AU DÉBUT DE L'ANNÉE 2008, un patient se rend au cabinet du Dr Jean-Louis Zink, médecin ORL à Vitrolles. Il y subit un acte de chirurgie générale qui justifie, selon le praticien, un dépassement d'honoraires de 100 euros, que le spécialiste pratique avec ce qui lui «semble être tact et mesure». Le patient envoie sa demande de remboursement aux Mutuelles de France des Bouches-du-Rhône. Mais la directrice départementale de l'assureur complémentaire, Françoise Vergnes, lui répond par courrier que «de plus en plus de médecins pratiquent des dépassements d'honoraires sans que cela ne soit parfaitement justifié. C'est pourquoi nous encourageons nos mutualistes à se rendre dans nos centres de santé (...) . Ils y retrouvent les meilleurs spécialistes dans de nombreux domaines, toujours prêts à accomplir les gestes de santé nécessaires et essentiels. En conséquence, vous comprendrez que, pour maintenir l'équilibre financier de notre mutuelle, il ne nous est pas possible de rembourser les dépassements».
Aux yeux du Dr Zink, qui parle de «pratiques calomnieuses et inadmissibles», ce courrier signifie que, pour la Mutuelle, «nous n'opérons que pour faire du fric et nuire à nos patients». Or, assure le Dr Zink, ses patients sont toujours prévenus à l'avance d'un dépassement éventuel.
Selon lui, l'acte pour lequel cette lettre a été adressée au patient, est coté GAMA 001 et remboursé 49 euros par la Sécurité sociale. Il s'agit d'une turbinectomie, effectuée sous anesthésie générale. «Pour ma part, je ne connais pas de plombier acceptant de faire un dépannage pour cette somme ridicule et, nous, chirurgiens, devons nous en contenter. C'est une cotation à la limite de l'indécence, et nous continuons à faire ces gestes à ce tarif pour dépanner nos patients.»
Le Dr Zink précise, en outre, que, à ceux de ses patientsqui ne souhaitent pas acquitter les tarifs qu'il leur présente, il indique systématiquement des adresses où ils pourront se faire soigner sans dépassement. Des précautions dont ne s'entoureraient pas les Mutuelles de France, aux dires de Jean-Louis Zinc : «Les patients qui signent auprès de cet assureur complémentaire ne sont pas informés que les dépassements d'honoraires n'y sont pas pris en charge.»
Il est vrai que, sur le site des Mutuelles de France-Sud, on peut lire à la rubrique «dépassements d'honoraires» la mention suivante : «On parle de dépassement d'honoraires lorsqu'un professionnel de santé pratique des prix supérieurs aux tarifs fixés par la Sécurité sociale. Ces dépassements ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale, mais peuvent être pris en charge par une complémentaire santé.» Le doute plane sur le remboursement de ces mêmes dépassements par cette mutuelle.
La colère du Dr Zink semble partagée pour une bonne part par le Pr Henry Zattara, président du conseil départemental de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Dans un courrier adressé à Françoise Vergnes, il lui fait part de son «très vif mécontentement» et parle de «termes inacceptables». «Il ne vous appartient pas, écrit-il, d'émettre le jugement a priori qu'un médecinpratique des dépassements d'honoraires sans que cela ne soit parfaitement justifié, car cela constitue une atteinte diffamatoire à sa probité et à son honorabilité.»
Aux Mutuelles de France, Françoise Vergnes fait en partie amende honorable. Elle reconnaît que son courrier a pu être «mal interprété car sa formulation n'était peut-être pas tout à fait adaptée». Et elle s'explique : «Quand je parle de dépassements pas forcément justifiés, je ne veux pas dire qu'ils n'ont aucune justification, mais que les praticiens n'en expliquent pas toujours le motif.» Selon elle, le courrier adressé au mutualiste était un «courrier type ne visant aucun médecin en particulier», et elle rappelle que «nos prestations ne couvrent jamais les dépassements» – hormis certaines garanties spéciales des Mutuelles de France qui couvrent les dépassements sur consultations, mais jamais sur actes. Françoise Vergnes ajoute : «Ce médecin m'a appelée au téléphone sur un ton très agressif, il m'a insultée et je n'ai pas pu placer un mot.» Ce que ne dément pas le Dr Zink qui reconnaît avoir utilisé un ton volontairement désagréable, en réponse à la tournure de la lettre adressée par la mutualiste à son patient.
Quoi qu'il en soit, Françoise Vergnes est bien consciente que la formulation de sa lettre type est sujette à caution. «J'ai déjà modifié ce courrier, indique-t-elle, j'en ai supprimé presque tout le contenu et n'ai laissé qu'un paragraphe indiquant que nous ne prenions pas en charge les dépassements.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature