela, indiquent-ils, trois raison principales.
Les réservoirs
Premièrement, la peste bubonique chez les humains implique que des rongeurs fassent office de réservoirs. D'ailleurs, on a toujours pensé que, en Grande-Bretagne, le réservoir était le rat noir. Mais, selon Scott et Duncan, les rats noirs étaient rarement, voire jamais, vus en dehors des ports maritimes et ils n'auraient pas survécu aux longs voyages par lesquels on a expliqué l'arrivée de l'épidémie en Islande et au Groenland.
Deuxièmement, la transmission de la peste d'un rongeur à un homme se fait par l'intermédiaire d'une puce infectée. Or, selon les auteurs, pendant l'hiver, les puces sont inactives.
Troisièmement, ils estiment que la transmission par voie aérienne (peste pulmonaire) ne peut pas être responsable de la diffusion de la maladie parce que, selon eux, les individus contagieux étaient proches de la mort et auraient été incapables de transmettre la maladie à d'autres personnes que celles de la maison.
Une histoire chinoise
Richard Titball, qui rapporte cet ouvrage dans « The Lancet » n'est pas de cet avis. Il rapporte une « fascinante » histoire survenue en Chine lors de la peste du XIXe siècle. Un voyageur atteint de peste pulmonaire arrive dans une auberge. Il est apparemment capable de rendre un repas. Le lendemain, il est retrouvé mort et le surlendemain, toutes les personnes qui se trouvaient là sont atteintes de peste pulmonaire. Dès lors, estime Titball, la forme pulmonaire a pu être le point de départ de la peste noire, sans l'intervention des rats et des puces.
Autre remarque de Titball : les auteurs sous-estiment les puces infectées, qui peuvent rester en vie - et infectieuses - pendant des semaines, voire des mois. En définitive, pense-t-il, la peste noire pourrait être un mélange de peste bubonique et de peste pulmonaire.
(1) Cambridge University Press, 2001, 434 pages, 65 livres.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature