L E transfert de 55 tonnes d'obus chimiques de Vimy à Suippes est sans doute une affaire rocambolesque, mais qui donne à réfléchir sur la protection de l'environnement, sur les chances de survie que l'humanité laisse à la planète, sur cette sorte de fatalité qui semble associer les progrès scientifiques à la destruction de notre milieu naturel.
Ces obus ne datent pas d'hier mais de la Première Guerre mondiale. Ils ont été entreposés dans un coin de notre beau pays et on a vite fait de les oublier, alors que leur existence présente un grave danger depuis 83 ans. Cela signifie que, si la préoccupation de l'environnement est relativement récente, les atteintes qu'il subit remontent au début de l'industrialisation et même à plus loin encore : il n'y a pratiquement pas de geste que l'homme accomplit pour assurer son bonheur qui ne soit pas aussi une déformation du milieu.
La guerre est le pire des crimes que l'on puisse commettre contre la nature ; et dans le cadre de la guerre, des armes chimiques ou biologiques qu'on ne sait pas détruire ou rendre inoffensives sont encore plus intolérables. Pourtant, en 1914, la France devait se défendre contre les assauts de l'Allemagne, laquelle ne s'est pas privée, de son côté, de fabriquer des armes identiques. Les explosifs nucléaires ne sont qu'une variante, encore plus monstrueuse, de cette panoplie, considérée comme indispensable pendant la bataille, mais dont nous ne savons pas nous débarrasser une fois que la paix est revenue.
Pourquoi ces explosifs seraient-ils moins dangereux à Suippes qu'à Vimy, deux localités qui viennent d'acquérir la célébrité nationale ? Pourquoi a-t-on évacué 15 000 personnes avant de procéder au transfert ? Pourquoi n'en fait-on pas autant pour tous les autres dépôts de munitions qui parsèment la France ? Nous avons tout lieu de craindre qu'on ne nous a montré, une fois encore, que la partie émergée de l'iceberg et que ce formidable déploiement d'activité autour des obus de Vimy cache un problème bien plus vaste.
En réalité, il nous manque une politique de l'environnement qui soit digne de ce nom, qui dise d'abord ce que cela coûte de nettoyer la nature, les efforts et les privations qu'implique le respect de l'écologie, les immenses réformes industrielles qu'il rendrait nécessaires et enfin les limites d'un tel effort : nous ne pouvons pas retourner à l'âge de pierre, comme semblent le proposer un certain nombre d'illuminés. Vivre, c'est salir. Produire, c'est détruire. Nous n'avons même pas commencé à réfléchir sur l'équilibre à trouver entre les besoins matériels de l'humanité et la protection de l'environnement.
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